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PROBABILISME

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dans leurs décisions professionnelles (/. c 1. III, q.6, a. 5, ad 4 ; cf. Sent., IV, d. xviii, q. a, a. 5, ad 5). M. de Lbdbsma, -/ 1074 (d’aprèsA.M.GuiMBNius[Moya, Opusculitm. in Ir. de op. prob., 1, 7), Tu. Mbiicado, -j-1575 (Sumu de tratos y contratos, 156g, 1. II, c. 5), Mancio, -J- 1576 (d’après Salon, Dejust. et jure, 1581, q. 63, a. 4, contr. a) et J. Gallo, 7 1577 (d’après Salas, Disfiut.in I-II, D, Th., 1607.tr. viii, d. 1, s. ia, n. 118), pour nous en tenir aux thomistes de Salainanque, enseignent la moine doctrine.

Eulin, avec la hardiesse d une logique assurée, Barthélémy db Mkdima (15a7-1581) écrit : « Si est opinio probabilis, licitum est eam sequi, licet opposite probabittor sit. (k'.vpositiones in S. Th., 1677, I-II, q. 19, a. 6.) C’est i’expression définitive.

B. — Mais on ne pouvait s’assimiler cette thèse paradoxale sans avoir bien compris la distinction entre opinion spéculative et conscience pratique. D’autre part, nous avons fait observer, en parlant du xiii" siècle, que les termes mêmes de la question, telle qu’elle fut alors posée, prêtaient par leur généralité à de graves confusions. C’est là ce qui explique les longues hésitations des prédécesseurs de Médina, comme aussi l’opposition de ses contradicteurs.

Martin db Azpicublta (t4g3- 1086) apporte en ce problème de morale sa raideur juridique (De pænit., ib ! -i, dist. 7, c. « Si quis » ; Manuale confess., 1554, c 37, nn. 379 ss. ; Consiliorum II, V, 15gi, 1. III, de reliquiis, cons. a, n. a). Antoine de Cohdova, O.S. F., 7 1578 (Quæstionarium theologicum, 1678, 1. II, q. 3 ; cf. 1. III, q. 5, prop. 1, dubium) et le séculier Michel db Palacios (Disp. theol. in IV II. Sent., 1 5 7 r ». in II, d. xxtit, disp. a, dub. a) en sont encore au probabiliorisme de Gerson.

Cependant les idées se précisent peu à peu, les équivoques s'éliminent. Déjà, vers 1580, dans une intéressante fjuodlibétique, un partisan anonyme de Cordova reconnaît probable la thèse de Médina (Ms. Bibl. vat., Ottob. 999, fol. 2Ôo v) ; en 1584, cette thèse s’est si bien imposée dans les Universités d’Espagne, que Banez (15a8-1604) ne montre à son sujet aucune hésitation (Comment, in 11-Il S. Th., q. 1 o, a. 1, dub. 3, concl. 4). D’Espagne elle se répand très vite en Italie, puis en France et en Belgique, grâce surtout aux ouvrages et à l’enseignement des Frères Prêcheurs, chez qui Médina jouit d’une particulière autorité', et des Jésuites.

a" Durant les trois quarts de siècle qui suivent Médina (1580-1656), l’accord des théologiens est tel que nous pouvons nous dispenser d’y insister longuement, notre but n'étant pas de suivre dans le détail l’histoire interne du probabilisme.

A. — Hors lu zone d’influence du protestantisme et du jansénisme, toutes les écoles sont probabilistes. Précieux argument pour les uns, scandale pour les autres, cet accord n’a jamais été sérieusement mis en toute. Et. Dkchamps (Quæstio facii, 1659), Al. db Sarasa (Ars semper gaudendi, T. II, 1667, tr. iv, n. 4g), Tbhillus (Fundam. totius theol. mor., 1668, q. aa) ont aligné les noms, dont une quinzaine sont 'les noms d'évêques. Gonzalez (Fundam. theol. mor. t 1694, Introd., n. 5), Rassler (ÏS’orma recti, 1713, disp 3, n. 921 ss.), saint Alphonse de Liguoiu (De l’usage mnd. de l’op. prob., 1765, c. 6, n. 5 ; Œures, Paris, 1842, t. XXIX, p. a51) et d’autres constatent le fait.

Les seuls dissidents signalés sont les auteurs suivants, tous parfaitement obscurs, que nous citons

1. La publication de ses Expositions in S. Th. lui avait é demandée p » r le Maître Général de son Ordre.

dans l’ordre de production littéraire : A. Pehbz, O.S. B., 1604 ; F. Kbbkllo, S. J., 1608 ; P. Comitoli' S. J., 1609 ; Ph. Fabui.O. S. F., 1 6 1 3 ; P. Fraxinrlli ! O. S. A., 1626? ; A. Bianchi [Candidus Philalethesj, S. J., 164a ; L. db Pbyiunis, minime, 1648 ; A. Mbuenda, professeur de Droit à Bologne, 1655 ; les deux premiers sont équi-probabilistes, le dernier tutioriste, les autres probabilioristes. Pour qui connaît le développement prodigieux de la théologie morale au xvn* siècle, ces huit inconnus ne représentent qu’une minorité négligeable.

Si l’on en croyait, il est vrai, le P. Ter Haar, C. SS. II. (De syst. mor. antiq. probabilistarum, 1894, pp. ao ss.) et quelques moralistes de son école, ce n’est pas le probabilisme, mais bien l'équiprobabilisme qu’auraient enseigné les meilleurs des théologiens postérieurs à Médina. Mais une étude attentive des textes invoqués à l’appui de cette thèse, en montre la fragilité. Valbntia, Suarez, Bosso, Mastrius, Raynaud n’ont jamais songé au système de Rassler (cf. A. Schmitt, Zur Geschichte des Probabilismus, 1904, pp. 176 ss.).

On n’aurait pas moins tort de ranger parmi les adversaires du probabilisme, en cette période, les dominicains D. Gravina f (1643), F. db Araujo(f 1664), J. Mahtinbz db Prado (f 1668). Gravina est nettement probabiliste dans le Lapis hdius, 1638 (p. II, 1. ii, c. 9, pp. 157, 163 ss.), et son Cherubim paradisi, 1 64 1 (1. IV, c. 3, n. a) ne témoigne que du souci d'écarter le laxisme. Les Variæ et selectæ decisiones morales d’Araujo, où le probabilisme est en effet combattu, n’ont paru qu’en 1664, huit ans après la date en deçà de laquelle nous nous tenons ici. Quant à Marlinez de Prado, le seul dominicain qui, avant 1656, se prononce en faveur du probabiliorisme, il est très remarquable qu’il conserve en partie la thèse probabiliste (Theol. mor. quæstiones præcipuae, t. I[1654], c. 1, q. 4, § a-3, pp 17 ss. ; cf. c. 15, q. 18, p. 636). Mais en outre, on peut se demander si le rôle joué par cet auteur dans la polémique contre Caramuel, ne l’a pas amené à subir en quelque mesure l’influence des publications jansénistes.

B. — C’est en effet du camp janséniste que part vers ce temps-là la réaction contre le probabilisme. (Pour le cadre historique, voir l’art. Jansénisme, II, 1 159 ss.)

a) Comme avant lui Luther, 1483-1546 (In Gènes., c. xn) et Baïus, 1513-158g (Opéra, éd. 1696, t. II, p. 36), Jansénius, 1 585-1638 avait refusé de voir dans l’ignorance invincible une excuse au péché (Auguslinus, 1640, t. II, 1. ii, c. a ss.), celui-ci étant formellement constitué par la matérialité du désordre. C'était poser le principe du tutiorisme le plus absolu, et par là même s’engager dans une guerre sans merci contre la doctrine communément reçue depuis Médina. L’Augustinus contient en effet des pages violentes contre les opinions probables (t. II, lib. proœm., ce. 8.a8). Fruit d’un philosophisme pélagien, la probabilité ne peut que ruiner la morale chrétienne, comme les subtilités scolastiques ont évacué la grâce du Christ.

[i) Jansénius mort, Fromond, 1587-1 653, se fait à Louvain le propagandiste de ses idées, sous le patronage avoué de l'évêque Boonen, f 1665 (cf. Caramuel, Apologema, n. 116). Arnaulo. 161a-16g’i, à Paris, commence dès 1643, par sa Théologie morale des Jésuites (Œuvres, Lausanne, 177g, t. XXIX, PP- /4, 85), cette lutte contre la probabilité qui sera une des hantises de sa vie. C’est bientôt un partipris dans les milieux où se fait sentir l’influence de Port-Royal. On peut s’en rendre compte d’après le Cours de Théologie morale de R. Bonal, -j- 1652. écrit en 1651 à la demande de l'évêque de Toulouse