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PRIKRE

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prière instante et persévérante, promettant de l’exaucer {Mat., vii, 7-IIJ Lue., xi, 5-13 ; Ioan., xiv, 13-14 ; xvi, 23-34) ; mais il encourageaitla prière importune, en lui accordant ce qu’il avait refusé à une première demande (Ghananéenne, Mat., xv, 21-38) ; il présentait la prière comme un devoir de tous les instants (Luc., xvm, 1 sqq.). Lui-même avait prélude à son ministère public par quarante jours de jeûne et deprière ; on levoyait passer des nuits en prière (Marc, 1, 35 ; Luc, vi, 13) ; il priait dans les actions les plus solennelles, telles que le miracle de la multiplication des pains (Mat., xiv, 19 ; xv, 36), certain que son Père l’exauçait toujours (Ioan., xi, 4a, avant la résurrection de Lazare) ; il pria tout particulièrement pour les siens avant d’aller à la mort, pour qu’ils fussent un comme son Père et lui sont un (Ioan., xvn) ; il pria surtout dans son agonie, voulant inculquer la nécessité spéciale de la prière en face de la tentation (Mat., xxvi, 3g-44) ; il pria jusque sur la croix (Luc, xxiii, 34, Mat., xxvii, 46 ; Luc, xxiii, 46), pour ses bourreaux et pour lui-même.

L’Eglise n’a jamais désappris cette leçon. La prière avait été l’occupation des Douze, attendant la venue du Saint-Esprit (Act., 1, 14). Saint Paul s’est à peine relevé sur le chemin de Damas, que le Saint-Esprit le montre priant (Act., ix, 11). Il concevra la vie chrétienne comme une incorporation permanente au Christ (I Cor., xii, 37 ; II Cor., v, 17 ; Eph., ii, 10- 15 ; v, 30, etc.) ; il lui assigne comme loi, une lutte sans trêve, défensive et offensive, contre les ennemis du salut (II Cor., xi, 3 ; Eph., vi, 11-17). La condition de l’union permanente au Christ et de la victoire sur le démon, c’est la prière incessante : il la recommande expressément (I T/iess., v, 17). Ses épîtres s’ouvrent par un vœu offert à Dieu pour ses correspondants, elles se concluent par un vœu ou une action de grâces ; la trame du développement montre que l’Apôtre vit dans une atmosphère de prière et y entretient les fidèles.

La prière liturgique, offerte à Dieu dès les premiers siècles dans l’assemblée chrétienne, exprime le souci constant d’élever vers Dieu une supplication perpétuelle pour obtenir les biens du corps et surtout de l’âme. L’oraison dominicale inspire le pape saint Clbmbnt écrivant aux Corinthiens (lix lxi). La Didaché des Apôtres (vm-x) recommande la récitation de cette prière trois fois le jour et trace le cadre de la prière eucharistique. — Indications abondantes dansDomCABROL, Le livrede la prière antique, Paris, 1900 ; P. Martinkz, L’ascétisme chrétien pendant les trois premiers siècles de l’Eglise, Paris, 1913.

Le sacrifice eucharistique, confié par Jésus-Christ aux prêtres du NT. (voir art. Eucharistie), fait monter vers le ciel, non plus seulement la prière de l’homme, mais la propre prière du Verbe incarné, éternellement vivant et intercédant pour nous. Le prêtre réédite à l’autel le geste sacerdotal du Christ à la Cène, il commémore l’immolation sanglante du Christ à la Croix. Par l’oblation de la Victime sans tache, immolée pour notre salut, il réédite le sacrifice rédempteur, toujours plein de la même vertu infinie, et représente à Dieu la même intercession toute-puissante que le Christ glorifié prolonge éternellement dans le ciel. Il n’y a qu’un Rédempteur, mais il y a des milliers de prèlres et des millions de fidèles qui chaque jour entrent à nouveau en possession de la prière du Christ, soulignée par sa Passion. En s incorporant le sacrement de l’Eucharistie, symbole de l’unité, lien de la charité chrétienne, le fidèle s’associe à la prière de l’Eglise, qui est la prière même du Christ. On trouvera ces idées largement développées p ; ir M. db La Taille, S. I., Mysterium Fidei. De augustissimo corporis et san guinis Christi sacrificio atque sacramento Elucidationes L. Paris, 1631, in-4.

II. Enseignement des Pèrea. — Les anciens Pères ont souvent traité de la prière, et tout naturellement se sont vus amenés à expliquer l’oraison dominicale. Ainsi Tbrtullien, au début du traité De Oratione, c. 11. îx, parcourt les demandes de cette prière, qu’il appelle hreviarium totius Evangelii. En Unissant, il se résume dans une page pleine de poésie et de grâce, c. xxix. Hostie spirituelle du NT., la prière chrétienne a remplacé les anciens sacrifices ; les adorateurs en esprit et en vérité porteront à l’autel cette prière, que Dieu exige. Déjà la prière imparfaite de l’AT. opérait des merveilles : elle arrêtait les ravages du feu, des bêtes, de la faim, dissipait les armées ennemies, commandait aux éléments. Que ne fera donc pas la prière enseignée par Jésus-Christ ? Celte prière, inspirée par la justice, accomplit des miracles de patience, elle détourne la colère du ciel, veille pour le salut des ennemis, crie grâce pour les persécuteurs. Seule, la prière triomphede Dieu même. Essentiellement bienfaisante, elle ne sait que rappeler des portes de la mort les âmes des défunts, restaurer les membres infirmes, guérir les malades, délivrer les possédés, ouvrir les portes des prisons, briser les fers des innocents. Elle efface les péchés, repousse les tentations, éteint l’ardeur des persécutions, secourt tous les besoins spirituels. La prière est le mur de la foi ; elle est une arme défensive et offensive contre l’ennemi qui nous assiège de toutes parts. Ne marchons jamais sans cette arme. Soyons fidèles, le jour aux stations, la nuit aux veilles. Sous les armes de la prière, gardons l’étendard de notre chef, attendons la trompette de l’ange. Les anges eux-mêmes prient ; toute créature prie ; les animaux des champs, ceux des bois fléchissent les genoux, au sortir de leurs étables ou de leurs tanières, ils regardent le eiel, et chacun à sa façon tire de sa bouche une musique expressive. Les oiseaux, à leur lever matinal, s’élèvent dans l’air, étendent leurs ailes en croix, et disent quelque chose comme une prière. Bien mieux : le Christa prié. Gloire au Christ clans les siècles des siècles ! — Voir/ 1. /.., 1, 1149-1196 ; A. d’Alès, Théologie de Tertullien, p. 30a-307 ; Paris, igo5.

On doit à saint Cyphibn un traité distinct De dominica oratione, P. /.., IV, 51g-544, CSELV., 111, 267-394, largement inspiré de Tertullien, d’ailleurs plus complet, plus ample, d’une onction plus soutenue. Voir A. d’Alks, Théologie de saint Cyprien, pp. 34-39 ; 337 ; Paris, 1933.

Entre les plus anciens traités de la prière, celui d’ORiGÈNB, Il’joi ùxf.i, se distingue par la richesse et la vigueur de la pensée. A ce titre, nous le croyons digne d’une analyse rapide. On le trouvera, P. G., XL 416-571 ; ou éd. Koetschau, Leipzig, 1899, p. 397-403. Origène est invité à écrire sur la prière. Sans illusion sur les difficultés de l’entreprise, il se rend aux sollicitations d’Ambroise et de sa femme Tatiana. Ce qui surpasse les forces de l’homme, peut devenir possible par la grâce de Dieu ; l’écrivain met son espoir dans l’assistance de l’Esprit divin, qui seul peut enseigner à quelles fins on prie et comment (1. 11).

Le nom grec de la prière — ùx<i — présente une double acception : l’acception commune de prière, et celle de vœu (ni. iv). S’attachant à l’acception commune, Origène examinera d’abord, selon le désir qu’on lui a exprimé, les objections de principe contre la prière.

Laissant de côté l’erreur grossière qui rejette la prière en rejetant sommairement la Providence