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PREDESTINATION

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enveloppe ses élus. Il ne faut pas craindre de prêcher ce mystère de l’adoption divine, iii, 5, 654 B.

La prédestination est immuable, quant à chacun de ses détails et quant au nombre des personnes. Nul ne saurait manquer à l’appel etnul ne saurait y parvenir en surcroît. Elle s’étend d’abord à la glorification des élus, à qui Dieu destine une couronne de justice ; elle s’étend secondairement au châtiment des coupables, dont les fautes, sans être prédestinées, sont pré vues, v, 7, 655.

On entend dire parfois : Si nous sommes prédestinés, rien ne sert de veiller ni de prier, car de toute façon nous parviendrons au terme. Déplorable raisonnement, par lequel on se met précisément en dehors du courant de la grâce et de la prédestination. Car la prédestination a pour effet de nous porter à Dieu par les œuvres bonnes, vi, 9, 650. Ainsi l’entendait l’Apôtre, qui affirme énergiquement la prédestination et se garde bien de conclure au fatalisme, vin, 1 a, 658. Ainsi l’enseigne le livre de la Sagesse (Sa p., viii, 1 ; vii, a4), décrivant l’opération indéfectible de Dieu, ix, 13, 658.

Ces considérations unilatérales sur la prédestination n’éclairent pas beaucoup le mystère de justice divine qui s’accomplit sur les pécheurs. De fait, Fulgence restreint expressément l’enseignement de saint Paul (I Tint., ii, 4) touchant l’universalité de la volonté salvifique. Sur ce texte, l’exégèse de saint Augustin avait beaucoup oscillé (Voir ci-dessus, col. a13). L’évêque de Ruspe le prend d’emblée au sens le plus sévère, en excluant positivement de la miséricorde et de la grâce toute une partie du genre humain, ix-xni, i^-aa, 65g-663.

Entre les extrêmes opposés, représentés respectivement par Fulgence de Ruspe et Fauste de Riez, saint Cksairkd’Arlbs, véritable héritier de la tradition augustinienne, allait, de concert avec le pape Félix IV, fixer renseignement de l’Eglise. Ce fut l’œuvre du 11e concile d’Orange (539). — Sur toute cette controverse, on peut consulter avec fruit A. Malnory, Saint Césaire d’Arles, p. 14a-154, Paris, 1894.

Reprenant l’enseignement des papes Zosime et Célestin, le concile d’Orange affirme le rôle de la grâce prévenante dans la préparation de la volonté ; il précise la différence entre l’attitude de l’homme devant le bien auquel il est porté par la grâce et le mal auquel il se porte par sa propre volonté. La sanction du pape BonifagbII (25 janvier.531) devait revêtir cet enseignement d’un caractère infaillible.

Nous citerons deux canons d’Orange :

Can. i’i(D. H., 196 [166]) : Suain voluntatem homines faciunt, non Dei, quando id quod Deo displicet ; quando aulem id faciunt quod volant, ut divinae serviant voluntati, quamvis volentes agant quod agunt, illius tamen voluntas est a quo et præparatur et iubetur quod voltinl.

Can. a5. II suffira de quelques mots (D. B., aoo I169]) : Aliquos vero ad malum divina polestate prædestinatos esse, non solum non credimus, sed etiam, si surit qui lantuin malum credere velint, cuni omni deteslntione illis anathema dicimus.

Ces deux canons flxaientlesborr.es de la doctrine. La prédestination est essentiellement une grâce, et il va de soi que la grâce divine ne peut porter qu’à tout bien. Le mal que fait l’homme, procède de sa volonté, non d’aucune prédestination.

L’idée d’une prédestination ad malum culpæ est hérétique. Il n’en va pas de même de la prédestination ad malum poenae, qui peut s’entendre en un sens orthodoxe. Cette formule peut s’autoriser de quelques exemples, d’ailleurs exceptionnels, chez saint Augustin. D’où la doctrine d’une double pré destination, qu’on trouve notamment, au vne siècle, sous la plume de saint Isidore db Skvillb, Sent., 11, 6, P. /.., LXXXII, 606 : Gemina est prædestinatio sive electorum ad requiem sive reproborum ad mortem. V traque divino agitur iudicio, ut semper electos superna et iuteriora sequi faciat, semperque reprobos ut inftmis et exterioribus delectentur deserendo permittat.

En rendant témoignage au dogme de la prédestination, la liturgie de l’Eglise dicte l’attitude pratique duchrétien.Une oraison très ancienne, récitée comme secrète aux messes de carême, s’exprime ainsi :

Deus, cui soli cognitus est numerus electorum in superna felicilate locandus, tribut quæsumus ut, intercedentibus omnibus sanctis fui », universorum quns in oratione commendatos suscepimus et omnium /idelium nomina, beatæ prædestinationis liber adscripta retineat.

D’où il suit qu’il y a deux manières d’être inscrit au livre de la bienheureuse prédestination. Y sont inscrits en fait, à titre définitif, ceux qui achèveront leur vie dans la grâce de Dieu. Y sont inscrits en droit, à titre provisoire, ceux qui, possédant actuellement la grâce de Dieu, sont désignés pour entrer dans la gloire s’ils persévèrent. Mais leur persévérance ne peut être que l’œuvre de la grâce, et il y a lieu de la recommander à Dieu.

Au déclin du vm B siècle, l’Eglise d’Espagne fut troublée par les mêmes sophismes qu’Augustin dénonçait dans le De prædestinatione sanctorum. Les uns, faussant la portée de la prédestination, disaient : A quoi bon faire effort pour le bien, si tous nos actes sont d’avance réglés par Dieu ? D’autres au contraire, animés d’un esprit pélagien, disaient : A quoi bon prier Dieu pour obtenir la victoire sur la tentation, s’il dépend de notre volonté de la repousser ? En 785, le pape Hadrikn I er écrivait aux évêques d’Espagne, en empruntant les paroles d’un fidèle disciple d’Augustin (/). B., 300 [a51]) : lllud autem quod aliiex ipsis dicunt, quod prædestinatio ad vitam sive ad mortem in Dei sit potestule et non noslra ; isti dicunt : « Vtquid conamur vivere, quod in Dei est potestate ? » Alii intérim dicunt : « l’tquid rogamus Deum ne vincamur tentatione, quod in nustra est potestate, quasi liberi arbitrii ? » lie vera enir.i nullam ratiunem reddere vel accipere valent, ignorantes B. Fulgentii verba… Opéra ergo misericordiae ac iustitiæ præparavit Deus in aeternilate incommutabililatis suae… præparavit ergo iustificandis hominibus mérita ; præparavit iisdem glorificandis et præmia ; malis vero non præparavit voluntates malas aut opéra mala, sed præparavit eis iusta et aeterna supplicia. Hæc est aeterna prædestinatio /uturorum operum Dei, quam, sicut nobis apostolica doctrina semper insinuari cognoscimus, sic etiam fiducitiliter prædicamus. » On reconnaît ici l’esprit du concile d’Orange, opposant expressément les dispositions de la miséricorde divine pour le salut des hommes et les dispositions de la justice divine pour le châtiment des damnés à l’abstention de Dieu en face du mal moral.

L’épisode le plus marquant, mais aussi le plus confus, des controverses prédestinatiennes appartient à l’histoire du ix° siècle et se rattache au nom de Gotescalc.

Gotescalc, fils d’un comte saxon, fut élevé à l’abbaye de Fulda et, de bonne heure, devint moine ; mais il ne tarda pas à vouloir quitter l’habit monastique et porta sa requête devant un synode de Mayence (829). Il obtint gain de cause ; néanmoins, le nouvel abbé, Raban Maur, ayant fait appel, Gotescalc fut retenu et envoyé à l’abbaye d’Orbais, près Soissons. Là il étudia les Pères, surtout saint Augus-