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PROBABILISME

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probables, moins probables, très probables, peu probables.

c) L’obligation permanente du service de Dieu. — Dana toute son activité libre, l’homme n'échappe pas un instant à la loi générale qui l’oblige constamment à poursuivre des Ons honnêtes, à glorifier Dieu, à agir en esprit de charité. Il demeure toujours le serviteur de Dieu et ion enfant d’adoption. Mais, outre cette loi générale, des lois particulières, divines ou humaines, viennent expliquer cette loi fondamentale, ou la compléter par de nouvelles déterminations. L’homme doit se conformer aux ordres ainsi établis. En dehors de ces déterminations, il prend conseil de sa propre prudence ; et ce gouvernement de lui-même, honorable pour l’homme, glorifie également Dieu. Lors donc que nous affranchissons l’homme d’une obligation particulière, nous ne l’abandonnons pas à de capricieuses fantaisies ; nous étendons seulement le domaine de ses hommages libres.

d) Moralité de l’option pour la liberté. — Aucune violation formelle d’une loi n’est morale. Rien n’est jamais mieux que d’obéir à des prescriptions légitimes et certaines. Mais quand le choix nous est laissé, le parti que l’on appellera le plus sûr, comme s’ao cordant avec une loi incertaine, ne sera pas toujours le plus parfait. La valeur de notre option dépendra du but que nous aurons en vue et des circonstances. Nous pouvons destiner aux fins les plus hautes de la bienfaisance ou de l’apostolat, la somme qu’une opinion probable nous dispense de donner à X., personnage peu intéressant et peut-être indigne ; une mission magnifique peut s’offrir à nous, quand nous ne sommes que probablement retenus par des devoirs d’ordre inférieur.

a. Enoncé de la thèse probabiliste. — L’honnêteté pratique de nos actes n’est jamais douteuse, lorsque, dans l’ordre théorique, cette honnêteté est sérieusement probable.

Quelques mots d’explication. Une probabilité ne devient sérieuse, que lorsque le doute est invincible, après qu’il a été satisfait au devoir de chercher la vérité. Nous supposons donc une enquête suffisante, et des arguments solides, soit de raison, soit d’autorité, en faveur de l’honnêteté de l’acte en question.

En niant que l’honnêteté pratique soit jamais douteuse, nous attribuons à la thèse une valeur universelle.

Mais, en revanche, nous la limitons par son objet : l’honnêteté pratique. La thèse ne touche pas à l’edicacité physique ou juridique de nos actes ; et elle ne se prononce pas sur la valeur relative de cette honnêteté : si le mieux est parfois l’ennemi du bien, ce qui est simplement honnête n’est pas toujours le mieux, ni le parti à conseiller.

De l’honnêteté pratique, dépend l’imputation de l’acte tel qu’il se fait : la moralité de l’acte dans l’agent ; l’honnêteté théorique 'correspond à la valeur morale objective ou générale de l’acte considéré en lui-même.

La thèse probabiliste, proposée la première fois par Mbdina (1528-1581) de l’Ordre des Frères Prêcheurs, a rallié, durant l'âge d’or de la théologie morale, les Docteurs les plus renommes, et elle continue d’avoir pour elle un grand nombre d’auteurs tant séculiers que religieux : voyez le précédent exposé historique.

3. Démonstration. — L’action dont l’honnêteté est, dans l’ordre théorique, sérieusement probable, n’enfreint jamais pratiquementaucune loi. Donc, l’honnêteté pratique de cette action n’est jamais douteuse.

On demandera, peut-être, si l’action est licite par cela seul qu’elle n’enfreint aucune loi. La réponse

affirmative n’est pas contestable. L'énoncé de cette majeure sous-entendue se trouve formellement chez S. Thomas : t Ce qu’aucune loi ne prohibe, déclaret-il, voilà ce qu’on appelle licite » (In IV, D. 15, q. a, ait. 4, sol. i). Cette définition nominale exprime une vérité de sens commun. Dieu, en nous donnant des jambes, nous permet de marcher par les chemins qui ne sont pas positivement défendus, sans qu’il faille une nouvelle permission pour nous mettre en route. En nous dotant d’une activité libre, commandée d’ailleurs par l’appétit du bien (le mal comme tel n’est pas appétible), il nous permet de l’exercer sans nouvelle autorisation positive : l’exercice même de cette activité est de soi une bonne chose, qui rend gloire à Dieu.

Cette action n’enfreint jamais aucune loi. Raisonnons dans les trois hypothèses possibles.

a) L’honnêteté de l’action peut dépendre du sens de la loi. Mais les expressions en sont ambiguës. Par exemple, le Maître des novices est-il parmi les Supérieurs qui ne peuvent pas engager leurs inférieurs à leur manifester des choses de conscience ?

h) L’honnêteté de l’acte dépend de l’existence delà loi. Par exemple : les adultes que l’on rebaptise sous condition, doivent-ils faire une confession intégrale des péchés commis après leur premier baptême ?

c) L’honnêteté de l’action peut dépendre de l’ignorance d’une loi claire et promulguée. Par exemple : la fête de S. Joseph est-elle établie ou rétablie au calendrier de l’Eglise universelle, comme fête d’obligation ? Une personne isolée se trouve hors d'état, par les éléments d’investigation dont elle dispose, de parvenir à une connaissance certaine de ce point, qui ne fait pas de doute pour l’ensemble des fidèles. On lui apporte des raisons sérieuses pour l’affirmative et pour la négative.

Dans les trois hypothèses, l’action n’enfreindra jamais aucune loi.

Le premier cas est le plus simple, et le plus favorable. La promulgation de la loi ne s'étend pas aux parties obscures ; car la promulgation suppose essentiellement que la loi soit portée à la connaissance de la communauté. Or, une loi non promulguée n’existe pas encore. Donc aucune loi ne prohibe l’action qui ne serait interdite que par un texte obscur.

Dans le second cas, si la discussion est générale, une loi positive dont l’existence n’est nulle part établie manque évidemment, elle aussi, de l'élément essentiel de la promulgation. Et le raisonnement précédent vaut pour cette seconde hypothèse.

Mais que dire, quand le doute sur l’existence de la loi concerne une loi naturelle ; ou quand le doute est circonscrit à un milieu, hors d'état de s’informer pleinement ? La difficulté devient plus sérieuse ; l’hypothèse d’une vraie promulgation est elle-même vraisemblable. D’autre part, des raisons sérieuses font pencher pour la solution négative.

L’appel à un autre principe devient ici nécessaire : la violation de la loi n’est pas imputable à qui l’ignore, sans sa faute. Or, dans le milieu où des raisons graves font opiner que la loi n’existe pas (et ce milieu, quand il s’agit de la loi naturelle, peut être toute l’humanité actuelle), cette loi est ignorée ; et elle est ignorée sans la faute de personne ; car l’information possible est censée prise avec le soin requis. — Donc cette loi n’est pas violée d’une façon imputable : ce qui seul importe à l’honnêteté.

N’y aura-t-il pas cependant violation matérielle, péché matériel ? Peut-être, mais pas nécessairement, puisque l’action a bien des chances de s’accorder parfaitement avec la législation existante. Celte prévision d’une violation matérielle, possible et même vraisemblable, ne rend-elle pas l’acte morale-