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prochements que l’on esquisserait n’irontpasau fond des choses : l’extase du saint ne se laisse pas classer avec le sommeil du bonze bouddhique ni avec l’ivresse du sùti musulman.

M. Heiler connaît, et parfois marque d’un trait fort, la jalousie nécessaire du point de vue chrétien. Rencontrant la prière de l’Homme-Dieu, il en parle avec émotion :

« Mou Père, non p >s ma volonté, mais la votre ! -Cette

prière Uu Christ sur le mont des Oliviers est le plus haut sommet dans I histoire de la prière, la parole la plus profondément religieuse qui fut jamais dite… A cette courte exclamation et à d’autres « emblables, conservées fidèlement par ses disciples ; à ses brèves recommandations de prière intérieure et conliante ; à sa prière modèle, le l’altr, la vie de prière des grandes personnalités chrétiennes s’est toujours ranimée : Apôtres et Pores, Moines et Mystiques, Réformateurs et Théologiens. 1 a prière de Jésus à Gethsémani a été redite par des millions d’enfants des hommes ; son Pater a élevé d’innombrables âmes sur les hauteurs de sa propre vie de prière ; aes paraboles touchant la prière persévérante, qui emporte le ciel, ont excité une confiance inflexible dans le cœur des grands chrétiens. L’assertion du quatrième évangile : « Nous avons tout reçu de sa plénitude, et grâce pourgràce » (loan., i, i(i) ne se vérifie nulle part mieux que dans la prière des fidèles. Le rayonnement infini de la vie de prière de Jésus prouve, mieux quo tout, la puissance créatrice unique de sa personnalité. Une telle prière ne pouvait jaillir que des profondeurs de

I Homme-Dieu.

On ne saurait mieux dire. Malheureusement ces paroles ne commandent pas tout le développement.

II suffirait de leur restituer leur pleine valeur, pour y trouver le principe d’un groupement meilleur el des éliminations nécessaires.

VIII. Une enquête moderne sur la prière. — Au mois de mai 1916, l’Université Saint-Andrews (Ecosse) mettait au concours le sujet suivant :

« La prière. Sens, réalité, puissancede la prière. Sa

place et sa va leur au regard de l’individu, de l’Eglise, de l’Etat, des affaires courantes de la vie, de la guérison delà maladie et de la souffrance, des temps de détresse et de danger national ; dans ses relations avec l’idéal national et le progrès du monde. »

L’appel ne retentit pas en vain, car le nombre des mémoires présentés s’éleva à 1667, écrits en dix-neuf langues différentes.

Pour dépouiller une si vaste littérature, on dut faire appel à plusieurs équipes de lecteurs. Des filtrages successifs réduisirent progressivement le nombre des candidats en présence, et après de multiples expertises, le prix lut décerdé au Rev. Samuel UcComb, 1). D., chanoine de la cathédrale (anglicane ) de Baltimore, Maryland (Etats-Unis).

Un volume, sorti des presses de Macmillan, réunit le texte du mémoire couronné et celui de dix-huit autres mémoires, dont plusieurs furent l’objet de distinctions spéciales. Un large éclectisme a présidé au choix Le toutest encadré entre une introduction, due au Right Itev. V. P. Paterson, professeur de théologie à l’Université d’Edimbourg, et un épilogue, du à M. David Russell, de Saint-Andrew-, Malgré des redites inévitables, le recueil est hautement représentatif et riche de points de vue originaux. {The Power of Prayer. Reing a sélection of Walker Trust Essays, with a study of the Essays as a religions and theological document. Edited by the EUght Rev. W. P. Paterson, D. D., Professor of Divinity in the University of Edinburgh, and David Russell, of the Walker Trust. Macmillan, London, 1930, in-8, xvi-6^3 pages)

Presque tous (exactement 1604 sur 1667) écrits en anglais, ces mémoires reflètent en général des édi tions plus ou moins revues du christianisme anglican. Une proportion notable (environ 50) appartient à ces mouvements nouveaux communément désignés par les noms de Christian Science et de New Thougkt, Il s’en trouve quatorze de non chrétiens, dont douze pour les religions de l’Inde. Les éditeurs du volumeont voulu faire placeauxcouranls d’idées les plus extrêmes. Dans l’ensemble, le recueil est, au sens large, ang ican ; qu’il nous suffise de le considérer comme te 1.

Huit tableaux synoptiques, dressés avec une admirable conscience par le Right Rev. Paterson, indiquent la répartition des 1667 mémoires selon les pays d’origine ; selon le sexe et la vocation des auteurs ; selon leur confession religieuse ; selon leur type dépensée ; selon les relations mutuelles de ces divers éléments. Nous renverrons à cette statistique le lecteur curieux. Notons seulement ce qui surprendra peut-être : le nombre des concurrents féminins dépasse notablement celui des concurrents masculins (870 contre 780). Plusieurs de ces concurrents féminins ont fait preuve d’un très réel mérite. Mais, somme toute, le féminisme n’enregistre pas une victoire : les dix-neuf mémoires publiés appartiennent au sexe fort.

On nous dit que le concours porte, dans son ensemble, un cachet très moderne. La donnée chrétienne y apparaît triturée par une pensée active et par l’expérience de la vie ; beaucoup plus rarement commentée, soit par les anciens maîtres catholiques, soit par les ancêtres de le Réforme. Les auteurs sont principalement nourris de littérature courante.

La leçon que tous répètent avec un ensemble émouvant, c’est leur confiance personnelle dans la prière ; confianeequi s’exprimeparfoiséloquemment. Presque tous témoignent de leur foi en un Dieu personnel, infini en pouvoir, en sagesse, en bonté, Père du Christ. Quelques esprits philosophiques s’arrêtent à défendre, contre les objectionspanthéistes, la personnalité de Dieu. Un petit nombre, au contraire, abandonne ce dogme ; mais leur panthéisme n’exclut pas toute religiosité ; il se teinte même parfois d’une dévotion intense. D’autres insistent sur l’immanence divine etdéveloppent un thème évolutionniste. Quelques-uns, prosternés devant le Dieu personnel, e feraient scrupule de l’invoquer : n’est-il pas au-dessus de notre prière ? et l’appellation de « Père Céleste » est-elle autre chose qu’un puéril anthropomorphisme ? Mais le grand nombre

— et surtout les penseurs — n’éprouve aucuife difficulté à accorder l idée de l’Etre infini avec les attributs du Père céleste, Providence attentive aux moindres détails de la Création.

Sur l’objet de la prière, nos auteurs manifestent certaines hésitations. Quelques-uns voudraient s’en tenir à l’adoration — prièredésintéressée, — comme seule digne de la majesté divine. D’autres s’étonnent que l’homme prétende intervenir par la prière en faveur de ses semblables. Mais ceux-là font exception. La plupart voient au contraire dans l’intercession pour autrui une forme excellente de prière. Des théosophes vont plus loin et affirment la vertu directement efficace delà prière, sans spécialeinlervention de Dieu. Beaucoup se montrent favorables à la prière pour les morts : manifestement, le dogme catholique du purgatoire gagne du terrain dans les milieux anglicans.

La prière intéressée, la prière qui demande, demeure suspecte à de3 esprits d’ailleurs pénétrants. Surtout ils distinguent entre les biens spirituels et les temporels. S’ils approuvent — et comment ne l’approuveraient-ils pas ? — la prière qui demande un bien spirituel, par exemple une grâce de conver-