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PROBABILISME

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des opinions solidement probables, qu’il nous sera permis de suivre.

d) Doutes de justice. — Les doutes abondent en matière de justice : à preuve, la foule des procès. Telle propriété nous appartient probablement. Mais un autre prétendant nous oppose des arguments probables. Pourrons-nous recourir au probabilisme ? Si la controverse porte sur le titre juridique, la réponse affirmative n’est pas douteuse ; notre obligation de renoncer à cette propriété est incertaine. Mais que dirons-nous, si l’élément décisif est un fait ? La possession pacifique du bien peut alors créer en notre faveur un titre certain de préférence. Mais, si ce titre même fait défaut et que les chances soient sensiblement équivalentes, ne faut-il pas qu’à situation égale, les hommes soient traités de même ? Telle est, selon nous, la réponse spontanée de l’honnête homme.

Objectera-t-on que le partage nous expose à donner trop ? Nous répondrons d’abord ad hominem : en gardant le tout, n’êtes-vous pas exposé à donner trop peu ? Pourquoi cette éventualité vous émeut-elle moins que la précédente ?

Puis, raisonnons. Rappelons ce principe incontesté, qu’aucun doute, comme tel, ne peut guider notre conduite : nous ne pouvons, sur un titre incertain, fonder une revendication certaine. Il faut donc que la lumière nous vienne d’un principe supérieur évident. Nous le trouvons dans la destination primitive des biens à tous les hommes également. Dès lors, si, d’après nos éléments de preuve, deux prétendants se trouvent vis-à-vis de certains biens dans une même situation, définie immédiatement par deux peut-être (peut-être à X, peut-être à Y), les droits de X et de Y relatifs aux biens en litige sont les mêmes. A cette égalité il peut être satisfait par une possession indivise ou par le partage entre deux. Ne dites pas que, en cédant une quote-part, vous vous exposez à donner trop ; car vous ne donnez que ce que vous devez, l’incertitude ayant annulé le titre qui éventuellement vous attribuerait le tout, aussi bien que celui qui ne vous concéderait rien.

Nous tenons cette solution pour certaine. Cependantdes auteurs sérieux opinent diversement ; l’obligation de partager devient de la sorte douteuse, pour ceux, du moins, qui ne sont pas en état de se former une conviction personnelle.

En vue du bien commun, pour assurer le progrès de la science du droit, la loi peut aussi prescrire aux juges d’appliquer le droit selon leur persuasion, sans égard pour les controverses : l’usage du probabilisme leur serait alors défendu dans les décisions judiciaires.

e) Accomplissement incertain de préceptes. — Il est d’autres doutes encore, où le recours au probabilisme nous paraît indîl. L’obligation de réciter l’office divin, de nous abstenir de viande le vendredi, nous est bien connue. Mais nous nous surprenons à douter positivement si nous avons récité l’office divin, si tel mets est, en fait, gras ou maigre. Des raisons sérieuses se présentent pour l’affirmative et la négative. Tant que la question se pose en ces termes, le probabilisme est incompétent pour la trancher. Pourquoi ? Pour cette simple raison, qu’aucune conclusion ne peut dépasser la portée des raisons qui l’établissent. L’obligation cependant n’est-elle pas incertaine ? En fait, oui ; en droit : il faudrait le prouver. L’incertitude est d’un autre genre que celle qui est supposée dans la démonstration du probabilisme. Là, il s’agissait d’une loi non promulguée ou d’une lui qui nous était inconnue. Dans la nouvelle hypothèse, la loi est promulguée et elle nous est connue. Noua ignorons notre fait : avons-nous rempli notre

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obligation, nous hésitons sur la qualité du mets qui se trouve devers nous.

Voilà pourquoi avec Lâyhànn, Theol. mor., L. I, Tr. I, c. 5, n. 39, et d’autres excellents auteurs, nous tenons que le probabilisme ne saurait pas, en l’espèce, intervenir directement, mais qu’il faut recourir à des règles spéciales pour résoudre les doutes qui concernent un fait ou la qualité d’un fait.

f) Doutes négatifs. — Il n’y a pas de probabilité sans raison sérieuse. Il est donc manifeste qu’en l’absence de toute raison d’affirmer ou de nier, le probabilisme n’a rien à faire. En ce cas encore nous devons chercher d’autres moyens de solution.

Nous avonsvu précédemment que le principe de possession ne saurait nous être d’aucun secours, la possession elle-même n’étant que fictive. Mais nous trouverons les moyens de solution dans la volonté du législateur, soit nettementexprimée, comme lorsque l’Eglise supplée la juridiction dans un doute de fait ; soit déduite avec des probabilités sérieuses.

IV. Solution des doutes que le probabilisme De peut trancher. — Des auteurs, même moralistes, nous paraissent trop persuadés d’avoir fourni la clef de toutes les énigmes pratiques, après s’être prononcés sur la question probabiliste. Cette illusion n’amène pas peu d’erreurs pratiques, que nous voudrions éviter au lecteur.

A) Les probabilités de fait.

a) Quand il est au pouvoir du législateur de suppléer une condition nécessaire à la validité d’un acte, une déclaration formelle de l’Eglise nous enlève quelquefois tout souci. Ainsi, nous l’avons déjà remarqué, le Code canonique, au c. aoo, nous apprend que l’Eglise supplée, tant pour le for externe que pour celui de la conscience, la juridiction en faveur de laquelle un argument sérieux plaide en fait ou en droit.

D’autre fois, le recours à la dispense offre un moyen d’entière sécurité. Le c. 15 permet aux Ordinaires, dans les doutes défait sur l’incapacité ou la nullité, dedispenserdes lois irritantes et inhabilitantes desquelles le Souverain Pontife a coutume de dispenser.

b) Parfois, une probabilité de fait se convertit en probabilité de droit, et donne alors lieu à l’application du probabilisme.

L’obligation des vœux et de l’Ofiice divin nous servent ici d’exemples instructifs.

Telle manière de réciter le bréviaire, d’accomplir le vœu suffit-elle ? On n’est pas d’accord. Vous avez pour vous une opinion sérieusement probable : c’est un doute de droit ; il se résout directement par le principe probabiliste.

Avez-vous en réalité récité le bréviaire ou telle partie de l’office divin ; vous êtes-vous acquitté de votre vœu ? Cela n’est pas sûr. Vous invoquez en votre faveur des raisons sérieuses, même une présomption fondée. Dans ce cas, une opinion solidement appuyée sur l’intention de l’Eglise et l’indulgence du Père que nous avons aux cieux, vous dit que vous pouvez vous tenir quitte, que ni Dieu ni l’Eglise ne vous contraignent à une prestation éventuellement double. La valeur de cette opinion rend probable la formule suivante : « On n’est pas tenu de s’exposera recommencerunbrcviaire ou l’accomplissement d’un vœu, quand on a des raisons sérieuses pour penser avoir satisfait. » Voilà, greffé sur le point de fait, un doute de droit, qui permet l’usage du probabilisme.

c) Nous avons déjà dit comment, à notre se" s » les doutes positifs de fait relatifs aux obligaU"" 3 de justice devaient se trancher, en dehors de t » ute possess "n ou de toute présomption, par « n pa r ! "’e

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