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MARIE, MERE DE DIEU

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respect envers îa Vierge mère, établie par des documents plus autorisés ; elle dégage même certains points de vue avec une audace qui a son prix.

Maintenons la liiérarcliie des témoignages : le seul symbole baptismal de l’Eglise romaine suflit à prouver qu’on ne peut reléguer dans l’ombre le personnage de la Vierge mère, sans mutiler la foi catholique.

La croyance au miracle de la conception virginale est si ferme dans l’Eglise du deuxième siècle, qu’elle s’impose généralement même aux sectes dissidentes. Nous l’avons constaté pour la gnose valentinienne, à qui on ne peut reprocher en cette matière qu’un raflinement d’idéalisme, allant à méconnaître la réalité de l’humanité du Christ, et du même coup la réalité du lien qui l’attache à sa mère. On peut le constater pour d’autres sectes encore, séparées de l’Eglise catholique par un moindre intervalle, notamment pour les sectes adoptianistes des deux Théodote, qui professaient lidèlemenl que le Christ est né de l’Espril-Saint et de la Vierge. Voir Pseudoteutullien, Adt ontnes hæreses, viii, P. J.., II, 72.

A considérer d’ensemble ce deuxième siècle, siècle de foi vive, de piété ardente et d’inexpérience théologique, on s’assure qu’il a fait à la Vierge mère la place qui lui revient, prés du Verbe incarné. Il est remarquable que le principal docteur de ce siècle, saint Irénée de Lyon, soit aussi le premier théologien de Marie. Nous ne découvrons pas encore à l’état distinct un culte mariai, mais bien le fondement solide où ce culte s’appuiera.

On lira avec fruit un très solide article de M. Gres-HAM Machen, The virgin birth in tlie second century, dans Ilie Princeton lievien’, 629-580, ocl. 19IQ.

lll’siècle, et IV’jusqu’au concile de Nicée

Entre les penseurs chrétiens du troisième siècle, Ohigénk tient facilement le premier rang. Son œuvre renferme les éléments d’une marialogietrès vaste et aussi très inégale. Diffus dans les livres contre Celse et dans les traités exégétiques, ces éléments raanifeslent le fond chrétien de l’àme d’Origène, et quelque chose aussi des regrettables chimères qui marquent sa pensée d’un stigmate inquiétant.

Attaquant le christianisme au temps de Marc Aurèle, le philosophe néoplatonicien Cklsk n’avait pas craint de se faire l’écho d’une fable infâme, touchant la naissance du Christ. D’après cette fable d’origine juive, Jésus serait le (ils de l’adultère ; et l’on nommait son père, c’était un soldat appelé Panttiéra. Soixante-dix ans plus tard, réfutant les attaques de Celse, Origène rencontre cette calomnie, et venge l’honneur de la mère du Christ. Il souligne l’invraisemblance de l’invention, à considérer le rôle providentiel et le ministère de Jésus : tout de sainteté personnelle et de sanctilîcation Seule une vierge était digne de donner naissance à l’Emmanuel. Contra Cehum, I, xxxii sqq., éd. Koetschau, p. 83 sqq., P. G., XI, 721 sqq.

Par ailleurs, Celse n’a eu garde de citer l’oracle d’Isaie, vii, 14. Pourtant, il le connaissait, ne fut-ce que par l’évangile de saint Matthieu, où il a pris tant d’autres traits, par exemple l’apparition de l’étoile, à la naissance de Jésus. Origène aborde le problème eiégétique posé par cet oracle ; mais on relève dans sa discussion un défaut d’exactitude qui surprend, chez l’auteur des Hexaples. Il assure que le mot hébreu’almali se retrouve à plusieurs reprises Veut., XXII, 28-26, appliqué à <ine vierge. C’est une erreur, le texte de Deut. porte à plusieurs reprises beihuUili, il n’y a donc rien à tirer de ce rapprochement. Au reste, Origène est trop sage pour fonder principale ment sur ce root controversé l’argumentation par laquelle il revendiqvie la naissance miraculeuse de l’Emmanuel. Il la fonde sur l’ensemble du texte prophétique, pour lequel les événemenls conteuqjorains d’Achaz ne fournissent pas d’interprétation plausible. L’interprétation seule vraie suppoi-e la prophétie. Qu’il y eût des prophètes en Israël, ce n’est pas surprenant ; Origène ose dire qu’a priori c’était nécessaire, ne fut-ce que pour prémunir les Juifs contre la séduction des oracles païens. Dans les oracles des prophètes, on doit s’attendre à retrouver des prédictions d’ordre général et d’ordre particulier. Aux Grecs, qui rejettent la croyance à la maternité virginale, on peut répondre d’abord que l’Auteur de toute nature et de toute vie a bien pu déroger aux lois ordinaires de la nature et de la vie, par lui-même posées. Puis, que les fables helléniques proposent à la croyance des traits aussi surprenants que les miracles chrétiens.

D’ailleurs, ce point est de ceux sur lesquels l’enseignement chrétien ne peut transiger ; Origène le redit plusieurs fois avec une grande force. Contra Celsum^ V, Lxi, éd. Koetschau, t. II, p. 65 ; />. G., XI, 1277 :

Telle secte admet Jésus, et à cause (le cela so prétend chrétienne, mais, d’autre part, veut observer la loi de Moise, comme les multitudes juives : c’est la double secte des Ebionites, dont les uns confessent avec nous que Jésus est né d’une ^ier^e, les autres le nient et assurent qu’il est né comme tous les hommes. Y a-t-il là de quoi accuser les fds do l’Eglise ?…

In Juan, (xiii, ly), 1. XXXII, ix (xvi Preuschen, p. 452), P. G., XIV„ 784 A :

^’i quelqu’un, croyant que le crucifié du temps de Ponce Pilate fut un être divin venu pour le salut du monde, se refuse à admettre sa naissance de la vierge Marie et du Saint Esprit, et le tient pour fils de Joseph et de Marie, ii celui-là manque un élément essentiel à l’intégrité de la foi.

Très ferme sur la conception virginale, Origène ne l’est pas moins sur la réalité du lien qui unit Jésus à Marie, comme un fils à sa mère. Il réunit ces deux enseignements, non sans quelque subtilité. In Rom., 1. III, X, P. G., XIV, 956D, à propos de Gai, iv, 4 :

Do tout homme, on devra dire qu’il a été Sailpar If moyen d’une femme -^ car avant de naître par le moyen d’une femme, il a dû son origine à un homme. Mais le Christ, qui ne doit pas à un homme l’origine de sa chair, doit être dit fait d’une feiiiine. Car c’est à la femme qu’appartioiit le rôle principal dans l’orij^ine de sa chair ; et l’Apôtre a raison de dire qu’il a été fait, non par le moyen de la femme, mais de la femme.

Vers l’année 233, Origène commente l’évangile de saint Luc, et, à propos de la loi de la purification, se demande comment Marie a pu s’y soumettre. La réponse est faite pour surprendre. Il déclare que non seulement Marie avait besoin de purification, mais encore Jésus, car le texte sacré parle, au pltiriel, des jours de leur purification, xi riiiif.tt.i roû x ! /.Oxpi(t/j.oO aÙTiSv. Et il cite à l’appui lob, xiv, 4. 5, allirmanlque nul ici-bas n’est exempt de souillure. Du moins il s’empresse d’ajouter que souillure n’est pas péché. In Luc, I/om., XIV, P. G., XIII, 188^. Encore éjirouverat-il le besoin de rétracter son assertion douze ans plus tard, dans les homélies sur le Lévitique. Là, il examine de près la loi de la purilication des mères, etdéclare Marie exempte. In Le^, , /loin., viii, 2^, P. G., XII, 493. Plus loin, il écarte positivement l’idée d’une souillure quelconque, soit en Jésus, soit en sa mère. In Lev., Jloni., xii, 4, P- G., XII, 589. Origène s’est plus d’une fois contredit ; encore ne doit-on pas exagérer ses contradictions. Du rapprochement de ses deux assertions successives touchant la position de