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PRÉCOLOMBIENS (AMÉRICAINS)

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City ; cf. un bas-relief de Menche) ; tels bien d’autres faits encore. On pourrait, par exemple, établir de notables rapprochements entre les idoles de pierre du Yucatan, et surtout duPeten.et celles du Mexique ; on pourrait montrer combien hiérarchisée était l’organisation de la classe sacerdotale, de ces baiam » ma vas dont les plus réputés étaient les devins ou Ah kilts ou Chilans ; on pourrait aussi constater cher les Mayas Qu’ichés l’existence de sorciers à côté de prêtres. Jusquedans l’évolution, dans les progrès du calendrier, si important au pointde vue religieux, se manifeste une influente mexicaine.

Ainsi se justifie le rattachement, fait par plus d’un fendit, par plus d’un américaniste ou d’un ethnologue religieux, des religions mayas-qu’ichés aux religions du pays qui en limite le domaine immédiatement au Nord.

4. Lus fkuplks ctiiBCUAS. — L’iniluence mexicaine s’est-elle fait sentir au sud du domaine ethnique des Mayas-Qu’ichés ? La retrouve-t-on jusque dans les parties les plus étroites du Centre-Amérique, chez les plus septentrionaux de ces peuples chibehas qui (leurs langues en font la preuve) ont habité le Costa-Bioa et l’isthme de Panama, la Colombie, l’Ecuador, et mêmes les côtes du Pérou jusqu’à Guyaquil ? On ne saurait l’affirmer. On constate, il est vrai, chez cesGuetares du Cosla-ltica dont nous connaissons si mal le panthéon et les pratiques religieuses, la coutume des sacrifices humains. Ces sacrifices humains étaient exécutés comme au Mexique sur un tumulus que surmontait une pierre de sacrilice, suivis par la présentation du cœur de la ou des victimes à la divinité, et terminés par un repas dont la chair des immolés constituait la base. Ce sont là des similitudes qu’il faut enregistrer, mais dont il est prudent de ne pas tirer de conclusions à l’heure actuelle. Dans tous les cas, si on les constate au Costa-ttica, dans cette péninsule de Nicoya dont Oviboo, après l’avoir visitée en 15ao, , a trop brièvement décrit l’état social, plus au sud, tout est indéniablement nouveau.

C’étaient des populations de mœurs douces et paisibles que celles du Chiriqui et du Darien. Elles semblent n’avoir eu ni idoles ni temples. Elles avaient une peur terrible des tyræs ou « esprits » qui, au témoignage de Cieza dr Léon, habitaient en troupes certaines parties de la contrée. Leurs sorciers se disaient possédés par un esprit, et celui-ci parlait par leur bouche. Ces sorciers, à défaut des prêtres qui leur manquaient sans doute comme des idoles et des temples, exigeaient-ils parfois des indigènes de la contrée qu’ils fissent violence à leurs instincts naturels et pratiquassent, eux aussi, des sacrifices humains ? Nous l’ignorons. Il y a là, dans nos connaissances, un véritable hiatus au point de vue de l’ethnologie religieuse, un fossé qui sépare nettement les peuples qui vivaient plus au Nord de ceux qui habitaient au Sud de l’isthme de Panama.

De ces derniers, les plus proches de l’isthme de Panama étaient (on l’a vu plus haut) des Chibehas, comme les Indiens du Chiriqui et du Darien. On peut tous les grouper autour des plus représentatifs et en même temps des plus civilisés d’entre eux, autour des Chibehas qui habitaient, en plein cœur des Etats-Unis de Colombie, le plateau de Bogota.

Ceux-ci allirmaient tenir leur civilisation entière d’un hérosqu’ils plaçaient au début de leur histoire : un vieillard venu de la Sierra de Chimalapa, Bochica, et envoyé auprès de leurs lointains aïeux par un dieu créateur, Chiminijagua, dont nous ne savons que le seul nom. Ce vieillard aurait enseigné aux incultes habitants de la vallée du Funza ou rio de Bogota à se vêtir, à se bâtir des cabanes, à vivre en

j société ; il leur aurait donné des institutions poli t Il ques et des lois : il aurait institué parmi eux le culte

du soleil. Tantôt les Chibehas du plateau de Bogota

i faisaient de Bochica une incarnation du soleil dont ! celui-ci leur avait enseigné le culte, tantôt aussi le soleil lui-même ; ils le représentaient luttant contre les démons, en particulier contre Chibchacum, qui, une fois vaincu, fut condamné à porter la terre sur ses épaules ; ils le représentaient encore châtiant les méchants, a débuter par sa femme, la belle et perverse lluay thaca, cpie ses méfaits obligèrent Bochica à chasser loin de la terre et à convertir en l’astre lunaire.

Avec quelques autres noms de Bochica et de Huaythaca, voilà tout ce que nous connaissons de la mythologie chibeha, ou du moins de celle des Indiens qui habitaient le plateau de Bogota. Nous ne sommes guère mieux renseignés sur leurs rites. On sait cependant que les Indiens du Bogota honoraient leurs dieux dans des temples, dont l’un des plus réputés était celui du Soleil à Sogamozo. Les Chibehas de Bogota plaçaient-ils dans ces temples des représentations anthropomorphes de leurs divinités ? On ne peut pas le dire. Un auteur suspect parle de la figuration, dans la procession qui conduisait le guésa au lieu de son immolation, de Bochica et de Chia, sa femme ; de celle aussi de Fomagata, le symbole du mal, par un monstre pourvu d’un œil, de quatre oreilles et d’une longue queue ; mais qu’en conclure ? On sait encore que les Indiens de Bogota offraient des sacrifices à leurs dieux dans différentes circonstances, brûlaient des parfumsen leur honneur, leur présentaient de l’or et des émeraudes, etc., et même que, parfois, ils leur immolaient des victimes humaines.

Le principal de ces sacrifices était, au début de chaque période quindécennale, celui d’un jeune homme de quinze ans, le guesa ou qhica, qui, après avoir été élevé avec beaucoup de soin par les prêtres jusqu’à l’âge de dix ans, était promené par eux et parcourait les chemins naguère suivis par Bochica (de là son nom de guesa, « errant »), jusqu’au jour où il périssait, tué à coups de flèches, et où, aussitôt après, de sa poitrine ouverte, on arrachait son cœur pour en faire offrande au soleil, à Bochica. Par ce sacrifice se trouvait marqué le début d’une ère nouvelle ; de là encore le nom de « porte » (qhica) donné à 1’  « errant ».

L’observance de ces rites, l’établissement du calendrier chibeha (dont d’ailleurs nous ne savons rien), l’éducation du guesa, telles étaient, à notre connaissance, les principales fonctions des prêtres ou xequet. Ceux-ci obéissaient à deux grands chefs héréditaires, le zaque et le zipa, qui semblent bien avoir été de véritables « souverains-pontifes » ou des « rois-prêtres », sinon même des « rois-dieux », caries textes espagnols les montrent exerçant simultanément l’autorité civile et l’autorité religieuse, subissant dans leur enfance et leur adolescence, au fond d’un temple, un véritable noviciat, et traités après leur sacre, non pas seulement comme des souverains absolus, mais comme des personnages sacrés et même quasi-divins. Leurs sujets ne pouvaient pas les regarder en face ; Bbsthepo-Tirado prétend que la salive du zipa était sacrée et que certains personnages de sa suite étaient spécialement chargés de la recueillir, pour qu’elle ne tombât pas à teire. L’intronisation du zipa, avec cette curieuse cérémonie de l’offrande « au démon qu’ils [les Chibehas du plateau de Bogota] considèrent comme leur dieu et seigneur » qui a dû donner naissance à la légende de 1’  « homme doré », El Dorado, est également une preuve du caractère quasi divin de ce cacique.