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lion : « préparation des bienfaits divins » dans l’ordre surnaturel, depuis la grâce jusqu'à la gloire Inclusivement, La prédestination présuppose la prescience des bienfaits divins. D’ailleurs la prescience déborde ce domaine ; elle s'étend k tout le mal que Dieu certes ne fait pas, mais qu il laisse l’aire par La créature libre ; sur ce fondement s’appuie la réprobation, qui est la préparation du châtiment éternel pour les coupables. La réprobation présuppose lo mérite ; la prédestination ne présuppose aucun mérite, mais procède uniquement de la divine miséricorde. Sent., I, d. xl-xli, l'.l… CXCI1, 631-63a. Toute cette doctrine du.Maître des Sentences est prise de saint Augustin.

V. Lia tradition orientale, du Ve au IX" siècle.

La tradition des Pérès Grecs ne présente pas de

révolution comparable à celle qu’accomplit, dans la tradition latine, saint Augustin. Saint Jkan Chrysostomk avait inauguré la distinction féconde de deux volontés en Dieu : une volonté conditionnelle et une volonté absolument elfieæe. Commentant le début de l'épître aux Ephésiens, il dit, //o/n., i, P. G., LX11. 13 : « Dieu nousa prédestinés par l’adoption… selon le gré de sa volonté… Le gré, c’est-à-dire la volonté maltresse, Car il y a encore une autre volonté : la première volonté tend au salut des pécheurs ; la seconde tend au châtiment du péché ». EùSoxia zb

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Cette idée féconde sera reprise et développée par saint Jean D.v.MAscÈNB.qui distingue la volonté antécédente et de bon plaisir (npoiiyoùfiMvo » Sûni/ut îuct sùSoxia) et la volonté conséquente et permissive (Ijw'/tevw Our, y.y. yy.i r.'/ pyy/.i-ïr.Tu). Il en explique ainsi l'économie. De fide orthodoxa, II, xxix, P. G., XCIV, 968 C 969 B :

Il faut savoir que Dieu veut d’une volonté antécédente le salut de tous les hommes et leur entrée en son royaume. Car il ne no. 13 a pas créés pour le châtiment, mais pour la participation de sa bonté, vu qu’il est bon. Cependant il veut le châtiment des pécheurs, vu qu’il est juste. Donc sa première volonté s’appelle volonté antécédente et bon plaisir ; elle procède de lui ; la seconde s’appelle volonté conséquente et permission, c’est nous qui y donnons lieu. Elle est de deux sortes : soit économique et instructive pour le salut, soit réprobative pour le châtiment final, comme nous l’avons dit. Cela pour les chuses qui ne dépendent pas de nous. Quant aux choses qui dépendent de nous. Dieu veut les biens d une volonté antécédente et de bon plaisir. Le mal, réellement coupable, il ne le veut ni d’une volonté antécédente ni d’une volonté conséquente, mais il permet l’exercice du libre arbitre.

Même doctrine, Dialog. contra Manichæos, ijXxix. lux, P. G., XCIV, 1577-1580, où le Damascène en fait l’application à la prédestination. On lit également De fide orthodoxa, II, xxx, P. G., XCIV, 969 B-976 A :

Il faut savoir que la prescience de Dieu s'étend à tout, mais non sa prédestination. Il a la prescience de nos actes libres, non la prédestination. Car il ne veut pas le mal et ne contraint pas la vertu. Ainsi la prédestination est l'œuvre d’un or' ce de la prescience divine. Il prédestine ce qui n’est pas en notre pouvoir, selon sa prescience. Car d’avance, selon sa prescience. Dieu a tout prédéterminé, selon sa bonté et sa justice.

Mais il faut savoir que la vertu a été donnée par Dieu à la nature, qu’il est principe et cause de tout bien et que, en dehors >ie son concours et de son assistance, nous ne aurions vouloir ni faire aucun bien. Il dépend de nous de nous maintenir dans la vertu et de répondre à l’appel de Dieu vers la vertu, ou bien de déserter la vertu, c’est-à-dire de nous porter au mal et de nous attacher au diable, qui nous y

Tome IV.

appelle sans pouvoir nous contraindre. Le mal n’estque l'éloigneinenl du bien, comme l’ombre est l'éloigiiemenl do la lumière En suivant les indications delà nature, nous pratiquons la vertu ; en nous détournant do la nature ou de la vertu, nous allons contre la nature et nous plongeons dans le vice.

Au xiii* siècle, la distinction entre les deux volontés de Dieu, antécédente et conséquente, pénétrera en Occident. On la trouve notamment chez Albert lb Grand, In l d, , 46 art. 1 ; chez saint Bonavbnn un, /// / (/., 47 art. 1, q. 1 ; un grand nombre de fois chez saint Thomas.

Ne nous arrêtons pas à recueillir, chez les exégètes byzantins Œcumbnius et Théoi’iiylacte, un écho de saint Jean Chrysostome. Mais il n’est pas indifférent de demander à Photius (-f- 891)une synthèse delà tradition grecque. Nous traduirons Hergenrokthkr, PhotiuSft. 111, p. 572-575, Kegenshurg, 1869 :

« Piiotius ne connaît pas de prédestination sans égard aux mérites de l’homme et à la prescience divine. Cela ressort d’assertions nombreuses. Il dit, par exemple, après Théodoret : « Comme Jacob engendra le peuple, ainsi Dieu engendre, par un enfantement spirituel, le peuple nouveau et lui donne part de la bénédiction ; — non à tous, niais à ceux qui s’en sont rendus dignes Jacob donne sa bénédiction à ses fils sans partialité : il laisse leurs propres mérites décider du partage de la bénédiction. « Ailleurs il s’exprime ainsi : « La béatitude se rapporte dans l’Ecriture, surtout dans l’Evangile, non pas à une nécessité inéluctable, mais au libre cboixdu meilleur. » LeSauveur, énumérant plusieurs béatitudes, n’en accorde aucune aux choses dont décide le sort, le hasard ; il les rapporte toutes à ceux qui portent des fruits de verlu et croissent par leur propre choix. Et encore : « Dieu a préparé des vases de miséricorde pour l’honneur, comme étant celui qui les connaît d’avance et sait qu’ils pratiqueront la vertu. » Plus loin : « Nous obtiendrons sûrement le salut de Dieu, pourvu que nous le voulions. » Sur II Cor., v, ao, il note : « Il nous faut être obéissants, autant qu’il dépend de nous, sous peine de perdre et de profaner cet amour et cette bonté ineffables dont nous avons été favorisés. Paul demande au nom du Christ que nous ne rendions pas stérile, de notre part, une si grande grâce. »

« Partout les doctrines saillantes des Grecs sont fortement marquées. 1. Dieu ne contraint personne au bien ni au mal, mais laisse à chacun sa liberté. Le libre arbitre de l’homme n’est jamais violenté par Dieu ni supprimé par l’efficacité de sa grâce, a. Aussi la grâce de Dieu n’est-elle pas irrésistible, l’homme peut l’accepter ou la repousser ; tout dépend de son consentement. 3. Iln’y a pas de prédestination divine au mal, et celui-là seulest damné, qui ne veut pas être sauvé. En somme, il n’y a pas de prédestination (npoopn/j.iç) absolue avant la prévision des mérites ; la prédestination n’est rien d’autre que le décret de Dieu par lequel il a prédestiné à chacun, selon sa prescience (npo’yvwaiç) la récompense ou le châtiment. 4. Dieu prévoit nos actes libres, il ne les prédestine pas ; la prescience divine s'étend à tout, rnaisnonpas sa prédestination. Jacob fut honoré, Esaù châtié parce que Dieu, devant qui tous les secrets et toutes les pensées sont découverts, sait exactement qui mérite récompense et qui mérite châtiment. 5. Dieu veut, de soi, le salut de tous (I Tim., 11, 4), il veut que tous soient heureux et que nul ne se perde(volonté antécédente) ; mais en prévision des actions des hommes, il veut, d’après sa justice, que ceux qui n’usent pas convenablement de la grâce et persévèrent dans le mal, subissent un châtiment ; que ceux qui réellement veulent être heureux et coopèrent à la grâce

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