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l’HOBABILISMK

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XLVI1I. DoBLLINGBB, t. I, p. 183 SS. A. AsTHAIN,

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Aussi, dans le Libellus supplex, 1702, où il révélait à Clément XI (1700-1731) l’urgence d’une condamnation du probabilisme, Gonzalez ne put-il unir le nom d’Innocent XII à ceux des papes qui, d’après lui, s'étaient déjà prononcés contre les mauvais principes (dans Concina, Apparatus ad theol. christ., t. II, 1. 3, Diss. 1, c. 8, n. ia ; Romae, 1773, p. 207). Il jugea sans doute, à l’accueil platonique fait à son mémoire (dans Concina, l. c, p. aoS), qu’il n’y avait rien à espérer du nouveau pontiûcat. Déjà en 1700 la tapageuse manifestation de l’Assemblée du clergé de France était restée sans écho à Rome ; et pareil insuccès attendait en 1706 une nouvelle supplique du probabilioriste Camargo (Dobllingbr, t. I, pp. 365-367). P* r contre, recevant au Vatican les jésuitesdélégués pour élire un successeur au P. Gonzalez (1706), Clément XI les rassura pleinement sur les attaques dont la doctrine de leur Ordre était l’objet (cf. Etudes, 1906, t. CIX, p. 79), et en 1713 la bulle Unigenitus devait prouver qu'à ses yeux le vrai danger de ce temps n'était pas ailleurs que dans la sévérité janséniste.

5° La grande autorité de Benoit XIV (1740-1758) est-elle invoquée avec plus de bonheur par les adversaires du probabilisme ?

A. — Concina,-f 1756 (Apparatus ad theol. christ., 1751, t. II, 1. 3, Diss. 3, c. 8), nous apporte un texte de l’encyclique Apostolica constitutio (36 juin 1749) sur le jubilé de 1750. Après avoir indiqué les exercices conseillés aux fidèles et insisté sur la confession, le pape s’adresse aux confesseurs : Que le prêtre sache bien sa morale, qu’il se garde d’apporter au tribunal de la pénitence ce « modus opinandi ahenus omnino ab evangelica simplicitate », justement flétri par Alexandre VII, et, — ce serait là le passage décisif, —e poi prenda quel partito, che vedra piu assistito délia ragione « dalV autorita (postea illani amplectatur sententiam cui magis suffragari rationem et auctoritatem favere cognoverit). C’est là, continue le pape, ce que nous disions déjà dans notre lettre sur l’usure (Vix pervertit, 1" nov. 1745) : « Suis privatis opinionibus ne nimis adhæreant ; sed prius quam responsum reddant, plures scriptores examinent, qui magis inter cæteros prædicantur, deinde eas partes suscipiant, quas tum ratione, tum auctoritate plane confirmai as intelligent. » Et voilà, conclut Concina, un coup mortel porté au probabilisme.

Ouvrons maintenant le Bullaire de Benoît XIV (Venise, 1778, t. 3, p. 70), nous y lisons ceci :

S si… Ut in re dubia propriæ opinioni non innitantur, sed, antequam causara dirimant, libros consulant quamplurimos, eos cum primis quorum doctrina solidior, ac deinde in eam descendant sententiam quam ratio suadet ac firmat auetorilas. Nec aliud sane docuimus in noatra Edcj clica super usuris, ubi ita scripsimus : « Suis opinionibus… >

Ces lignes ont bien en effet la même portée que celles de la lettre Vix pervenit citées plus haut, mais on n’y retrouve pas le « magis » dont triomphait tant Concina. Celui-ci n’en a pas moins pu citer comme originale une version italienne de l’Encyclique, car elle fut expédiée en italien aux évêques d’Italie, tandis que partout ailleurs on envoyait le texte lalin (Bull., p. a36) ; mais il est étrange qu’il ait donné au public une traduction latine de son cru, plutôt que de suivre le texte latin officiel. On comprend moins encore que les deux te. xt. ei ^ man é s des presses pontificales aient pu différer si nettement sur un point aussi litigieux.

Mais quel que soit celui, s’il y en a un, que Benoit XIV ait écrit de sa main ; que ce soit l’italien, comme l’affirme Concina, ou le latin comme pense saint Alphonse (Apologie de 1765, g 3 ; t. XXVIII, p. 41a). il reste que le seul ayant valeur de document ecclésiastique, et donc le seul qui théologiquement fasse foi, est le texte latin. C’est ce que saint Alphonse (/. c.) fit observer à Patuzzi, lorsqu’en 1764 celui-ci voulut encore bâtir une argumentation sur la version italienne.

B. — D’autre part on jugera, d’après le Correspondance de Benoit XIV (éd. E. db Hbbckbrbn, Paris, 1913, t. I, pp. 50, 244 ; t. II, pp. 167, 162, 482), s’il est possible de maintenir que, dans sa lutte contre le probabilisme, Concina fut « l’homme du SaintSiège » (R. Coulon, dans Vacant, Dict. de theol. cath.. III, 703 ss. ; cf. P. Mandonnbt, Revue thomiste, 1901, p. 47& ; 1914 » p. 675). Ne citons ici que les lignes écrites par Benoit XIV à la mort du grand polémiste : c II aurait pu n'être pas inutile par ce qu’il savait, mais il s'était laissé séduire par les ennemis des Jésuites, jusqu’au point de ne garder aucune mesure dans ses écrits, pleins de déclamations piquantes et quelquefois de propositions insoutenanables, de façon qu’il s’est attiré ajuste titre le mépris et le blâme des honnêtes gens *(l. c„ t. II, p. 48a). Quant à la faveur du cardinal Passionei, si durement apprécié lui-même par Benoit XIV, elle ne fait que soulignerlesattaches deConcina avec le petitgroupe romain projanséniste, dont l’unique objectif, en ces sombres heures, semblait être la ruine de la Compagnie de Jésus.

6° Non moins précaire est l’argument qu’on a voulu tirer du décret du Saint-Officb du 36 février 1761, sous le pontificat de Clément XIII (1758-1769).

Ce décret condamne un ensemble de thèses publiées à Avisio, diocèse deTrente, dans lesquelles, parmi d’autres exagérations, on qualifiait le probabilisme de « Christo Domino summe familiaris «.Vraisemblablement le rédacteur avait voulu faire entendre que son système lui semblait appartenir à la doctrine du Christ. Mais son langage pouvait signifier aussi que le Sauveur avait pratiqué le probabilisme pour son compte, et par suite avait eu à se former la conscience. C’est par cette conséquence blasphématoire que la thèse était « erronée et proche de l’hérésie ». En la censurant, le Saint-Office n’avait donc pas à se prononcer sur la doctrine probabiliste, puisque, quelle que soit la légitimité de cette doctrine au regard de la conscience humaine, en aucune hypothèse le Christ n’a pu s’y conformer. Nous croyons qu’aidé de cette remarque, le R. P. Mandonnet n’eût pas vu dans le décret de 1761 le « coup de grâce » porté à notre système (Revue thomiste, 1903, p. 16 ; 1914, p. 676). On trouvera dans saint Alphonsb (Thiol. mor., 1, 84-85) une étude approfondie de la question, avec le texte des thèses et de la censure.

Il est remarquable par ailleurs que Clément XIV, en cédant à la coalition formée contre les Jésuites, ne s’arma pas d’un blâme contre la doctrine qu’on leur reprochait le plus. Ce n’est pas lui, ce sont les Parlements de France, qui font entrer dans leurs considérants l’immoralité du probabilisme. (Comparer à ce point de vue le Bref Dominus ac Redemptor, 21 juin 1773, §§ 30, 33 ; Bull.rom. continuatio, t. IV, p. 613 ; avec les Extraits des Assertions, 1763, éd. in-4° pp. 9 ss., et V Arrêt du Parlement de Paris du 6 août 1763.)

Enfin, après ce que nous avons dit plus haut

(col. 337), il est clair que l’autorité reconnue à saint

1 Alphonsb db Liguori par les papes du XIX' siècle