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PROBABILISME

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conscience, de donner son propre sentiment sur la question probabiliste, et s’en tienne à une simple réfutation du tutiorisme (Vindiciae, 1, 454), néanmoins le seul choix de Busbnbaum et les autorités significatives indiquées dans la prélace (C. S., 3) suffiraient à révéler sa pensée, s il ne se trahissait pas dans tout le livre par sa terminologie.

Il prend d’ailleurs franchement position dans deux Dissertations imprimées sans nom d’auteur en 17^9 et 1755, et dont la seconde est un véritable traité. Là, libre de toute contrainte, il aborde de front la question classique « an liceat usus opinionis probabilis in concursu probabilioris ? r> et répond dans le sens allirmatif avec une sûreté de raisonnement qui dénote une pensée parfaitement fixée. Ed. Marietti, t. XV, pp. 5, 7a.

Non moins significative est la correspond ance échangée enl756&vec l’imprimeur Remondini en vue d’une édition vénitienne de la Théologie morale. S’inquiétant du réviseur éventuel de son livre, le saint désire que ce ne soit pas un dominicain, mais un jésuite, car ces Pères, selon lui, sont « maîtres dans la science de la morale », C. S., 9.

« D’ordinaire, fai suivi le sentimtnt des Jésuites et non

eelui des Dominicains, car les opinions des Jésuites ne sont ni larges ni rigides, mais dans le juste milieu… C’est d’ailleurs d’eux, je l’avoue, que j’ai appris le peu que j’ai mis dans mes livres, car en fait de morale, je ne cesserai 4e le répéter, ils ont tté et ils sont encore les maîtres… Donnez la présente lettre à lire au réviseur, pour qu’il sache quel système j’ai embrassé, car j’ai suivi et je suis, non pas le système du probabiliorisme ou rigorisme, mais celui du probabilisme. » C. S., 10. Cf. C. S., II.

La même année, dans sa Réponse à un anonyme qui avait critiqué la Théologie morale, tout en se renfermant dans l’espèce de neutralité adoptée pour cet ouvrage, il défend en passant la thèse chère aux probabilistes, que l’opinion plus probable n’élide pas d’elle-même toute probabilité opposée. Œuvres, t. XXIX, p. 340.

Il va plus loin en 1708, dansVEpistolaresponsiva… super abusu mortuis maledicendi, publiée cependant sous son nom et destinée à passer entièrement dans la Théologie morale :

« Ut affirmetur absolute aliquam actionem esse peccatum

mortale, non suffieit opinio probabilis, nec etiam probabilior. Xam probabilior non excludit rationabilem timorem errandi, unde non efficit quod lex non remaneat dubia. » Theol. mor., éd. Gaudé, t. I, p. 456.

Enfin, dans la quatrième édition de la Théologie morale, édition revue avec soin jusque dans les premières semaines de 1760 (C. S., 48-62), il conserve intégralement la dissertation sur l’opinion probable, composée pour la troisième édition, 1757 (Vindiciae, p. 461), et où, malgré la réserve systématique signalée plus haut, se lisent des passagescomme celui-ci :

<Cum ad constituendam legem dubiam sufficiat veraprobabilitas in contrarium,… sequitur quod, etiamsi opinio pro lsg « ait probabilior, possum habere judicium certurn, sive probabihssimum, quod liceat mihi secundura probabilem operari, dato quod probabilissimum judicium habeam quod elx dubia non obligat. » N.3a ; éd. Marietti, t. XV, p. 2.-3. Cf. nn. 14, a3-a5, 87.

Et ainsi on est amené à conclure, qu’en 1760, à Tige de soixante-quatre ans, saint Alphonse n’a encore modifié en rien le probabilisme qu’il professe depuis environ trente ans. Cette première conclusion, contestée autrefois par les Vindiciæ Alphonsianat, t. I, p. 44, est aujourd’hui généralement admise. Voir St. Mondino, Studio storico-critico sul êistemamorale di S. Alf. de L., 1911, pp. aa-A6. 84 Tome IV.

g5. Elle est, pour la suite de notre démonstration, d’une extrême importance.

ao Abandon apparent à partir de 1761. — A, partir de 1761, une évolution paraît se produire dans les idées du Saint. Il énonce désormais son système en deux thèses, faut la première, assurément nouvelle sous sa plume, vient de lui être inspirée par la lecture d’AMORT :

« Il n’est pas permis de suivre l’opinion moins probable, 

quand celle qui tient pour la loi est certainement et notablement plus probable. — « Quand l’opinion moins sure est également [ou presque également] probable, on peut licitement la suivre » Courte dissertation, : 70a, t. XXVIII, pp. 347 s., 275, 297.

On serait porté à voir dans ee nouvel énoncé, dans ce système de l’opinion également probable, dira-t-il en 1765 (La loi incertaine, n. ai ; t. XXIX, p. 518. Cf. Apologie de 1769, n. 46 ; t. XXIX, p. 4a6), un changement décisif et l’abandon formel du probabilisme. A l’examen toutefois, il apparaît que ce changement, jusqu’en 1767 au moins, n’affecte pas le fond des choses, cet abandon n’est qu’apparent.

A. — Un premier indice à relever, c’est l’absence, durant cette période, de toute réfutation ou réprobation du probabilisme. Tandis que l’équiprobabilisme d’Amort était nettement antiprobabiliste, chez saint Alphonse au contraire, sous les formules empruntées au théologien allemand subsiste une pensée toute dirigée contre le probabiliorisme. Relativement à ses écrits antérieurs, il ne songe à aucun désaveu, à aucune rectification. Il avoue avoir été rigoriste, il ne se reproche pas d’avoir été probabiliste.

En second lieu, plusieurs textes donnent à entendre qu’il ne fait pas de différence entre son opinion d’aujourd’hui et celle d’autrefois. C’est ainsi qu’à partir de 176a il présente comme une conversion équiprobabiliste l’évolution doctrinale qui jadis l’avait amené en réalité du probabiliorisme au probabilisme (Comparer la Courte dissertation de 1763 ; t. XXVIII, p. 395, avec la Dissertation de 1749 ; éd. Marietti, 1829, t. XV, p. 69). C’est ainsi encore qu’il écrit en 1765 (Apologie… de la dissertation de 1762 ; t. XXVIII, p. 35g) : « J’ai toujours dit que celui qui juge que l’opinion favorableà la loi esteertainement plus probable, est tenu de l’observer. » Ce texte ne se comprendra bien que plus loin ; il permet cependant déjà de constater chez l’auteur une vraie continuité de pensée.

Mais voici à cet égard des affirmations expresses ;

« Malgré toutes vos insultes et vos vociférations contre le

probabilisme, lit-on dans une réponse à Patuzzi, l’Eglise n’a encore rien déterminé contre notre système… — Je n’ai point refusé de me rétracter publiquement sur beaucoup d’opinions [dans la seconde édition de la Théologie morale, 1753- 1755], aussi répugnerais-je beaucoup moins à me rétracter aujourd’hui sur le sentiment deVopinion probable, … mais malgré tout ce que j’ai pu lire dans les livres des adversaires, rien ne m’a convaincu… — Je ne crains point ni no puis craindre d’être damné pour suivre l’opinion probable, puisque je la tiens pour certaine. » Béponte apologétique, 1764 ; t XXIX, pp. 358, 366, 367 ; voir p. 3Û2 le passage sur les Jésuites.

« Pour mon système, je l’ai examiné et approfondi pendant

plus de trente ans… mais, ayant toujours trouvé le moyen de répondre aux objections, J’ai persisté dans mon système, n Appendice à V Apologie de 1765 ; t. XXVIII, p. 540. Comparez C. S. 11, 30 avril ^G : a Cette science [la morale] a été l’objet de mes études depuis plus de trente ans. »

Rien d’étonnant dès lors que les autorités invoquées après 1762 soient exactement les mêmes qu’auparavant.

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