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PHOBABILISME

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lire toutes les concessions que le Card. d’Annibalb fait au Probabilisme pur ; de parcourir les pages impartiales que le R.P. Prubmmer consacre aux différents systèmes dans son Monnaie theulogiæ moralis. Et nous n’éprouvons pas une moindre satisfaction, en constatant que les meilleurs auteurs des RR. PP. Rédemptoristes : AiHTNusetMARC, sedéfendent de contredire les grands moralistes de la Compagnie de Jésus. « L’action, écrit le R. P. Sbrtillangks, auc. 16du livre déjà cité, nesaurait atteindre l’évidence ; la prudence est sauve à un moindre prix… le critérium de l’obscur, c’est le vraisemblable ; la Providence nous ayant jeté dans le probable, elle doit s’en contenter de notre part… l’esprit trouve bon d’adhérer à l’opinion dite prudente. » Ces réflexions, de genre probabiliste, ne traduisent-elles pas un sentiment commun ? Et les auteurs que nous venons de citer ne signeraient-ils pas avec nous cette formule : « Tant qu’il n’est question que de permis ou défendu, une opinion solidement probable donne pleine sécurité. »

A notre tour, nous acceptons volontiers les services que les autres systèmes peuvent rendre à la morale. Si, théoriquement, une raison plus probable n’enlève pas leur valeur aux arguments opposés, l’excès de probabilité peut être tel, que psychologiquement et même objectivement, il nous donne cette certitude morale à laquelle, pour la conduite pratique, nous pouvons et devons nous fier ; et l’équiprobabilisme nous prémunit contre un probabilisme outrancier qui, satisfait à trop bon compte de raisons apparentes, jetterait trop d’incertitudes sur nos vrais devoirs.

III. — Le Champ d’application du probabilisme

L’énoncé de notre thèse et sa démonstration nous permettent de délimiter exactement le domaine placé sous l’influence du probabilisme. La thèse soutenait l’honnêteté pratique de l’action ; la démonstration en appelait à la volonté raisonnable du législateur. L’accord avec cette volonté garantissait la correction de nos actes.

I. — La conclusion probabiliste tient donc debout, là où cette volonté peut être efficace. Ailleurs, les doutes pratiques doivent se résoudre d’après d’autres règles. Le probabilisme vient à propos quand il s’agit de savoir si une action est licite ou non ; si elle va ou si elle ne va pas à l’encontre d’une prohibition. Et là, son intervention est toujours décisive. La conséquence d’un principe universel ne peut être qu’universelle, elle-même.

L’obligation du secret sacramentel peut cependant faire difficulté. Tel langage, tel acte, telle attitude du confesseur, sont-ils interdits par ce devoirrigoureux ? Parfois les avis diffèrent ; l’obligation parait donc douteuse ; et il s’agit bien d’un doute de droit. Cependant, le confesseur ne peut pas en ce cas raisonner ainsi : obligation incertaine, obligation nulle : je garde ma liberté. Nullement ; d’accord avec l’ensemble des moralistes, nous lui dictons la solution tutioriste.

L’exception n’est qu’apparente. En effet, les mêmes théologiens, qui discuteront sur l’extension du secret sacramentel, sont d’accord pour dire que le secret de la confession doit donner pleine sécurité au pénitent ; qu’il ne la donnerait pas, s’il n’interdisait toute violation probable de ce secret. Une loi supérieure certaine intervient donc ici, dont aucun probabilisme n’autorise la transgression. Ou, si l’on aime mieux, un doute de fait concourt ici avec un doute de droit. Doute de droit : telle parole est-elle Compatible avec la loi du secret ; doute de fuit, la sécurité du pénitent, si cette parole est dite, demeu rera-elle entière ? Or, à la première règle universelle, nous devons joindre cette autre : le probabilisme, applicable à tous les droits, ne s’applique à aucun doute de fait, du moins immédiatement.

a. — En effet, la volonté raisonnable du législateur ne peut m’obliger ni par une loi non promulguée ni par une loi que j’ignore sans ma faute : affranchi de l’obligation en toute hypothèse (même au cas où la loi existerait), je suis pleinement rassuré. Mais toute-puissante pour enlever la loi, puisqu’il n’y a pas de loisansvolonté impérative, cettemême volonté ne peut rien directement sur le fuit, qu’elle laisse intégralement subsister.

Par là, nous ne contestons pas au législateur le droit de limiter sa loi à des faits certains, en d’autres termes, de soustraire le fait à la loi. Celte volonté, exprimée d’une façon claire ou obscure, peut donner ainsi naissanceà des discussionssur la loi elle-même ; mais il n’en demeure pas moins que le fait, comme tel, n’a pas la souplesse d’une disposition juridique pour se plier à toute volonté du législateur : quelle que soit cette volonté, la matérialité du fait reste la même.

3. — Quelques exemples rendront plus tangible cette distinction capitale entre les doutes de droit, régis par le probabilisme, et les doutes de fait qui lui échappent, du moins immédiatement. (La valeur de cette restriction sera mise en lumière par ce » exemples eux-mêmes.)

a) Administration des sacrements. — Pour opérer ses effets, le sacrement doit être validement administré. Et ces conditions de valeur sont soustraites d’ordinaire à l’empire des lois.au moins des lois humaines. D’autre part, l’intérêt du sujet et le respect dû à ce signe sacré nous obligent à veiller à la validité du sacrement. Nous ne pouvons nous contenter en général d’une administration incertaine. Aucun probabilismene nous y autorise. Le probabilisme n’apas à intervenir immédiatement.

Il peuteependant, sous un double rapport, rentrer en scène. L’Eglise dispose de la juridiction dont le prêtre a besoin au sacrement de pénitence. Elle la lui confère selon les conditions qu’elle détermine. Or, chaque fois que les conditions de droit, ou même de fait, se trouvent remplies avec probabilité, elle entend suppléer la juridiction, si celle-ci faisait défaut (c. aog). Le doute probable se trouve ainsi converti en certitude, par la volonté formelle de l’Eglise.

D’autre part, le principe du respect dû aux sacrements doit se combiner avec cette autre règle, inspirée par leur raison d’être. Les sacrements sont institués pour le bien des hommes. La loi divine permet donc, oblige parfois à administrer des sacrements de valeur douteuse. Il y a des cas évidents, par exemple pour le baptême, désiré par un croyant qui a probablement cessé de vivre… Outre ceux-là, d’autres seront douteux et controversés. La question se représente ici sous la forme d’une obligation ou d’une défense. Dans telle hypothèse, puis-je, dois-je administrer le sacrement, malgré l’inutilité probable de ma tentative ? Ce genre de doute nous replace dans le ehamp du probabilisme.

b) Nécessités de moyen. — Aucune loi ne saurait dispenser d’une condition nécessaire au salut. L’accomplissement simplement probable de pareille condition ne nous fournit aucune assurance.il est donc clair qu’un devoir de charité envers nous-mêmes nous oblige ici à être tutioristes.

c) Doutes de fait. — Les faits ne sont nullement influencés par les opinions. Ils sont ou ne sont pas. Les doutes de fait échappent donc à l’empire du probabilisme. Pourtant, la conduite à tenir dans ces ordres de fait peut donner lieu à des discussions, à