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PENITENCE

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en dehors d’eux, la confession publique des péchés secrets n’est mentionnée, dans les documents des premiers siècles, qu'à titre soit d’expiation surcrogatoire à proposer au pénitent par le confesseur qui le jugerait à propos (Origknu, / « Ps., xxvi, Jluin., ii, 6. A G, XII, 1386 A-B), soit d’abus intolérable et rigoureusement condamné par le pape saint Léon (/ ; /'., OLXviii, 2, P. /-., LIV, I211). Sur le fait même de la confession publique, cf. B. KuBTscuaiD, O. M. : /)fls lieichlstegel, p. 3-16 ; Freiburg i. B., 191a.

133. — Reste donc le fait île la pénitence publique imposée pour les fautes secrètes. La réalité eu a été contestée. Seults les fautes publiques ou publiquement dénoncées en auraient fait encourir la peine. Les autres auraient toutes été traitées par la pénitence exclusirement privée.

Mais réduire ainsi le domaine de la pénitence publique, c’est, semble-t-il, aller à rencontre de faits très réellement avérés, pour autant du moins que l’on prétend étendre aux premiers siècles un usage et une distinction qui ne se sont établis et généralisés que plus tard, à partir du v" siècle surtout.

Saint Augustin sans doute pose nettement le principe : si la faute est secrète, il faut reprendre le pécheur en secret ; mais ilfaut le reprendre en'[>ublic si la faute est publique (Senno Lxxxiii, 8, P. /.., XXXVlII, 519 Cf. jE'/)., cliii, 6 ; /*./.., XXXin, 055). C’est la pratique que semble attester le canon 32 du concile de Carthage de 897 : la réconciliation d’un pécheur se fait devant l’abside, en présence de tout le peuple, quand sa faute a été publique et notoire.

Mais ailleurs, vers la même époque et surtout aux époques antérieures, c’est l’usage contraire qui se constate.

Non pas — et la remarque, déjà faite, ne saurait être trop souvent rappelée — non pas qu’aucune catégorie de péclu’s exclue absolument, en cas de faute secrète spontanément avouée, la possibilité d’une dispense ; nous avons vu le contraire Le pénitencier reste toujours le juge souverain de la peine à imposer ; les canons pénitenliels, là même où leurs tarifs sont le plus minutieux, font réserve de ce droit fondamental.

Mais, même ainsi ramenés à leur valeur réelle de simples directoires, ces canons attestent l’usage de traiter les péchés secrets par la pénitence publique. Des péchés telsque ceux dontparle saiutBAsiUidans ses canons a et 'j ne se commettent guère qu’en secret (P. 6"., XXXII, 672 A. 6^3 C) ; dans ses canons 61. 63.65. il prévoit expressément la pénitence publique pour des fautes secrètes spontanément avouées (P.' » '., XXXII, 800'). Les canons 16 et ai du concile d’Ancjre (314) édictent do même, sans aucune distinction du cas de publicité, des pénitences plus ou moins loiLgues pour des fautes, vols, péchés contre nature, adultères, avortements, qui de leur nature sont plutôt secrètes (Lauciikht, Die Kanones der ivichtijfsten atHrchlicheii Concilieii, p. 33-34).

134. — D’autre part, la pénitence que prêche saint Ambroisb est essentiellement la pénitence jMiblique. Le tableau qu’il en fait, pour montrer la dureté des Novatiens. qui n’en admettent pas l’elficacité, est celui d’un pénitent qui n’a que des fautes secrètes : « Aj quis occulta criinina habetis, etc. » (De pæn., I, xvi, go - xvii, 93, P./.., XVI, 493-4y5). Luimême se plaintqu’un Iropgrand nombre de pécheurs, après avoir demandé la pénitence par la confession, reculent devant la honte de la cérémonie publique : I. l’Ieriqiie… pae/iitcnliam pétant et, cutn acceperint, puhlicæ siipplkntionis revacanttir pudore » II, ix, 86, P.l.., XVI, bi-j). Il leur reproche comme une prétention intolérable de vouloir être admis à la communion, absous, dès qu’ils ont fait leur demande de

la pénitence, leur confession : « Nonnutli iJeo poscunt pacitilentiam ut statiiii sibi reddi communionem vcluit B (lbid., 87).

A Barcelone, saint Pacirn demande de même qu’on se confesse des péchés les plus secrets et qu’après on se soumette sans fausse honte à leur expiation publique (ParænesU ad pænit., vni. ix. XII, P. A., XlIl, io86-io89).

Publique aussi est la pénitence dont Origi^nii dit qu’elle comporte la confession courageuse au prêtre du Seigneur (/ « l.ev., Uom., 11, 4, P.G., XII. 418) ; mais les fautes, dont il reprend ensuite que la confession en préviendra la dénonciation par le démon au jour du jugement (/ « l.ew, Uoni., ii, l, P.G., XII, 429), sont plutôt des fautes secrètes.

Publique encore la pénitence de Tektullien. La préoccupation de tenir ses fautes cachées la fait redouter ; mais vaut-il donc mie.ix, demande-til, se damner en demeurant caché, que d'être absous au grand jour ? « An iiielius est Jamnatnm latcie quant palam abmlfi ? » (Pænit., X, 8).

La pénitence enfin qui rebute les femmes dont parle saint Irénée, est une pénitence publique. Il le dit en propres termes pour celles qui s’y sont assujetties : at' txiv xxï ti^ çwjipôv i^ofioÀcz/oùvrai ; cette exomologèse publique doit s’entendre en elfet tout au moins delà pénitence publique. Et il ajoute que, si les autres demeurent en suspens entre l Eglise et l’hérésie, c’est pour n’avoir pas eu le courage d’en faire autant (//ae ; e.s., I, xiii, 2, J'.C, VU, 692).

ISS. — - Il ne paraît ilonc pas contestable qu’aune certaine époque et sur certains points il ait été courant d’imposer à certaines catégories de pécheurs une pénitence de nature à les faire soupçonner tout au moins d’avoir commis des fautes graves. On n’en disconvenait pas : se soumettre à la pénitence, c'était s’allicher publiquement pécheur : « Ut puhlicaliiineni sui… dijl’ugiunl aut di//eruid », remarque ïuiitullikn (Piiinit., X, 1). Mais on engageait les pécheurs à |)asser outre. Voir Paciun, l’aenit., viii, /-*./.., Xlll, 1086 C, reprenant la parole de Terlullien ; saint Ambkoisr, Pænit., II, x, 91 yS, P.L., XVlj-ôig.

136. — Cependant cette manière même d’exhorter à la pénitence pubUipie en fait ressortir le caractère : personne, en cas de faute secrète, n’y était assujetti malgré lui. Chez certains, la répugnance paraissait invincible. L’insistance du confesseur n’eût servi qu'à les surexciter et à compromettre le bien général en les jetant hors d’eux-mêmes : « in aliurum perniciem ad majarem insaniani incitari », dit saint Augustin (Ep., cmi, 21, P. /., XXXIII, 663). Saint jEANCuRYsosroME regrettaitqu’en bien descas on eût ainsi perdu les âmes, et il recommandait au prêtre, au lieu d’appliquer à tous le même tarif péuiteneiel, de savoir, à l’occasion, relâcher de la sévérité commune (De Sacerdi>tio,. ii, ii-iv, P. C.XLVIU, 635, et cf. S. Grkg. dk Nyssk, Ep. can., i, P.G., XLV, 224 A).

Ainsi présentée et acceptée, la pénitence publique |)eut donc fournir la preuve de la rigueur plus grande avec laquelle on jugeait et l’on faisait exi)ier le péché ; mais le consentement qu’y donnait le pénitent empêche d’y voir une violation proprement dite du secret de la confession.

137. — La comparaison classique du confesseur et du médecin rend déjà vraisemblable que le confesseur était tenu au secret ; mais les écrivains des premiers siècles nous en donnent aussi l’assurance formelle.

Origène veut que le médecin dont on fera choix pour son àme soit un homme prudent et sage ; on devra le laisser juge de l’opportunité de publier la faute confessée ; mais le caractère exceptionnel de

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