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PENITENCE

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S. — Point de vue fondamental adopté. — L’Eglise, pour justifier le précepte de la confession, n’en invoque pas à proprement parler les avantages individuels ou sociaux ; elle s’attache au fait de l’institution par Jésus-Glirist ; elle se réfère avant tout à la tradition, qui en fait remonter l’oblij ?ation à son propre Fondateur ; c’est pourquoi nous nous bornerons ici à rechercher le bien-fondé historique de cette prétention.

II. — Le sens des mots

3. — Le mot actuel. — La confession, au sens catholique, est la manifestation d’un péché personnel faite à l’Eglise, dans la personne d’un prêtre approuvé à cet effet, en vue d’en obtenir le pardon. Le langage usuel donne, il est vrai, à ce mot une signilication beaucoup plus étendue : « se confesser » c’est « recevoir » et « confesser » c’est « administrer » le « sacrement de pénitence ». Mais ces formules sont abrégées ; le tout y reçoit le nom d’une de ses parties, et nul n’ignore, dans l’Eglise catholique, que cette partie, si elle est ce qui frappe et, dans certains cas, ce qui coûte le plus, n’est cependant pas le tout de la pénitence et ne sufTit point par ellemême à obtenir le pardon. Il doit s’y joindre la pénitence proprement dite ou contrition, c’est-à-dire le regret sincère avec le ferme propos de ne plus pécher et la volonté d’expier le passé, et cet élément subjectif et intime, en quoi consiste proprement la conversion de l'àme, est d’une nécessité antérieure et supérieure à celle de la déclaration du péché. L’un est absolument requis et indispensable à l’ellicacité de l’absolution ; l’autre, en bien des cas, peut être, sinon totalement absent, du moins exlrèmcment réduit, sans que pour cela le sacrement soit nul ou inedicace.

4. — Les mots anciens, — Les expressions latines et grecques auxquelles correspond notre mot de confession sont plus amphibologiques encore. Ce sont, en grec, £|o, u5/c-/££(jôat, i^o/juvo'/yj^t ; , i^v./op€'jsrj, l^ « yip£V7(ç, en latin confileri, conf’essio. Mais les unes et les autres s’emploient indifféremment pour l’aveu fait à Dieu et pour l’aveu fait à l’homme, (]u’il soit public ou secret, général et indéterminé ou particulier et restreint à une faute précise. Le sens le plus usuel en fut longtemps celui de la louange rendue à Dieu, celui des psaumes Cnnfîtemini. « Confessio, note encore au début du v' siècle saint JiinôME {Tr/ïct. in ps. ciii, dans Anedncta Maredsoliina, t. III, p. 162), dupliciter intelligitiir. Aiit in f ; loria Dei, … quemadmodum in evangelio ipse Salvalor dicit : Cnnfiteor tilii, Pater, hoc est, glori/ico te ; aut quia confitemur peccata nostra Domino : in eo enim qiiod con/itumnr Deo peccata nostm, glorificamus eum. » C’est le sens même auquel saint Auoustin a écrit ses Confessions. L’expression « confiteri peccata » se dit même d’abord et directement de l’aveu fait à Dieu, sans que fi’il exclue par là même, nous le verrons, la présence d’un ministre de Dieu recevant lui aussi cet aveu ou en étant le témoin, mais aussi sans qu’elle fût nécessairement supposée. A Ilippone, à l'époque de saint Augustin, on se frappait instinctivement la poitrine, dès qu’on entendait prononcer le mot de « confîteor » (Sermo lxvii, i. P.L, , XXXVIII, 433) ce qui était une manière de confesser ses fautes (Ihid. et cf. Sermo xix, a et l'.ccxxxiv, 4) mais montre combien l’expression était encore loin de signifier par elle-mêuie ce que nous appelons la confession proprement dite. Le mot iîo[i.oï'//r, isii — en latin exomologesis — reçoit en outre une triple signilication : on le trouve emploj'é pour désigner soit la pénitence en général et dans l’ensemble de ses exercices, soit la déclaration pro prement dite du péché, soit un recours spécial au [lénitencier, qui couronne la pénitence ecclésiastique et prépare à la reconciliation finale. Il serait donc vain de chercher dans l’ancienne littérature chrétienne une ex[iression s’appliquant exclusivement ou très spécialement à l’acte même de la confession au prêtre. Mais aussi doit-on, dans l’histoire des doctrines et des institutions, se garder de ce littéralisme étroit et stérile qui date les choses du jour où elles se montrent revêtues d’une appellation et munies en quelque sorte de leur étiquette. Il y a les contextes pour déterminer le sens des mots à acceptions multiples, et bien des usages se perpétuent dans une société, auxquels on ne donne de nom propre que quand on les veut étudier en euxmêmes : ce peut être le cas de la confession et il importe de ne pas l’oublier.

III. — Questions de méthode

3. — 1° Une fausse conception de la confession catholique. — Après celui des mots, le sens aussi de la question demande à être précisé. Nulle part, la confusion des idées ne risque de fausser aussi complètement les recherches. La confession, dont on se demande si elle était en usage aux premiers siècles du christianisme, étant celle dont l’Eglise catholique a défini au concile de Trente la nécessité et l’antiquité, c’est de la confession telle que l’entend l’Eglise catholique, et non point telle que la conçoivent ses adversaires, qu’il faut rechercher les traces. Procéder dilTéremment, c’est peut être se faciliter la tâche, mais c’est aussi travailler en pure perle. La stérilité irrémédiable d’un grand nombre d'études sur la confession est due à cet illogisme.

La confession des catholiques y est prise pour une forme réduite et abrégée de l’ancienne pénitence publique. Celle-ci, dit-on, consistait en une longue exiiiation du péché, indice ou cause d’un changement profond dans les dispositions de l'àme ; l’efficacité en tenait toute aux mérites personnels de celui qui s’y assujettissait ; l’Eglise, qui l’imposait ou la dirigeait, si elle subordonnait son intervention à une certaine connaissance des fautes commises, ne faisait cependant pas au pécheur une obligation formelle de lui manifester son état moral. Il pouvait y avoir place — nul doute, avouent Caspari (art. cité dans R.E.^, p. 53^), Loofs (Leilfaden zum Siudium der Dogmengescliichte, § 5g, 2a, notei) ; LEA (Auriculnr confession, t. I, p. 182) : Miii.LEn (compte rendn de l’ouvrage de Lea dans la Tlieolog. I itl.-Ztg., '897, p. h(>)', li. lloi.t.(Enlhusiûsmus und /tnssgewalt p. 244-245 ; a49-250), nul doute qu’il n’y eût place dans ce régime pénitentiel pour un aveu spontané de culpabilité ; mais cette confession, même faite en secret au prêtre qui présidait à la pénitence, n'était pas la confession catholique ; c'était une des manières possibles de se faire admettre à la pénitence, ce n’en était pas l'élément caractéristique, et donc l’identification s’exclut avec cette forme spéciale et nouvelle de pénitence, qui consiste en un simple aveu du péché, avec la « pénitence-confession >>, la BeichtSusse, pour employer l’expres'îion qui tradiiit le mieux cette conception protestante de la confession catholique.

6. — Celle-ci serait donc une véritable création de l’Eglise. L’origine en serait à chercher dans le sacerdotalisme qui, à partir du m" siècle surtout, s’est progressivement subslituéau christianisme. Du pouvoir qu’ils se sont attribué de remettre les péchés, les évêques ont conclu à la faculté d’en user à discrétion. Ainsi se sont-ils crus autorisés à absoudre sur la simple indication de la faute commise. Le recours à l’Eglise a passé pour l'équivalent du