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MARIE, MERE DE DIEU

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il l’affirme excellemment ; mais pour cet esprit prodigieusement fertile et mobile, la possession de la vérité n’allait pas sans quelques éclijïses.

Par contre, voici un disciple d’Origène, non moins illustre par sa dévotion à Marie que par ses vertus et ses miracles ; c’est saint Grégoire Thaumaturgb (+ 2T0), évêque de Néocésarée dans le Pont. On lui attribue avec vraisemblance une homélie conservée en syriaque, où il explique la virginité in partu^ en traçant un parallèle entre la génération divine du Christ et sa génération humaine. 5ermo in nativitatem Christiy viii, xni, xrv, xv, ap. Pitra, Anaîecta sacrUj t. IV, p. 136-13 ; , latin SSS-Sga.

(L’attribution, rejetée par Harnack, Chronologie der altchristlichen Liit, , t. II, p. loi, est admise par Looks, Tkeol. f.it. Zeitung^ 1884, col. 551 sqq., par Nbcbkrt, p. 186 ; Bardenhewbr, /’û^ro/og^ie-’S p. 162, n’y est pas opposé.)

VIII. Né du Père, ineflable dans sa personne et dans sou être, aujourd’hui [le Christ] nait pour nous d’une manière ineffable et inscrutable ; jadis il est né selon son essence, inséparable du Père ; aujourd’lmi il nail de la Vierge pour notre salut, mais non selon sa nature…

De mémo que dans la première naissance le blasphème ne trouve pas de place, car il est né sans intermédiaire ni séparation, restant indivis et inséparable du Père, de même dans la seconde naissance l’impiélé ne trouve pas de pbce, car il est né sans corruption : pur, il conserve pure s : i mère. Dieu n’a pas soufl’ert de douleurs en enTantant divinement un Dieu ; la Vierge n’a pas soufl’ert de corruption, car elle a enfante spirituellement un Fils qui est spirituel. La première naissance est inexplicable ; la seconde est impénétrable. La première s’est produite sitns passion ; la seconde est exempte d impureté. Nous savons que la Vierge a enfanté aujourd’hui, et nous croyons qu’elle a enfanté Celui qui est né du Père de toute éternité. Quel est le mode de sa naissance ? Je n’espère pns l’expliquer, je n’ai pas essayé de l’analyser en paroles, je ne me flatte pas d’y atteindre par mon esprit ; car la nature d^ Dieu ne tombe pas sous l’observation, l’esprit n’y atteint pas, notre pauvre intelligence ne la saurait concevoir : il faut croire à la puissance de ses œuvres…

xiii. Qui est-ce que la Vierge a enfanté, en réalité ? Le Seigneur de la nature corporelle… La Vierge a enfanté, non comme elle-même l’a voulu, mais comme l’a voulu Celui qui devrait être enfanté. Dieu ne s est pas comporté à la façon d’un corps ; il n’est pas tombé sous la loi des corps, mais il s’est manifesté comme le Seigneur de la nature corporelle ; il a montré au monde une naissance admirable afin de faire éclater sa puissance ; il a voulu l’aire voir que, devenant homme, il n’est pas engendré comme un homme, mais que c’est divinement qu’il se fait homme ; rien, eu effet, n’est difficile à sa volonté.

XIV. En ce grand jour, Dieu est né d’une vierge ; il a vaincu la nature, il est supérieur au mariage et exempt de corruption. Il convenait en effet que le docteur de la chasteté fit éclater sa gloire en sortant d’un sein pur et immaculé…

XV. Les Juifs ont l’habitude de demander aux Gentils si le Christ est Dieu. Bépondons-leur donc clairement : le Christ est Dieu par nature, et il est devenu Jiomme, mais non selon la nature. Voilà ce que nous affirmons et croyons véritahlemeni, en invoquant comme témoins les sceaux d’une virginité immaculée, gage de la toute-puissance divine ; car, créateur du sein, inventeur et prédicateur de la virginité, il a choisi un mode de naissance sans tache, et il est devenu homme comme il l’a voulu.

C’est là un langage vraiment nouveau en sa précision

D*autre part, au témoignage de son biographe, saint Grégoire Thaumaturge fut favorisé d’une apparition surnaturelle : Marie daigna se montrer à lui, avec l’apôtre saint Jean, qu’elle chargea de lui expliquer les vérités de la foi. Saint Grégoire de Nysse, De vita Sancti Gregorii Thaumaturgi, P, G, , XLVI, 909-913.

Hno nuit que Grégoire méditait sur la doctrine de la foi… plein d’application et de sollicitude, apparaît à ses

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yeux un per.ionnage humain ayant les traits d’un vieillard, velu avec une gravité religieuse ; la vertu brillait dans lu grâce de son visage et dans tout son extérieur. Effrayé à cette vue, il se leva de son lit et demanda : « Qui Ot-s-vous et que voulez-vous. » L’inconnu calma le trouble de ses pensées en lui parlant doucement : dit qu’il lui apparaissait parordiedô Dieu pour eclaircir ses doutes en lui découvrant ta vérité de la foi pieuse. Rassuré par ces paroles, Grégoire le regardait, partagé entre la joie et la frayeur. L’apparition étendit tout droit la main, comme pour lui montrer la direction opposée : tournant les yeux de ce côté, il vit un second personnage, aux traits féminins, plein dune majesté surhumaine. De nouveau ellrayé, il se détourna et baissa les yeux, interdit devant cette vision, ne pouvant en suppufter l’éclat… Et il entendit les Jeux personnages qui lui étaient apparus, dialoguer sur le point qui l’occupait ; par 1 ; , non seulement il actjuit la vraie science de la ioi, mais encore sut nommer les deux personnages qui s adressaient l’un à l’autre en se désignant par leurs noms. Il entendit le personnage féminin exhorter l’évangéUsle Jean à découvrir au jeune homme le mystère de la piété ; et celui-ci répondra qu’il était prêta le faire pour la mère de Dieu, puisque tel était son bon plaisir ; après un discours net et précis, il disparut. Grégoire s empressa de mettre par écrit l’enseinement divin, d en faire part à son Eglise, et do léguer à a postérité, comme un héritage, la leçon venue du ciel…

Celte page a été souvent citée, comme témoignage de la vigilance maternelle de Marie sur la pureté de la foi et sur les besoins des àræs. A la suite de l’évêque anglican George Bull qui, au xvnic siècle, combattit pour la doctrine des Pères, lecard. New-MAN la cite, dans le livre où il repousse les attaques du Dr. PusEY contre le culte de la Sainte Vierge ; et il y trouve comme les prémices du rôle que Marie devait remplir, à travers tons les temps et tous les lieux, pour l’extermination des hérésies, selon le mot de la liturgie catholique : Cunctas hæreses sala intereniisti in univevso mundo. — Newman, Du culte de la Sainte-Vierge dans VEgVise catholique^ trad.de igo8, p. 115.

Nous y noterons autre chose encore : les prémices de ces apparitions que Marie devait multiplier au cours des âges en faveur d’àmes choisies et qui contribuèrent si puissamment à larégénération chrétienne des individus et des foules : histoire dont une page récente s’est écrite à Lourdes ; elle commence au milieu du troisième siècle.

A la veille du concile de Nicée, d’autres évêques et d’autres docteurs rééditent les louanges traditionnelles de la vierge.

Saint Pierre d’Alexandrie (*]- martyr, 31 i), P. G., XVIU, 512A, rend hommage à la conception virginale :

Le Dieu Verbe, sans l’ossistance d’un homme, par la volonté du Dieu tout-puissant, s’est fait chair dans le sein de la vierge, sans réclamer le concours ni la présence d’un homme. Car la puissance de Dieu supplée abondamment le concours d’un homme, couvrant de son ombre la vierge avec l’assistance du Saint-Esprit.

Du même, fragment syriaque édité par Pitra, Analecta sacra, t. IV, trad. lat., p. 426, fragm. D :

La naisî^ance de l’Emmanuel rendit mère de Dieu la vierge, de qui glorieusement il s’incarna et naquit.

S. Méthode d’Olympe (-{ martyr, 3 1 2), Conv..Y virginam ^ ni, Thalia, 4. P- G. XVIU., 08A, réédite le parallèle entre le premier et le nouvel Adam, entre la première et la nouvelle Eve :

Il était de toute convenance que le premier-né deséons, le premier des archanges, devant converser avec les hommes, prit pour demeure le premier-né, le premier des hommes, Adam. Ainsi restaurant le dessein mitial et le restituant par l’opération de la Vierge et de l’Esprit, il le façonne : d’autant qu’à l’origine la terre était encore vierge et n’avait pas senti la charrue, quand il prit du limon pour