Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/154

Cette page n’a pas encore été corrigée

295

PRIERE

296

sion, ils sont portes à flétrir la prière qui demande un bien temporel ; soit comme une superstition grossière, héritée de religions inférieures, soit comme une pure chimère, tenue en échec a priori par la lixilédes lois delanature. Cependant legrand nom' re ne fait pas dilïïculté de reconnaître que Dieu est roi partout dans sa création, et fait partout ce qu’il veut. Et ici, des influences très diverses se coalisent pour battre en brèche l’objection soulevée contre la prière. D’unepari, l’influence de l’ambiance catholique romaine, appuyée par les récits de Lourdes et autres semblables, pénètre des milieux rebelles et incline les esprits à croire que les lois même de la nature cèdent à la toute-puissance divine ; d’autre part, les adeptes de la Christian Science propagent l’idée d’une sorte de vertu magique et infaillible, inhérente à la foi éclairée.

Le té-noignage de l’expérience vient s’ajouter aux enseignements de l’Ecriture pour fonder la confiance dans la prière. Mais la fixité des lois de la nature embarrasse beaucoup d’esprits. S’agit-il du monde spirituel ? On conçoit sans trop de peine que Dieu y intervienne, comme en son domaine propre ; d’autant que, le libre arbitre élantun attributde l’homme, on ne peut logiquement le refuser à Dieu. Mais le monde matériel est régi par un déterminisme inéluctable. Coin nent donc l’action divine pourra-t-elle s’y insérer ? Plusieurs solutions se fontjour. Les uns mettent positivement en doute la Cxité de ce qu’on appelle communément « les lois de la nature » ; ils estiment que ces formules, où l’on a cru étreindre la réalité, produits de généralisations hâtives, ne représentent que des approximations provisoires, et appellent un travail de revision et de correction. D’autres admettent franchement la ûxitédes lois de la nature, mais pensent qu’on a tort de s’en mettre en peine : ils trouvent dans le recours à la prescience divine, un moyende tout accorder, Dieu ayant, de toute éternité, prévu nos prières et réglé en conséquence le jeu, manifeste ou caché, des forces cosmiques. D’autres encore, admettant la fixité des lois de la nature, réclament une place pour cette force d’un genre spécial, qu’est la prière : il appartiendrait à la prière de déclencher certaines actions non comprises dans le déterminisme cosmique. Dans ce mélange de mysticisme et de matérialisme, on reconnaît l’influence de la Christian Science.

Le problème le plus délicat, que soulève la doctrine de la prière, est assurément celui des prières non exaucées. On ne peut raisonnablement contester le fait. Comment donc l’accorder avec la fidélité des promesses divines ? La réponse est variée à l’infini. En somme, avec des lacunes et des nuances qui reflètent la diversité des esprits, elle se ramène à la distinction entre les vues de Dieu, infiniment hautes et saintes, et nos courtes vues, trop souvent rivées à la terre, lesquelles ont le malheur de trop peu se modeler sur les vues de Dieu. L’Esprit de Dieu travaille les âmes par des désirs inquiets et inspire la prière. Mais l’ingrate matière humaine oppose, à l’initiative bienfaisante de l’Esprit, des résistances qui trop souvent la frustrent et la paralysent. Dans cette lutte entre Dieu et l’homme, se trouve la raison de nos impuissances et de nos déceptions. La prière que Dieu exauce toujours est celle où l’homme, sans nulle réserve, s’abandonne à Dieu.

Le Révérend Samuel Me CoMB.de Baltimore, auteur du mémoire couronné, constate ce fait remarquable de l’histoire moderne : l’humanité a redécouvert la prière, à la lumière de la nature et de la vie. Dès avant la Grande Guerre, la réaction contre le matérialisme de l'âge précédent s’allirmait dans le régime

de l'école (américaine) ; elle s’affirmait devant le public, grâce à une élite de penseurs. Il nomme Tennyson, William James, Cecil Rhodes, entre autres. La guerre est venue donner aux préoccupations générales, concernant la destinée humaine, une actualité poignante ; et tel homme sincère a cru pouvoir conclure à la banqueroute de la prière. Non 1 la vertu de la prière continuera de s’affirmer dans la vie.

Et d’abord qu’est-ce que la prière ? Multiples sont les définitions, comme les points de vue. Les hommes de foi s’accordent à y reconnaître une manifestation de l’Esprit divin, qui couve ce monde pour y faire éclore les élus de Dieu. On a défini la prière : un commerce affectueux de l’homme avec Dieu. Et sans doute elle est souvent cela. Mais le sentiment affectueux peut faire actuellement défaut à L’homme qui prie. On l’a définie encore : une demande de l’homme à Dieu. Et ceci encore renferme une part de vérité. Pourtant il y a telle prière, qui, actuellement, ne demande rien. Il reste que la prière, à sa plus haute expression, formule un désir. Telle, la prière désolée du Christ au jardin. La prière fait monter vers Dieu an désir de l’homme, explicitement ou implicitement conditionné par la conformité à sa volonté sainte.

La prière est l’appel d’une personne à une personne. Et donc le panthéiste, qui ne connaît pas de Dieu personnel, ne saurait réellement prier. La prière n’est pas un cri à travers l’immensité de l’espace vide : c’est un acte de religion, qui influe sur l’attitude personnelle et qui trouve un écho en Dieu. Expression d’un besoin intime, parfois cri spontané de la nature : l’homme qui prie est un être normal ; l’homme qui ne prie pas est un être atrophié, déséquilibré.

La prière n’exclut pas la croyance aux lois propres du monde physique ; mais elle la dépasse par la foi à une puissance supérieure, douée, comme l’homme, de libre arbitre. Dieu est une force au-dessus de la nature et de la loi. La prière aussi est une force, comprise dans les lois générales du monde. Son domaine est le « passible à Dieu ». Le commentde son action demeure un mystère ; sa réalité n’en rentre pas moins dans le cadre de l’ordre divin.

De fait, la prière nous met-elle en communication avec une puissance supérieure ? Des esprits timides, qu’une idée si haute déconcerte et qui ne peuventnier l’efficacité de la prière, parlent volontiers d’autosuggestion. Ce n’est là qu’un mot qui déguise mal notre ignorance. Et la question se pose inéluctable : oui ou non, la prière est-elle une force ?/* prayer tfynomie ? Noua sommes au cœur du problème Or, les personnes ijdonnées à la prière ri ; p>ndcnt par oui, et les psychologues contresignent laffirmation. Ils constatent que l’homme, né être moral, puise dans la prière un surcroît de force pour l’action. Us constatent que l’homme, né être inoral, puise dans la prière des ressources pour l’achèvement de sa personnalité. Toute l’histoire du christianisme dépose en ce sens, depuis saint Paul et saint Augustin. Dieu est toute réalité ; il est encore toute sainteté. Delà le pouvoir abondant de régénération, que convoie la prière ; pouvoir dont témoignent tous les missionnaires, tous les directeurs d'àmes. La valeur vraie de la prière consiste, non pas dans les joies mystiques, que d’aventure elle peut procurer, mais dans les transformations morales qu’elle opère. Elle refait des personnalités, en simplifiant, unifiant, pacifiant. Ce travail de restauration ne s’achève pas tout d’un coup. La prière doit accompagner l’homme à toutes les époques de sa vie. En lui procurant des réalités spirituelles et morales, une intelligence plus