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PRÉDESTINATION

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6ente le N.T. (et dont 5 sur 6 appartiennent à saint Paul) visent un décret divin, qui intéresse directement l’œuvre de la Rédemption. Des 5 exemples pauliniens, l’un(I Cor., 11, 7) se rapporte à la Rédemption considérée dans son ensemble ; les 4 autres se rapportent à sa mise en œuvre particulière, au bénéiice de tel ou tel Adèle. Aucun ne vise directement la prédestination de tel ou tel fidèle à la gloire. Quant aux 7 exemples de ip’~o>, 6 visent également un décret divin, et 5 d’entre eux un décret de la Providence surnaturelle. Dans 4 (et en particulier dans l’unique exemple de saint Paul), la Rédemption est intéressée. Pas plus que dans les exemples de npoopéÇu, on ne rencontre d’allusion directe à la prédestination de tel ûdèle, à la gloire.

Passons aux trois actes divins compris dans l’ordre de l’exécution.

L’appel dont parle l’Apôtre — tattcnv — est ici, comme toujours, l’appel efficace à la foi, le seul que connaisse saint Paul. Ce point ne doit faire aucune difficulté ; il nous procure le plaisir de trouver le R. P. Allô d’accord avec le R. P. Prat.

Prat, t. I 7, p. 289 : « On sait que, pour l’Apôtre, la vocation est toujours l’appel ellicace à la foi. Les appelés (*brro{) sont ceux qui ont répondu de fait à l’appel de Dieu. C’est donc à peu près synonyme de chrétiens, mais avec une allusion aux prévenances divines. La distinction de deux classes d’appelés, dont les uns viennent et les autres ne viennent pas

— distinction qui peut s’autoriser de la parabole évangélique des invités dans saint Matthieu, — est tout à fait étrangère à l’usage de Paul. Pour lui, tous les appelés le sont nécessairement selon le propos, c’est-à-dire selon le dessein bienveillant de Dieu, parce que le propos (npiScets), tel qu’il l’entend, a pour objet la collation de la grâce sanctifiante et non pas, au moins directement, celle de la gloire céleste. Il s’ensuit qu’en ajoutant : « ceux qui sont appelés selon le propos », il n’entend ni limiter ni restreindre son assertion précédente, mais qu’il exprime seulement le motif de la bienveillance divine envers tous ceux qui aiment Dieu : ce motif est l’appel à la foi dont ils ont été favorisés. » — Cf. Rom., 1, 6.7 ; I Cor., 1, 2.a4 ; R Pet., 1, 10 ; lai., , 1 ; Apoc., xvii, 14.

Le P. Allô commente 1 l’et., 1, 1.2 : Uézpoi « ttotts/ ;  ;’Ir^vj X/9<stoù èx’/txTOîi… x.a.t’v. npéyvuaw 0sçv ria-r^-Jç, et il écrit, l.c, p. 268 : « Le mot’sxXtxroi, -… à part une distinction de raison, est absolument identique à*Wrc/, appelés. Saint Paul, saint Jean, emploient ces deux termes dans le même sens (Rom., viii, 33 ; II Tint., n, 10 ; Tit., 1, 1 ; I Pet., 11, 9 ; II r*., ! , 13), et l’Apocalypse, dans son style redondant et plein de synonymes, appellera les fidèles x’/r-oi zai èx)-xTol xv.i mororf. (Ap., xvii, 14)… »

A merveille. Aussi bien retrouvons-nous ici la conclusion déjà acquise par une autre voie ; lesxvvjToi xv.iv. r.y’.Oiai- ; dont parle l’Apôtre sont tous les élusde la foi, niais non pas tous, nécessairement et sans déchéance possible, les prédestinés de la gloire.

Par iStxatonv, saint Paul désigne le travail de la grâce sanctifiante, acquise au baptême et opérant par degrés la conformité du fidèle avec le Christ. Rom., iii, 24 ; xii, a ; II Cor., iii, 18 ; Gal., iv, ig. — Saint Jean Chrysoslome, In Rom., flom., xv, P. G., LX, 5n.

Par JJc’faw, il désigne le don de la gloire, considéré soit dans son terme auciel, soit dans son principe, la grâce sanctifiante. Les deux points de vue ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, et l’on peut trouver chez l’Apôtre la justification de l’un et de l’autre. C’est la gloire consommée au ciel qu’il avait en vue, Rom., viii, 18.21, etc., mais ailleurs il a en vue la gloire en germe dans la grâce, II Cor., iii,

8. g. 10. 11. 18, etc. Du premier point de vue, l’aoriste se justifie par une légitime anticipation fondée sur les dons de Dieu et ses promesses. Du second point de vue, il se justifie immédiatement comme pour tous les termes de la série : irpti/vu, -npoùpiiiv,

txy.JfSCVf ÉilXKl’wTSV.

En résumé, saint Paul s’adresse aux fidèles, et, en leur proposant l’espérance de la gloire céleste, les invite à remonter au principe des œuvres divines :

de la gloire promise à la grâce, germe de la gloire ; de la grâce à l’appel eflicace de Dieu qui la leur

procura ;

de l’appel efficace à la prédestination qui prépara

cet appel ;

de la prédestination à la prescience qui la dirigea.

Le contexte immédiat montre que cela s’adresse à tous, Rom., viii, 32.33.

Il n’est en effet aucun chrétien qui ne puisse s’appliquer à lui-même la série complète de ces pensées. Car l’héritage du salut est offert à tous. L’espérance qui, selon saint Paul (Rom., v, 5), ne confond pas, leur montre la gloire comme un bien à prendre, et dont ils possèdent déjà les prémices par la grâce de l’adoption. La grâce de l’adoption, avec tout ce qu’elle renferme de promesses, est l’objet propre de la prédestination dont parle saint Paul. Cette prédestination se présente donc comme absolue quant à son terme immédiat, qui est la grâce ; quant à son terme ultérieur, qui est la gloire, le mystère ne sera dissipé qu’au jour des suprêmes révélations.

Ces explications un peu longues, sur la doctrine de la prédestination dans le N. T., nous ont paru nécessaires pour déblayer le terrain et appuyer tout ce qui suit.

Ajoutons que l’épître aux Philippiens (îv, 3) mentionne le Livre de vie ; cette expression.donl l’Evangile offre l’équivalent (Luc, x, 20), revient dans l’Apocalypse (ni, 5 ; xiii, 8 ; xvii, 8 ; xx, 12. 15 ; xxi, 27), avec une différence. Saint Paul a en vue des fidèles encore vivants ; saint Jean a aussi en vue des morts, en qui le mystère de la prédestination s’est consommé.

IL Les premiers Pères. — Dès le N. T., est apparue l’antithèse entre l’assertion dogmatique de la Prédestination et l’exhortation pratique à s’en assurer le bienfait par de bonnes œuvres. On a entendu chez saint Paul l’assertiondogmatique ; voici l’exhortation pratique, chez saint Pierre. II Pet., 1, 10 : « Efforcez-vous, mes frères, d’assurer votre appel et votre élection… »

Tout près de l’âge apostolique, le Pasteur d’IlKRmas fait écho à cette exhortation en promettant aux fidèles que, s’ils font vraiment pénitence, ils auront leurs noms écrits auxlivres dévie. Vis., i, 3, 2 ; Sim.,

», 9 La donnée scripturaire devait subir maintedéformation. La première en date est imputable à la gnose qui, outrant au sens fataliste le mystère de la prédestination, divisait l’humanité en trois classes. En haut, les hommes pneumatiques (spirituels), prédestinés au salut. En bas, les hrliqitcs (matériels), prédestinés à la damnation. Entre deux, les psychiques (animaux), abandonnés à leur libre arbitre. Voir saint Irénkb, Ilær., I, vi, 1. a, P. G., VII, 504-505.

Diverses tentatives se produisirent en sens contraire, cherchant à supprimer ce choix divin qui semble marquer les hommes dès le sein maternel pour le salut ou la damnation — qu’on se rappelle Liom., ix. Pour conjurer ce scandale, Orkjknk recourut à l’hypothèse de mérites ou de démérites acquis dans une vie antérieure. Pcriarchon, II, vm ; ix, 6,