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PÉNITENCE

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114. — Le modèle, au contraire, de celle confession permet d’y saisir sur le vif l’intervention de rUonime. Pour saint Jean Chrysoslome, en effet, comme pour tous ceux qui parlent alors de la confession au prêtre, c’est la confession de David qui en est le type tout indiqué. Ausiii la met-il sous les yeux du pécheur, mais avec une insistance toute particulière sur le rôle qu’y joue le délégué de Dieu. Le prophète Nathan est le médecin chargé de porter le remède du péché.

Dieu lui envoie donc le prophète Nathan : le prophète vientau pio|jhèle. Ainsi fail-on pour les médecins. Quand l’un d’entre eux est malade, il n besoin d’un confrère. De même ici : le pécheur est un prophète, et c’est un prophète qui lui apporte le remède.

Or, le remède, c’est l’aveu. Il est fait à Dieu, mais c’est Nathan qui le reçoit. Sa délicatesse à le provoquer rappelle d’ailleurs celle que conseille le traité sur le Sacerdoce : pas de brusquerie ; il ne faut pas heurter le prince « 'lv « f^h àvxi^yj-jTdTspiv air'.-j àTiif/KiiTt". » Et quand l’aveu est fait, quand la parole accusatrice est enfin prononcée, c’est encore le prophète qui y répond par l’assurance du pardon. Il Nathan lit l’opération » (i/jio', J !  : /r, : z), dit à ce propos Aslerius d’Amasée (In Ps., vi, P. G., XL, 45 ; D). Saint Jean Chrysostome relève plus encore cette activité personnelle de l’envoyé divin ; les paroles qu’il lui prête sont toutes à la iiremière personne :

Kt Nathan lui répond : Le Seigneur lui aussi t’a remis ton peclté [Il Heg., tu, 13]. Tu t’es condamné toi-même, et moi je te remets ta peine ; lu as loyalement confessé ton péché, lu l’a » effacé ; tu l’es infligé une peine et mai j ai rapporté la sentence (De pæn., Hom., il, 2, /'. G., XLIX, 286, 287).

Dans ce tableau scripluraire delà confession à Dieu, pouvait-on mettre en plus vive lumière le confesseur humain ?

113. — On le voit donc : tous les traits sous lesquels les contemporains décrivent la confession au prêtre, saint Jean Chrysostome les reproduit ou même les souligne. Il n’a de propre en somme qu’une accentuation plus forte, elle aussi, des formules la montrant faite à Dieu lui-même. Les discours où le caractère oral et détaillé en est le plus mis en lumière répètent en effet qu’elle s’adresse à Dieu, à Dieu tout seul ( « Mivo : aura Stv.'/e-/6f>'.o'.i, ixriScMiz liZiroi » [In Gènes., Hom., xx, 3, P. G.. LUI, 170]. « 'Eyo', ri

«. « aoTv^yy. elvs [^i'-"'} ^-'J- (Ot’av » [De Lazavo, iv, 4, /"*. G., 

XLVIII. 1012], etc.). Mais c’est cela même qui fait naître le doute sur la portée exacte de ces formules si exclusives. Dans les seules homélies sur la pénitence, les formules restrictives analogues sont à ce point multipliées qu’elles trahissent par là-mème leur exagération oratoire : successivement la confession du péché (Hom., ii, 1), les larmes (ibid., 3), l’humilité (ibid., 4), l’aumône (Hom., iii, i) sont présentées comme remèdes du péché suiTisant par eux-mêmes et sans emploi de tout autre. N’en est-il pas de même pour la confession à Dieu à l’exclusion de tout témoin humain ?

IIQ. — Il y a plus, et le principe, qui permet à Origène, à saint Basile, à saint Ambroise, à saint Léon de passer sans transition de la confession à Dieu à la confession au prêtre, n’est nullement étranger à Chrvsostome. La réponse de saint Pacien et de saint Ambroise aux Novatiens, que, dans la rémission du péché, l’action de l’homme et l’action de Dieu se confondent ; que, en accordant le pardon, l'évêque n’empiète pas sur Dieu, puisqu’il Hgit au nom du Christ et non point en son nom personnel, lui aussi la connaît. Il la formule même en des termes bien autrement expressifs.

Dans l'évêque Klavien, montant ; 'i l’ambon ou ponlilianl à l’autel, il invite le peuple à considérer, non point l’homme qui parait, mais le Dieu qui opère par lui.

Si le Saint-Esprit n'était pas dans notre commun Père et Docteur [l'évêque Fhivien] lorsque tout à l’heure, en montant à l’ambon, il vous a donné In paix à tous, vous n auriez pa » tous répondu : lît à ton esprit aussi… C’est un homme que vous avez devant vous, mais c’est Dieu qui agit par lui. Ne vous arrêtez donc pas à la réalité que TOUS voyez : considérez la gr.ice invisible [De sancta Pentecoste, Hom., i, 4, P. G., L, '(.S8.459l.

« Il n’y a rien d’humain dans ce qui se fait dans

ce sanctuaire n (a Où^èv « vô/î&jttcvîv rfiv yivofiéi/uv Iv t'.> Itùii TiJTw ^ijunai ») (Ibid.) El l’application aux cas particuliers de cette doctrine générale accentue mieux encore cette distinction entre l’agent principal et son instrument. Les évêques ont en main le pouvoir de communiquer le Saint-Esprit en remettant les péchés. Jlais dans l’exercice de ce pouvoir, ils ne sont que des délégués ; en eux et par eux, c’est Dieu, c’est le Saint-Esprit qui opère ; aussi, pour recourir à leur ministère, les lidèles doivent-ils faire abstraction de leur mérite ou de leiu- indignité personnelle : leur langue et leur main ne sont que des instruments dont Dieu se sert pour accomplir son œuvre (In Joan., Hom., lxxxvii, 4. /. G., LIX,

Il semble donc bien que, pour la doctrine comme pour la pratique et le langage, il y a conformité entre saint Jean Chrysostome et les grands évêques de la lin du iv' siècle. Les antinomies relevées chez lui ou de lui à eux ne sont qu’apparentes La contradiction, où l’on se heurle en lisant certaines de ses homélies, disparait dès qu’on se souvient que, pour lui comme pour saint Ambroise et saint Léon, le médecin visible des âmes confond son action avec celle du médecin invisible (Pour plus de détails, voir notre article : S. J. Clirysost. et la confession, dans H. fi. A'., 1 (igio), p. 209-240 et 313-350).

CONCLOSION

117. — On se confessait et l’on confessait aux premiers siècles. Pas plus qu’aujourd’hui, on ne concevait la rémissiondu péché par l’Eglise, sans sa manifestation au tribunal de l’Eglise. La chose allait même tellement de soi, qu’on éprouvait moins la nécessité d’y insister dans les exhortations à la pcnilence. A)ix yeux des lidèles, cen'élait point làle iliflicile, pas plus que ce n'était et <jue ce n’est encore le plus inii)ortant. L’absence de toute contestation permettait aux pasteurs de concentrer l’a tien tien sur la nécessité du désaveu intime du péché et de l’expiation extérieure qui en est l’effet. Avec cet autre fait également avéré que, dans beaucoup de consciences et sur beaucoup de matières, la distinction demeurait mal perçue entre le péché mortel et le péché véniel ; que la nécessité, par suite, apparaissait plus rare de recourir au jugement de l’Eglise ; c’est là, croyons-nous, cequi explique la i)Iace incontestablement plusrestreintequ’occupe dans la prédication des premiers siècles la confession proprement dite.

118. — En cessant d'être réservée en principe à l'évêque, le ministère pénitenciel perdit de son prestige. Dans les prêtres de plus en plus nomlircux qui furent admis à l’exercer, il devint tous les jours plus diflicile de ne voirqueles représentants de Dieu : l>Ius l’homme apparaît dans le confesseur, et plus la répugnance grandit à le prendre pour confident et pour juge de sa conscience ; force est alors d’en appeler plus vigoureusement à la foi et à la volonté