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PROBABILISME

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Mais, dans le cas présent, où sont les deux possesseurs ? Seraient-ee les deux abstractions personnifiées : la loi et la liberté? Leur possession ne pourrait être que métaphorique. Les rein placerez- vous par législateur et sujet ? Mai*, soumis au législateur, comment le sujet invoquera-t-il uu litre de possession qu’une volonté législative peut détruire à chaque instant ? Et comment, sur quel objet, se réalisera la situation de fait, intermédiaire entre le droit et l’usurpation, qui constitue la possession ? La loi nous oblige ou ne nous oblige pas : rien de plus, rien de moins. Le fait qu’elle m’obligeait hier alfaiblit-il, en rien, les raisons pour lesquelles j’incline à croire qu’elle a cessé de m’obliger aujourd’hui ? — Le R. P. Prubmmbr ajoute cette raison ad hominem : si les raisons graves pour ou contre la loi sont éliminées, si le doute est devenu négatif, la liberté est toujours en possession, car elle a priorité juridique sur la loi. J’ai le droit d’attendre une preuve qui lie ma liberté.

De plus, dans la pratique, le partage de cette possession prétendue entre la loi et la liberté se corap’ique d’obscurités. Les exemples proposés par les équiprobabilistes touchent à des doutes de fait qui, nous le verrons plus loin, sont strictement étrangers au domaine du probabilisme.

Voici, en effet, les eas préférés : Sommes-nous encore tenus à réciter un ollice probablement récité ; devons-nous encore nous abstenir de viande, quand le jour d’abstinence est probablement passé?

Certains défenseurs modérés de l'équiprobabilisme, tel le G. d’Annibalb (Summw/a, I, 264), invoquentune raison d'équité. Pourquoi trancher tous les doutes contre la loi ? N’est-il pas plus équitable défaire la part égale à la loi et à la liberté? Or, le principe équiprobabiliste permet de faire ce juste départ. — Mais qui ne voit ici encore la méprise d’assimiler la relation de souverain à sujet aux rapportsentre deux co-partageants ? Comme si le législateur manquait d’armes pour nous imposer sa volonté 1 N’est-ce pas le Législateur souverain qui nous a dotés de la liberté, pour en faire usage tant qu’une restriction n’y serait pas clairement apportée ?

L'équiprobabilisme tâche parfois de se faire passer pour un probabilisme modéré. N’avons-nous pas tort de le ranger parmi les systèmes non probabilistes ? Il nous paraît que non, parce qu’en réalité, tout comme dans le probabiliorisme, la probabilité ne joue aucun rôle effectif chez les équiprobabilistes, n’exerce aucune influence. Elle n’apparaît que pour s'évanouir, en vertu d’un jeu de cache-cache imaginaire, et faire place à la certitude morale ou au principe de possession, suivant les cas.

Une terminologie plus rigoureuse nous engage donc à n’admettre qu’un seul vrai probabilisme, le probabilisme simplement dit. Nous y rattacherons cependant la forme atténuée, ou plutôt altérée, que constitue le système dit compensateur.

II. — La solution probabiliste.

1. Notions préalables. — Dans l’exposé des systèmes qui ne sont probabiliates qu’en apparence, où la probabilité n’a donc rien à faire, nous n’avons pas éprouvé le besoin, qui maintenant nous presse, de préciser certaines notions, sans lesquelles le probahilisme risquerait d'être mal compris et ne pourrait qu'être mal appliqué.

a) Certitude et Probabilité. — Le même genre de certitude, répéterons-nous après Aristote (Ethic. A’icom., 1. I, c. 1 et m) et S. Thomas (II » II", q. 90, art. a), ne convient pas à tous les domaines. Dans la vie pratique, les raisons que nous appelons convaincantes ne nous apparaissent pas strictement

infaillibles : elles sont fondées sur les propensions naturelles et la constante manière d’agir des hommes, alors qu’il n’y a aucun motif connu d’exception. Notre certificat de baptême nous prouve ainsi notre appartenance à l’Eglise du Christ. Souvent même nous devons nous contenter déraisons plausibles que ne combat aucune raison opposée.

Cette certitude n’exclut donc pas toute appréhension, mais elle bannit toute crainte raisonnable. N’ayant pas mieux à notre disposition, nous pouvons la prendre pour guide de notre conduite morale ; nous le devons même, quand elle nous révèle des devoirs.

Ils abusaient donc du probabilisme, ou plutôt ne le comprenaient pas, ces auteurs, vrais ou prétendus moralistes, qui pour la moindre raison proclamaient l’obligation incertaine, et concluaient à la liberté d’en faire à sa guise.

C’est en ce sens, et moyennant ces réserves, que nous retenons en matière morale la définition classique de la certitude : une adhésion de l’esprit sans crainte d’erreur.

Quant à la probabilité, elle résulte d’un motif grave qu’auoune raison péremptoire ne fait écarter. Et nous appelons grave, un motif capable d'ébranler ou d'émouvoir (nous ne disons pas de convaincre) un homme prudent.

b) Distinctions des probabilités. — La probabilité peut porter sur une question de droit : le sens ou l’existence de la loi ; ou sur une question défait : l’accomplissement des conditions requises pour tomber sous l’application d’une loi bien connue. Est-ce aujourd’hui, la Nativité de la Vierge : question de fait. La Nativitéest-elle une fête chômée, la fête chômée interdit-elle tel travail : questions de droit.

Des arguments directs ou des raisons d’autorité peuvent nous faire conclure à la probabilité d’une opinion. La probabilité se distingue ainsi en extrinsèque etintrinsèque.Des hommes sérieux et entendus n’affirment pas sans raison suffisante. Nous pouvons donc prudemment tenir pour probable l’opinion qu’ils déclarent telle. Beaucoup d’hommes sont même obligés par la prudence à s’en remettre souvent aux lumières d’autrui, plutôt qu'à leur propre jugement. Et nul n’est tenu à refaire pour son compte des examens qui ont persuadé des hommes sérieux et compétents. Le Saint-Siège a pu permettre ainsi de suivre, sans autre vérification, les opinions de S, Alphonse. L'étude personnelle pourra cependant amener un homme compétent à découvrir, avec plus ou moins de certitude, l’erreur de ses devanciers. Le nombre, la qualité de ceux-ci, d’une part ; les motifs qui, d’autre part, l'éclairent, influeront sur la fermeté de sa conclusion.

Il lui arrivera plus souvent d’aboutir à une probabilité qu'à une certitude opposée. Toutefois, si celleci lui est acquise, la présomption tirée de l’argument d’autorité vient à cesser pour lui. Sans pouvoir imposer son opinion aux autres, il devra la suivre luimême, du moins tant qu’une loi divine est en cause. Car lorsqu’il s’agit de préceptes ecclésiastiques, il semble bien que l’Eglise permette à tous ses fidèles, aux plus doctes comme aux plus humbles, de les entendre pratiquement comme ils sont communément reçus et pratiqués.

Cinq ou six auteurs de bon renom fondent une probabilité extrinsèque, s’ils ont examiné personnellement la question. Il peut même suffire d’un auteur exceptionnellement qualifié, pour accréditer la probabilité d’une opinion, surtout s’il s’y ajoute des éléments rassurants de preuve.

Un examen comparatif des probabilités conduit à. distinguer des opinions également probables, plu'