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catholiques continuent d’agiter la question de la prédestination et se partagent sur la prédestination ante ou posl prævisa mérita. On sait déjà qu’au point de vue pnulinien de la prédestination à la grâce, saint Augustin avait substitué le point de vue global de la prédestination à la grâce et à la gloire. La période moderne est caractérisée par l’avènement d’un troisième point de vue : celui de la prédestination restreinte à la gloire. D’ailleurs, la réponse donnée à cette question comporte, dans un sens et dans l’autre, beaucoup de diversité ; elle ne peut fournir un principe sûr de classement. Pour introduire quelque peu d’ordre dans une histoire très confuse, nous ne voyons rien de mieux que de distinguer trois groupes :

I" Les théologiens appartenant à l’Ordre des Frères prêcheurs, qui forment un groupe assez homogène.

2° Les théologiens appartenant à la Compagnie de Jésus, qui forment un groupe moins homogène, marqué néanmoins par certains traits de famille.

3° Les autres théologiens, représentant les tendances les plus diverses,

i° Théologiens des Frères Prêcheurs

Ambroisb Catharin, O.P., évéque de Minorque ({ 1553), dans sa Sununa Doetrinac de Prædestinadonc (Rome, t550) tente des voies nouvelles et hasardeuses, où s’était déjà risqué Guillaume d’Ockam. Il reconnaît, d’après l’Ecriture, une classe, d’ailleurs peu nombreuse, de prédestinés au sens strict : ce sont les privilégiés de Dieu, mis par une providence spéciale à l’abri de tout risquepourle salut éternel. Quant au reste du genre humain, il admet que Dieu le pourvoit de grâces suffisantes, sans exercer sur lui aucune action décisive : assurément Dieu sait qui se sauvera et qui se damnera, mais en somme chacun ici-bas fait sa propre destinée. Calharin ne prétend s’enchaîner nia la pensée de saint Augustin ni à celle de saint Thomas ; c’est un excentrique dans l’école dominicaine.

En 1 55 1, durant une vacance du Concile de Trente, deux théologiens de ce concile, le P. PiERnu de Soto, O.P., et RuaroTafpkr, chancelier de l’université de Louvain, échangeaient, sur les controverses relatives à la grâce, des lettres qui nous ont clé conservées. Pierre de Soto se montrait ému de la tournure prise par la réaction contre les erreurs de Luther, et croyait voir renaître le pélagianisme. Il dénonçait, comme unfruit du pélagianisme, les doctrines qui cherchent dans la prévision des mérites ou des démérites une raison quelconque de la prédestination ou de la réprobation, et appelait de ses vœux une sentence conciliaire. Voici comment il s’exprimait à la fin de la seconde lettre : Ex errore Mo tribuente initium salut i s gratine, ronsummationem vero liber o arbitrio, orlum illum alium de pruedeslinatione et reprobatione, ., se. ex præscienlia usus gratiæ De uni prwparasse aliissupplicium, aliis præmium, certissimum semper habui ; etdolui quod talia in scholis permitterentur disputari tanqu im probabilia ; etputo valde pertinere ad Ecclesiam, ut Ma et similia damnentur

nalio. — -Correspondance publiée en appendice à i’ouvrage d’Antonin Reginald, O. P., Do mente 5.’"firihi Tridentini circa graliam scipsa efficacem,

xii. Antverpiae, 1706, fol. Pierre de Soto se montrait particulièrement sévère pour Dominique di Soto et pour Catharin.

Banrz, O. P. (-J- 1604), parlant de cette donnée commune que la prédestination etla réprobation dépendent de la Providence divine, urge le parallélisme de i es deux actes, de manière à les présenter pour ainsi dire de front, comme deux voies par lesquelles Dieu poursuit la manifestation de sa perfection infi nie. L’ordre inarqué par saint Thomas, entre l’acte d’intelligence et l’acte de volonté en Dieu, est interverti par Baftez, : chez saint Thomas, l’intelligence éclaire la voie, la volonté suit ; chez Ha nez, la volonté lixe d’abord le but et l’intelligence trace ensuite la voie, Scholastiea Commentai ta in / «’", Romæ 1584, In q. 23, art. 6, p. 403 C : Iteprobatio signifient aetuin intellectus fornialitcr, sed præsupponit actum voluntalis, Probatur. Quia iia se lialiet reprobatio respeetu reprobatorum sicut prædestinatio respeetu prædeslinatorum ; sed prædestinatio est ratio præerislens in Deo ordinis in finciii, ergo reprobatio est ratio ordinis reprobatorum in jincm intentum a Deo, se. ut ostendnt iustitiam vindicativam, ad r/uem fine m necessaria est permissio peecati et ordinal a a Deo et Lolita ad talent fine m. Inde reprobatio dicitur a s. Thoma pars providentiae, sicut prædestinatio. Quod autem p aesupponat actum voluntatis nostro modo intelligendi, sicut et prædestinatio, est manifestant. Est enim prius voluntas finis quant ratio mediorum ad finem. — Que l’on confronte cette conception avec celle de Cajetan, on sera frappé du contraste. Parmi les traits qui distinguent la conception de Bafiez, notons l’interversion des actes de l’intelligence et des actes de la volonté ; puis l’effacement de la volonté antécédente qui assignait pour lin à toute créature raisonnable la possession éternelle de Dieu. La manifestation de la justice vindicative vient au premier plan, comme un but poursuivi pour lui-même, et non plus comme une nécessité conséquente à la faute de l’homme.

Dioace Alvarez, O. P. (-j- 1 635), applique rigoureusement au problème de la prédestination le principe des prédéterminations bannésiennes. Tout procède d’une volonté antécédente, qui trouve son compte soit dans le salut des uns, soit dans la damnation des autres. Selon cette conception, la distinction mise par saint Jean Damascène et saint Thomas, entre deux volontés divines, l’une antécédente et l’autre conséquente au fait humain du péché, ne trouve plus d’emploi ; mais Alvarez la restaure en l’appliquant à un autre objet. Comme il introduit la considération d’une intention divine allant lout droit à faire reluire la justice vindicative et postulant par contrecoup la permission du péché, c’est par rapport à cette intention divine qu’il parlera de volonté antécédenteet conséquente. De auxi lis divinae gratiæ et kumani ai-bit, ii viribus Summa, Lugduni, 16 : 20, 1. IV.c.iv, 3, p. 03a : Dicendum est ergo quod voluntas Dei anteeedens est qiiæ fertur in obieclum aliquod absolute consideratum et secundum se. Dicitur autem huer oluntas anteeedens, non quia antecedat bonum velmalum uswn nostri arbitrii, utarbitrantur auclores primæ senlenliæ ; sed quia antecedil volunlatem qua J>eus fertur in obieclum consideratum cum aliquo adiunclo, quæ est consoquens et poslerior consideratio eius, ut docet.S. Thomas, I, q. 19, art. 6. Hoc non aliter probatur quant ex fundamentis positis et ex ips’i ver’iorum significatione. Si ergo considerelur salas reproborum secundum se et absolute, sic est a Deo volita ; si autem considerelur secundum quod habet adiunctam privationem aut carenliajn maioris boni, i’id boni universalis Providentiæ divinae, pulchritudinis universi, manifeslationis iuslitiæ divinæ in reprobis et maioris sp’enduns misericordiæ in electis. sic non est volila a Deo. Et secundum hoc asserimus quod voluntate conséquente Deus nouvel itomnes homines salvos fieri… — Nous avons cité (col. 229) le passage auquel Alvarez se réfère, et ne reconnaissons pas dans son commentaire l’adiuncium par rapport auquel saint Thomas parle de volonté antécédente et conséquente, et qui, sans doute possible, est proprement et immédiatement le fait humain du