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des voies mystiques. Sa formation néoplatonicienne le prédisposait à les analyser et à les décrire. On en trouvera l’esquisse dans le De quantiiaie animae (années 38^/8), où il distingue sept degrés dans la préparation à l’union divine, insistant principalement sur la nécessité d’une préparation ascétique pour purifier le regard de l’esprit. P. I., XXXII, u>35 1080. Un regard plus profond sur sa propre vie intérieure nous estouvert par les Suliloquia (387), ?*’> XXXII, 869-904, et par certaines pages des Confessions, notamment par la page célèbre où il rapporte un entretien extatique avec sa mère, à Ostie. l’onf., IX, x, /’. /.., XXXII, 774.

Un peu après saint Augustin, un autre néoplatonicien, l’auteur mystérieux qai se cache sous le nom de Dknys, initiait l’Eglise grecque à la vie mystique. Par delà les démarches de la raison raisonnante, qui affirme des perfections créées (Sso’/oyïa. xarttfanvaf) ou nie les limites de ces perfections (Qew.yix êcnofa-Tu <j), il existe vers Dieu une voie plus directe, ouverte à la seule prière, De dii’ini » nominibus, iii, 1, P. G., 111, 680. Cette voie exige la purification de l’âme, De mvstira theologia, 1, 3, ib., 1000. Dieu attire qui lui plaît dans cette voie de mystère, Pp., ix, 1, no4-8.

Les grandes expériences spirituelles de saint Paul, ravi — dans son corps ou hors de son corps, il ne sait, — jusqu’au troisième ciel, et entendant ces paroles ineffables que l’homme ne saurait redire (II Cor., xii, 2-4), sont le point de départ de toute mystique chrétienne. Animé par Jésus-Christ qui vit en lui, devenu avec Jésus-Christ un même Esprit (Gal., 11, 20 ; 1 Cor., vi, 17), l’Apôtre peut convier les fidèles au respect de cet Esprit dont ils sont les temples (l Cor., vi, 19), à la vie cachée en Dieu (Col., iii, 3). Il peut montrer dans la charité du Christ le gage d’une union plus forte que la vie et la mort et toutes les puissances créées (Rom., viii, 35). Les héritiers de son apostolat ont maintes fois repris sa trace, et Denys se réclame de son enseignement, De div. nom., ni, a, C81 A.

L’alliance d’une haute oraison avec de grandes œuvres accomplies pour Dieu est un fait qu’on retrouve à tous les siècles de l’Eglise, particulièrement chez les grands moines : saint Benoit et saint Bernard, saint François d’Assise et saint Bonaventure furent à la fois des hommes d’action et de grands contemplatifs. Pareillement chez de saints évêques et docteurs : saint Basile, saint Grégoire le Grand, saint Anselme, saint François de Sales, saint Alphonse de Liguori ; ou de saints prêtres, comme saint Philippe Neri, fondateur de l’Oratoire, et saint Jean-Baptiste Vianney, curé d’Ars. Mais les femmes ne le cèdent en rien aux hommes, si même elles ne les devancent dans les voies de la vie contemplative. — Voir, sur ce point, le témoignage de saint Pii’.hrr d’Alcantara, recueilli par sainte Tkrèsk, Vie, ch. xl ; trad. des Carmélites de Paris, t. II, p. 147, Paris, 1907.

III. Enseignement de saint Thomas d’Aquin.

— La doctrine de saint Thomas sur la prière est résumée notamment Il a ll æ, q. 83.

Avec saint Jean Damascène, le Docteur angélique définit la prière : « demande faite à Dieud’une chose bonne » (art. 1). Il indique trois objections faites à la prière (art. 2) : objection de l’athéisme pratique, qui nie la Providence et conclut qu’il est vain de prier ; objection du fatalisme et du déterminisme, qui expliquent tout soit par l’influence irrésistible de la Cause première, soit par l’enchaînement inéluctable des causes secondes ; objection de l’anthropomorphisme puéril, qui représente Dieu changeant

de résolution ainsi qu’un homme. A rencontre de ces erreurs grossières, il revendique la vraie notion de la Providence, qui s’étend non seulement aux elï’ets mais aux causes et à l’ordre entre les causes et les effets. Les actes humains sonteux-mêmesdes causes : en agissant, l’homme ne peut prétendre modifier les dispositions de la Providence divine, mais bien poser la cause à laquelle la Providence a voulu attacher certains elfets. Toute la métaphysique de la prière est là : l’homme prie pour obtenir les biens que Dieu a décidé d’accorder à sa prière.

Acte de religion, la prière est essentiellement un hommage rendu à Dieu (art. 3). Si l’homme recourt à l’intercession d’un saint, l’hommage à Dieu n’en demeure pas moinsentier (art. 4).

On peut demander absolument les biens du saint ; on peutdemander conditionnellement d’autres biens, tels qu’une longue vie ou la richesse.qui ne tournent pas toujours à l’avantage du salut (art. 5). En principe, il n’y a pas de faute à demander ce qu’on peut désirer sans faute (art. 6). Comme on prie pour soi, la charité fraternelle veut qu’on prie également pour autrui (art. 7). Les ennemis ne doivent pas être exceptés de cette prière, encore que le précepte de piier pour les ennemis u’urge pas toujours positivement (art. 8). L’oraison dominicale, qui demande d’abord la gloire de Dieu, puis le bien de l’homme, résume toute bonne prière (art. 9).

Prier est le fait d’un inférieur ; aussi les personnes divines, comme telles, ne sauraient prier. C’est d’ailleurs l’acte d’une faculté raisonnable, aussi les êtres dépourvus de raison ne prient pas (art. 10). Mais la prière n’est pas restreinte à cette vie : les saints, dans le ciel, prient d’autant mieux et plus efficacement qu’ils sont plus unis à Dieu par la charité (art. 1 1).

La prière est vocale ou mentale seulement. La prière commune de l’Eglise, offerte à Dieu officiellement par ses ministres, est nécessairement vocale ; la prière privée ne l’estpas nécessairement ; on usera de ce moyen extérieur dans la mesure où l’on y trouvera un’ecours pour s’élever à Dieu (art. 12). L’attention, indispensable pour atteindre le but de la prière, qui est d’unir à Dieu, importe à ses divers effets : au mérite, à la vertu impétratoire.mais principalement à la réfection spirituelle de l’àme. Dieu, qui sait notre faiblesse, a surtout égard à l’intention première, quand même quelque divagation survient. Parfois l’attention est telle que l’âme t’ut entière se perd en Dieu (art. 13). La prière, procédant de la charité, tend à durer toujours, comme la charité même ; en fait, elle est bornée, comme les forces de la nature (art. 14). Son mérite dépend surtout de la charité ; mais aussi de la foi, de l’humilité, de la dévotion ; sa vertu impétratoire dépend de la grâce divine, qui nous excite à prier (art. 15). La prière du pécheur est de nul mérite devant Dieu, maisnon pasde nul effet : car où la justice n’agit pas, la miséricorde peut agir, et convertir le pécheur qui prie pour lui-même en vue du salut, avec piété, avec persévérance (art. 16). Saint Thomas énumère en finissant les parties de la prière (art. 17).

Cette sèche analyse d’un article de la Somme théologique permet d’entrevoir la richesse des développements consacrés par saint Thomas à la prière. Héritier de l’esprit de saint Augustin et de l’esprit de Denys, il coordonne et approfondit leur doctrine sur l’oraison sublime, soit dans le Commentaire du De divinis nominibus, toit dans l’opuscule De perfectible vitrie spiritualis, soit enfin dans la Somme théologique, où il rappelle les expériences spirituelles de Hiérothée, non solum discens, sed et patiens divinn, H* II**, q. 4^, " 5. el traite ex professo Débita contemplatiia, ibid., q. 180.