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PENITENCE

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l’avons déjà vu (n"' S^-SS), le rôle du prêlre est si peu apparent dans son traité delà Pénitence qu’au premier abord on pourrait l’en croire absent. Soit chez lui, soit chez son biographe, la confession au prêtre ne se présente que comme une confession à Dieu ; même où elle se distingue de cette <c première » confession qui se fait dans l’intinie de l'âme s’avouant coupable à elle-méuie, c’est encore à Dieu qu’elle s’adresse. Cependant, nous l’avons vu aussi, le prêtre intervient dans l’administraiion de cette pénitence ; il y apparaît comme étant en tiers dans la confession faite à Dieu par le pécheur. Pour saint Ambroise, c’est même un trait caractéristique de la Loi nouvelle, que cette rémission du péché par l’intermédiaire du prêtre. David l’avait annoncé (/ «  Ps., xxxviii, 3 ; , P. /,., XIV, 10678) et ne demandait lui-même directement à Dieu le pardon que parce que les i)rétres d’Aaron n’avaient pas le pouvoir réservé aux prêtres de l’Evangile (Ihid., 38, io58 A). Voilà déjà bien certes une indication à retenir.

Mais il y a plus. L’exhortation à la pénitence qu’est son homélie sur le psaume xxxvii (/'. /,., XIV, io33 sqq.), ne se tait pas seulement sur la présence du prêtre dans la confession, elle semble formellement l’exclure. C’est à Dieu seul que le pécheur reçoit l’invitation de s’adresser (Qui proposuisli satiafacere pro delictis Domino Deo tua, illi sou inleriori corde te purga, n*46 ; io33 B).Lui-même est le médecin qui traite les âmes (quia peccata ntea lil/i aperire desideravi et con/iteri ; … lulnera inea pietati tue puiavi esse reseraitda wbb ; 103^ Aetn" 5^ ; io38 B) ; c’est à lui qu’il faut recourir pour recevoir le remède approprié au mal dont on souffre {/psi nus committiznius paruti ad cuiandum ijuo velil cuiaii medicamento. Vide eum qui curaii yelit onini gencre inedico acquiescenteni… Auent iitlnera sua medico, et dicit : Cura me : n'ôô, 1007 B-C). L'énumération et l’accusation détaillée des fautes commises se fait à lui (Xuit solum conjiletur peccata sua, sed etiam enumerat et accusai ; non vult oumino latere delicta sua, n° 5^, 103^ D). C’est Dieu seul, eu un mot, qui semble présider à la pénitence qu’a en vue le prédicateur. Le caractère ecclésiastique cependant en est indéniable. L’allusion aux conséquences publiques qu’elle entraîne, le prouve : parce qu’il s’est fait lui-même son propre accusateur — l’expression scripturaire classique reparaît ici -.Justus accusator est sui in priitcipio sermonis (n" 5^ ; io38 A), — le pénitent se oil mis au ban des lidèles : a Fugiebant nie quasi mortium, et aliominali.sunt, quia peccata mea tiii aperire desideraii et cunfiteri… Ilumines me dereliquerunt, quia sordent illis vulnera mea, quæ pietati tuæ putavi esse rescranda » (n"* 55 et b-), io36 A-io38-B) : ce qui ne peut être que l’effet d’une intervention sacerdotale, dont noue connaissons de par ailleurs l’existence et l’action, mais qu’aucun trait ici ne vise explicitement.

100. — On comprend certes qu’en présence de ces paroles un historien superUciel, habitué à ne tenir compte que des mots et des formules brutes, ait pu parler de contradiction dans le langage de saint Ambroise (Lka, t. I, p. u4-n5). Mais, pour qui se dégage île cet asservissement aux expressions actuelles, tout se simplitie et s'éclaire ; saint Ambroise s’explique et s’interprète lui-même ; pour le comprendre, il n’est besoin que de se rappeler sa doctrine générale, qui lui est commune d’ailleurs avec tous ses contemporains, sur les rapports deDieuet du prêtre dans l’administration de la pénitence. Tous les Pères ont eu à s’en expliquer avec les Novatiens. La pénitence dont ils revendiquent la légitimitéa cela de propre qu’elle est le traitement du péché par les

hommes et non pas exclusivement par Dieu. Les Novaliens, eux, se défendent de guérir eux-mêmes le péché : voilà pourquoi.dit l'évêque de Milan, la parabole du bon Samaritain ne saurait leur être appliquée (De pænil., 1, vi, 27-29). Les catholiques au contraire — et c’est sur quoi porte toute la discussion — revendiquent ce j)ouvoir. Mais ils ne renoncent pas pour cela à débouter les Novatiens de leur accusation d’empiétement sur le monopole divin. Ils y opposent le principe que, dans la rémission du péché, l’action de Dieu et celle du prêtre se confondent.

li Dieu heul peut pardonner aui péiiiteiUa », disent le> NoTatiens — « C’est vrui, leur répond saiot Paciïn, la contemporain Ji Barcelone lie saint Ambroise..Mais ce qu’il fait par si-s piètres est leffct de sa puissance. N’a-t-il pas dit aux apôtres ; « Ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel ; ce <[tie vous délierez sur la terre sera délié dan » le ciel ?… Il est vrai : parsonællement et à cause de nos propres pécliés.il serait vain et téméraire de nous attribuer ce [muvoir : mai » parce que nous occupons U cbairu des apâtres, Uieu ne nous le refuse pas » (Ep. 1, 6, P.L., XIII, 1057 AC). - ((.Mais pourquoi, reprenez-vous, remettre les péchés au pénilont.'ll n’y a qu’au baptême qu il nous soit permis de remettre le péché. — Bien plus ; à moi, cela même ne m appartient pas. C’est Dieu seul fui accorde le pardon du baptême et qui accueille les larmes de la pén iîence. Ce. que je fais, ce n’est pas en mon nom, mais au nom du Seig : neur ; nous sommes les auxiliaires de Dieu {Quod ego facto, id non nico jure, sed Vomini : Dei sumus adjutores ;. Soit donc que nous baptisions, soit que nous imposions la pénitence ou que nous accordions l’absolution, c’est au nom du Chi-ist que nous agissons [Ckristo id auctore Iractamus). A vou » de voir si le Christ peut le laii », si le Christ l’a fuit u (Ep., iH, 7, F. L.,., 1068. 13-C).

I 101. — L'évêque de Milan tient le même langage :

i Pourquoi baptisez-vous, si le péché ne peut pas être remis par l’homme ? Le bapté ne n’est-il pas lui aussi la I rémission de tons les péchés ? Qu’importe doncque ce soit { dans la pénitence ou dans le baptême que les pi-êtres j i-evendiquei>l ce droit ? [Quid interest utrurn per pæni~ j teniiam anper laracrum hoc rus sibi datutn sacei dotes vin idicanl.^) Le uiystére est le même dans les deux cas. — Mais, dites-vous, au baptême, c’est la ^râce des mystères qui opère. — Et dans la pénitence ? Est-ce que le nom de Dien n’y opèie pas ? [De pæn., l, viii, 36-33.)

Et le grand docteur, résumant sa pensée en quelques-unes de ces phrases dont la brièveté fait ressortir la plénitude :

Oui, dit-il, le Sei}<neur a doDoé à ses disciples une puissance très étendue Il veut que ses petits serviteurs fassent en » « >n nom ce que lui-même faisait quand il était sur la terre… Il a tout do.iné 4 ses disciples…

…Il leur a tout donné, mais dans tout cela le pouvoir de l’homme n’est rien, c’est la grâce divine qui agit (Omnm

dédit, SBU NUI. LA IN UIS BO.MIMS POTKSTAS EST, UBI DIVINI MUNEHIS CKÀTIA VICET}I, TIII, 34-35).

Ce n’est donc pas, on le voit, un simple expédient de polémique, que cette absorption de l’action du l>rêtre dans celle de Dieu. Le i)rincit>e en est dès lors à la base de toute la doctrine catholique sur la rémission du péché par l’Eglise. Aussi se retrouvet-elle partout chez saint Ambroise. Elle se traduit en particulier dans toutes ces formules sur le caractère déprécatoire de l’absolution ecclésiastique (v. g. De pnenii., II, x, 91-92, etc. ; De ^pirita Sancto, III, xviii, 137 ; In ps., XXXVII, 10 ; In Luc. étang, expos., , i i et gi ; VII, 2a5) dont ses explications, jointes à celles de son biographe et de son contemporain de Barcelone, ne permettent pas de méconnaître le sens réellement opérant : c’est Dieu et le prêtre qui simultanément traitent les âmes et guérissent les blessures que leur ont faites leurs péchés. Rien d'étrangedcs lors, quele langage courant les confonde.

102. — Et en effet, c’est jiartout à cette époque que