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PREDliSTINATION

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Au contraire, Scot distingue énergiquement le cas de la prédestination du cas de la réprobation. Il ne veut pas entendre parler de prédestination à la gloire post prævisa mérita, parce que Dieu, qui veut tout avec ordre, doit vouloir la fin, c’est-à-dire la gloire, avant les moyens, c’est-à-dire les mérites, Par ailleurs, il admet la réprobation past prævisa démérita. In l d., l, q. « ">’i, éd. Paris, 1898, l. X, p. 697 : Prædestinationis nulla est ratio etiam ex parle prædeslinati aliquo modo prior isla prædesttnatiune ; reprobatioms tamen est aliqua causa, non quidem projiter quam Deus effective reprobat, in quantum est actiu a Duo…, sed propterquam ista actio sic lerminetur ad isiud objectant et non a I aliud.

Au xiii siècle, le prédestinatianisme avait reparu dans les écoles théologiques, avec l’appui de la philosophie averroïste, et revêtu la l’orme d’un déterminisme panthéiste. Averroès (Mm Hoshd, né à Cordoue, l’an Ô20 de l’hégire) ne s’était détaché du fatalisme musulman, qui opprimait tout sous la Cause première, que pour se réfugier dans le déterminisme des causes secondes. La citation suivante caractérise l’esprit de son école.

La prédestination est la plus difficile des questions religieuses. Dans le Ko ru a, on trouve des passages qui paraissent dire clairement que tout est prédestiné, et d’autres qui attribuent ù l’homme une participation dans se-, œuvres. De même la philosophie paraît s’opposer d’un côté à ce que Dons regardions l’homme comme l’auteur absolu de ses œuvres, car elles seruient alors eu quelque sorte une création indépendante de la cause première ou de Dieu, ce que la philosophie ne saurait admettre ; de l’autre côté, si nous admettions que l’homme est poussé à tout ce qu’il fait par certaines lois immuables, par une fatalité contre laquelle il ne peut rien, tous les travaux de l’homme, tous ses efforts pour produire le bien, seraient chose inutile. Mais la érité e.-t dans le juste milieu entre les deux opinions extrêmes ; nos actions dépendent en partie de noire libre arbitre et en parte de certaines causes qui sont en dehors de nous. Nous sommes libres de vouloir agir de telle manière ou de telle autre ; mais notre volonté sera toujours déterminée par quelque cause extérieure. Si pur exemple nous voyons quelque chose qui nous plaise, nous y serons attirés malgré nous. Notre volonté sera donc toujours liée par les causes extérieures. Ces causes existent par un certain ordre des choses qui resle toujours le même et qui est fondé sur les lois générales de la nature. Dieu seul en connaît d’avance l’enchaînement nécessaire, qui pour nous est un mystère ; le rapport de notre volonté aux causes extérieures es ! bien déterminé par les lois naturelles, et c’est là ce que, dans la doctrine religieuse, on a appelé gada w’al qadr (S. Munk, Mélanges de Philosophie juive et arabe, Paris, 1859, p. 467, 458). Cette dernière définition est d’autant plus remarquable qu’Ihn Hoshd était pour son temps un libre penseur. Quand Averroès mourut, en 111)8, la philosophie arabe perdit en lui son dernier représentant, et le ti iomphe du Coran sur la libre pensée fut assuré pour au moins six cents ans » (Ernest Kenu : i, Averroès et V Averrotsme, Puris, 1881, p. 2).

(A. dr Vlirqbr, Kitàb al Qadr. Matériaux pour servir à l’étude de la doctrine de la prédestination dans la théologie musulmane, p. 92, 93. Leyde, igo3)

Le déterminisme panthéiste d’Averroès eut pour principal propagateur à Paris Sigru db Hha.ha.nt. Parmi les 1 3 propositions averroïstes condamnées le 10 décembre par Etienne Tempier, évêque de Paris, les prop. 3./|.g appartiennent à ce courant d’idées. On en trouve un plus grand nombre parmi les a 19 propositions condamnées le 18, janvier 1377 par le même prélat. Voir Dbniflk et Ciiatblain, Ckartnlarium Universitatis Parisiensis, t. I, p. / t 86 sqq., 543 sqq., Paris, 1889 ; Mandonnrt, Siger de Brabant et l’averrotsme latin au xni* siècle, Fribourg (Suisse), 1899.

Au xiv* siècle, Thomas Buadwardinb, théolo gien d’Oxford (7 Archevêque de Canterbury, 1 3^9), se crut appelé à prendre en main la cause de Dieu contre les l’élagiens de son temps. Il revendique L’universelle eflicæité de la Cause première dans un ouvrage intitulé : De causa Dei contra Pelagium et de virlnle causarum Libri III, Londini, 1618, fol. Certaines de ses propositions sonnent étrangement ; par exemple 1. I, c. xxxiii, intitulé : Quod 1 es ectu cuiuscumque est Dei permissio, est et dus volitio actualis, il conclut, p. 294 : Videtur quod Deus non quicr/uid vult, permittit. lmo, quicquid permi

quocuatque, vult illud fi cri ah code m. Et c.xxxiv, intIl Il lé : .Si et quomodo Deus vult et non vult peccatum, il écrit, p. -29’, : JJeus voluntarie providet attjue facit omnia opéra voluntarïa tam mata quam bona, cum omnibus suis circuinstantiis, positivis…, quæ uecessario peccatum important. D’après cette conception si concrète de l’universelle causalité divine, on ne s’étonnera pas de L’entendre, dans la matière de la prédestination, c. xlv, p. 421, reprendre les foi mules les plus hardies de saint Anselme sur la prédestination des créatures libres aux aeies soit bons soit mauvais. Mais il aboutit à des conséquences que saint Anselme eût désavouées, quand il admet la répiobation antécédente à la prévision des démérites, ibid., p. 4’jà’Reprobaiio non est propter opéra l’attira ; ergo née prædestinatio.

Un tel courant de pensée favorisait des erreurs que l’Eglise ne tarda pas à réprouver.

La distinction, classique dans l’Ecole, de deux volontés en Dieu, l’une positive, l’autre simplement permissive, suflisait à démasquer l’erreur quiétiste de Jean Ekard (prop. 14 condamnée par Jean XXII, 27 mars 132g ; l>.B., b ! [4-’|iJ), el le déterminisme de Wiglbf : Omnia de necessitate absolula éventant (prop. 27 condamnée par le concile de Consiance, 27 fév. 1 /| 1 8 ; D. rt., 607 [503]).

Dans l’ecclésiologie de Wiclef et plus tard dans celle de Jean Hus, l’idée de prédestination avait usurpé un rôle contre lequel protesta le Concile de Constance, 22 févr. i/|18. Au dire de ces hérétiques, les réprouvés n’ont jamais été membres de l’Eglise. Wiclef en concluait que la prière d’un réprouvé n’a jamais eu de valeur (levant Dieu (prop. 26, />. />'., 609 [502]) ; Uns, que L’Eglise, assemblée des prédestinés, ne saurait perdre aucun des membres qui lui ont une fois appartenu (prop. 1. 2. 3.5.6, D. B., 627-639 ; 631-633 [5aa-5a4 ; 526-527]). — Dans la langue de ces hérétiques, les réprouvés, par opposition aux pi aedeslinati, s’appellent præsciti.

Ces tendances de Wiclef et de Hus devaient achever de s’épanouir dans la Réforme.

Guillaume d’Oceah (O. M., -j- 1 3/J7), après avoir posé comme certain que nul n’est réprouvé sinon à cause de ses fautes prévues, raisonne a pari sur le cas du prédestiné. Il croit pouvoir admettre en thèse générale que les mérites prévus sont cause de la prédestination, mais il introduit une distinction inattendue. Si les élus en général sont prédestinés à raison de leurs mérites prévus, quelques-uns, telle la Sainte Vierge, sont prédestinés indépendamment de tout mérite, par une grâce très spéciale qui les empêche de pécher et de se perdre. Super IV libros Sententiarum, I, d. xli, Lugduni, 140, 5.

Mieux inspiré, l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ réédite la doctrine traditionnelle sur la gratuite de la prédestination divine III, lviii, 3. l et passim). Mais il détourne les tidèles de toute vaine recherche sur les jugements de Dieu. Il insiste sur les divines prévenances de la grâce III, xxxiv, liii-lv) et sur la sécurité de ceux qui correspondent à la grâce. Ainsi I, xxv, 2 : « Quelqu’un flottait souvent anxieux entre la crainte et l’espérance. Un jour,