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PREDESTINATION

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VIII. Réforme- Baïanisme et Jansénisme. — Par sa doctrine du serf arbitre, Luthbr avait entièrement déformé le dogme de la Prédestination (Prop. 36 condamnée par Léon X. Bulle Ex&urge Domine, 15 juin IÔ2 1, D. II., 776 [660]). Une partie des Réformateurs le suivit dans oette voie ; d’autres s’évadèrent, à l’exemple de Mélanchtbon, que la controverse de Luther avec Erasme avait désabusé. Aussi, dans les principaux documents de la Réforme luthérienne, dus pour une part à la plume de Mélanchllion, le fatalisme initial est-il largement pallié par les perspectives attrayantes de la justification offerte à la foi. Il en est encore ainsi dans la Formula Concordiæ de 1579, I a pars, c. XI. Quelques indications utiles sont fournies par l’écrit (protestant ) de Alpb. Evard, Etude sur les variations du dogme delà Prédestination et du libre arbitre dans la théologie de Mélanchthon. Laval, 1901.

Chez Calvin au contraire, la doctrine de la prédestination, soit au salut soit à la damnation, par le seul bon plaisir divin, s’affirme avec la plus extrême crudité. La toute-puissance souveraine fixe a priori la destinée de chaque homme. Dieu ayant déterminé, dans ses conseils éternels, quels hommes il créait pour le salut et quels pour la damnation, il ypousselesuns etles autres infailliblement.

Institution de la religion chrétienne, 1. III, c. xxi, 5, éd. Genève. 1888. p. 4a8 B : Quiconque voudra estre tenu pour homme craignant Dieu, n’osera pas simplement nier la perdestinalinn, par laquelle Dieu en a ordonné aucuns a salut, et assigné les autres à damnation éternelle : mais plusieurs l’enveloppent par diverses cavillations, et sur t us ceux qui la veulent fonder sur sa prescience. Or nous dirons bien qu’il prévoit toutes choses comme il les dispose : mais c’est tout confondre.de dire que Dieu élit ou rejette selon qu’il prévoit cecy et cela. Quand nous attribuons une prescience à Dieu, nous signifions.[ue toutes choses onttou]ours esté et demeurent éternellement en son regard, tellement qu’il n’y a rien de futur ni de passé à sa cognoissance : mais toutes choses lui sont présentes, et tellement présentes qu’il ne les imagine point par quelques espèces, ainsi que les choses que nous avons on mémoire nous viennent quasi au-devant des youx par imaginations : mais il les voit et regarde à la vérité, comme si elles estoyent devant sa face. Nous dirons que cette prescience s’entend par tout le circuit du monde, el sur toutes créatures. Nous appelions prédestination : le conseil éternel de Dieu, par lequel il a detorminé ce qu’il voulait faire d’un chaque homme. Car il ne les crée p » s tous en pareille condition mais ordonne les uns à vie éternelle, les autres à éternelle damnation. Ainsi selon la fin à laquelle est créé l’homme, nous dirons qu’il est prédestiné à mort ou à vie.

Ibid., 2, p. 431 B :

Nous disons donc, commel’Ecriture le montre évidemment, que Dieu a une fois décrété par son conseil éternel et immuable, lesquels il vouloit prondre à salut, et lesquels il

  • ouloit dévouer à perdition. Nous dirons que ce conseil,

quant aux esleus, est fondé en sa miséricorde sans aucun reg.ird de dignité humaine. Au contraire, que l’entrée de vie est forclose a tous ceux qu’il veut livrer en damnalion : et que cola se fait par son jugement occulte et incompréhensible, combien qu’il soit juste et équitable. Davantage, nous enseignons que la vocaton des esleus est comme un monstre et tesmoignage de leur élection. Pareillement que leur justification en est une autre marque et enseigne, jusqu’à ce qu’ils viennent en la gloire en laquelle gist l’accomplissement d’icelle. Or comme le Seigneur marque ceu qu’il a esleus, en les appelant et justifiant : aussi au contraire, en privant les reprouvez de la cognoissance de sa parnlle, ou de la sanctification de son Esprit, il demonstre par tel signe quelle sera leur fin, et quel jugement leur en préparé…

C’est la doctrine calviniste que vise particulièrement cet analhème du concile de Trente, sess. vi, can. 37 :

Si quis iustificationis gratiam non nisi prædestinalis ad vitam contingere di.rerit, relit/nos vero Omnes, qui vocantur, vocari quidem, sed grattant non

accipere, utpoie divina gratia prædestinatos ad malum, A. S.

La donnée calviniste devait subir, au cours des âges, mainte dégradation. Dès l’origine, le supralapsarisme fut souvent abandonné pour l’infralapsarisme. On appelle supralapsarisme cette doctrine de Calvin qui impute le discernement des prédestines et des réprouvés à un dessein divin antérieur à la prévision du péché originel ; imputer ce discernement à un décret divin postérieur à la prévision du péché originel, c’est glisser dans l’infralapsarisme. Ce dernier parti fut suivi par beaucoup de ceux qui d’ailleurs se réclamaient île Calvin. On le vit clairement lors des luttes retentissantes qui, à la fin du xvie siècle, dans l’Eglise réformée des Pays-Bas, mirent aux prises les « Remontrants », disciples de Jacques Arminius, avec les Calvinistes rigides groupés autour de Goniarus, et qui aboutirent à l’excommunication des Arminiens, lors du synode national de Dordrecht (1618/9). Les Arminiens étaient unanimes à rejeter, non seulement le supralapsarisme, mais l’infralapsarisme, et se rapprochaient de la doctrine catholique ; parmi les Gomaristes eux-mêmes, le supralapsarisme n’était pas professé universellement ; beaucoup s’en tenaient à l’infralapsarisme, et la question fut laissée ouverte dans les décrets de Dordrecht, auxquels l’Eglise réformée de France adhéra l’année suivante, lors du synode national de Charenton (1620). Voir, sur cette controverse, Th. Van Oitenrau, La doctrine delà prédestination dans l’Eglise réformée des Pays-Bas, jusqu’au synode national de Dordrecht. Louvain, 1906.

Le fatalisme de la Réforme se perpétue dans la doctrine de Baïus, telle qu’elle ressort des propositions suivantes, condamnées par saint Pis V (1 oct.

, 56 7> :

Prop. 3g : Quod voluntarie fit, etiamsi necessario

fiât, libère tamen fit.

40 : In omnibus suis actibus, peccator servit d o mina nt i cupiditati.

l : Is libertatis modus, qui est a necessitate, sublibertatis no mine non reperïlur in Scripturis, sed solum nomen libertatis a peccato.

65 : Noitnisi pelagiano errore admitti potest usus aliquis liberi arbitrii bonus, sivenon malus ; et gratiuc Ckristi iniuriam facit qui ita sentit et docet. Avec le fatalisme, la doctrine calviniste de la réprobation négative antécédente se perpétue dans le jansénisme. Témoin les 5 propositions tirées de VAugitstinus et condamnées par Innocent Xle31 mai 1 653. Il suffira de rappeler ici la 5e, qui nie l’universalité de la volonté salvifique.

Semipeltigianum est dicere Chrislum pro omnibus omnino hominibus moi t un m esse aut sanguinem fudisse.

Les 5 propositions tirées de YAuguslinus on tété reproduites ci-dessus àl’articlejANsfîNisMK.Voirencore, parmi les propositions condamnées par Alkxandrb VIII le 7 décembre 1690, la proposition 4, D. B., iag4 [116 1] ; parmi les propositions de Paschasf Quesnel condamnées par Clkmknt XI, Bulle Unigenilus, 8 sept. 1713, les prop. 1 2.13.30. 31.3a, D.B., 1 36a. 1 363.1380-1382(12a8.i 229.1230.1 a32), nous citerons : Prop. 30 : Omnes quos Deus vuli salvare per Christian salvantur infalltbiliter.

3a : Jésus Christus se morti tradidit ad Iiberandum pro semper suo sanguine primogenitos, i.e. electos, de manu angeli exlerminatoris.

Cette proposition sous-entend que le Christ est mort pour les seuls élus.

IX. Théologiens catholiques depuis le concile de Trente. — Depuis le concile de Trente, les écoles