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PENITENCE

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solennellement par (Hippoljte), se joignaient aux adlicrents de Cnlliste, et peuplaient son école. Galliste définit quun évêque tombé dans ui.e faute, même capitale, ne devait pas être déposé De son temps commencèrent à être admis dans le clergé des évoques, des prêtres et des diacres qui avaient été mariés deux ou trois fois ; et même, un clerc venait-il à se marier, Galliste le maintenait à son poste, comme s’il n’eut commis aucune faute. Il appliquait à ces cas la parole de l’Apotre : « Qui étes-vous pour juger le serviteur d autrui ? «  {nom., XIV, / ;), ou encore la parabole de l’ivraie : n Laissez croître l’ivraie avec 1 « fromeiit » (Matt., siii, 30), entendant ces texies de ceux qui commettent le péché après leur entrée dans l'Église, il montrait encore une figure de 1 Eglise dans l’arche de Noé, qui contenait des cluens, des loups, des corbeaux et toute sorte d’animaux, puis et im|jurs : ainsi devait-il en i Iro dans l’Eglise. Tous les textes qu’il pouvait tirer h co eeiis, il les interprétait de même. Les auditeurs, charmés de ces dogmes, continuent de se leurrer et de leurrer les i^utres, qui aflluenl à cette école. Voilà pourquoi le parti grossit : ils s’applaudissent de gagner les foules, en flattant les passions malgré le Christ ; sans égard pour le Christ, ils laissent commettre le péché, se vantant de le remettre aux âmes bien disposées. Calliste a encore permis aux femmes non mariées, si elles s'éprenaient d’un homme de condition inférieure et voulaient éviter de se marier devant la loi pour no pas perdre leur rang, do s’unir à l’homme de leur choix, soit esclave, soit libre, et de le tenir pour époux, sans recourir au mariage légal. Là-dessus, on a vu des femmes soi-disant fidèles employer toute sorte de moyens pour faire périr avant terme l’enfant qu’elles avaient coni ; u, soit d’un esclave, soit d’un mari indigne d’elles ; leur rang et leur fortune voulaient cela. Ainsi Calliste a-t-il enseigné du même coup le concubinage et l’infanticide. Cependant, après de tels hauts faits, on ne rougit pas de s’intituler : Ef ; lise cat/iolique, et l’on attire les bonnes âmes ! De son temps, pour la première fois, ceux de son parti osèrent admettre un second baptême. Et voilà l’u'uvre du fameux Calliste, doi t 1 école dure encore, gardant ses usages et sa tradition, ne s’inquiétant pas de savoir avec qui on doit avoir la communion, l’oû'rant indistinctement à tous.

La concordance générale de ce i-équisiloire avec les invectives du De pndicitia rend au moins vraisemblable que les deux auteurs en veulent au même personnage, et justifient le nom d'édit de Calliste, généralemenl attribué de nos jours à l’acte que Tertullien visait dans le De pndicitia. On remarquera toutefois que le réquisitoire d’Hippolyle n’est pas borné à l’indulgence envers les fautes de la ebair ; puisque nous y voyons figurer liien d’autres pécliés, notamment l’infanticide. Il y a donc là une brèche manifeste à la prétendue discipline des trois péchés irrémissibles.

D’ailleurs les deux témoins, diversement passionnés, sont loin de s’accorder sur tons les détails. Nous avons fait observer que TerluUien tient à bien marquer sa rupture avec l’Eglise catholique et à se poser en réformateur. Au contraire, Hippolyte prétend liien faire figure de conservateur et représenter la tradition de la vieille Eglise, en face de novateurs imprudents. Donc l’interprétation subjective des faits a son influence, qu’il ne faut pas perdre de vue, même à supposer, comme nous le croyons volontiers, qu’il s’agisse des mêmes faits. Si l’on avait moins prêté l’oreille à Tertullien en colère, on n’aurait jamais songé à voir dans la mesure contre laquelle il proteste bruyamment une sorte de coup d'état ecclésiastique, une révolution dans l'économie de la pénitence chrétienne. Encore a-t-il fallu lui faire dire ce qu’il ne dit pas, puisqu’il dénonce chez le successeur de Pierre, non une faiblesse jusqu’alors inouïe, mais un laxisme persévérant. — Théologie de saint Ilippolvte. ch. i, p. 35-58.

Mais quoi qu’il en soit de Rome et de Cartilage, il nous faut mainlenaut tourner les yeux vers Alexandrie ; car Oiigène est désigné comme enseignant, lui aussi, la théorie des trois péchés irrémissililes.

3° Origène. — Origène n’appartient pas tellement à l’Orient qu’il n’ait eu quelques relations avec Rome. Il paraît l’avoir visitée vers le temps de l'élévation du pape Galliste et s'être assis un jour au pied de la chaire d’Hippolyte ; voir saint Jkrome, De vir. m., Lxi, P. Z., XXIll, 673A ; Eusèbe, //. E., VI, XIV, 10, P. G., XX, 553. Il eut d’ailleurs, beaucoup plus tard, à se justifier devant le pape Fabien, pour la témérité de certainsécrits ; voirsainlJiiRôMB, Ep., Lxxxiv, 10, P. L., XXII, 761. On sait la liberté de son langage, à l'égard des chefs de grandes Eglises, voir In Malt., t. XVI, 8, P. G., Xlll, 1392. iSgS ; on sait aussi la tendance de sa théologie Irinitairc, empreinte d’un esprit fortement subordinatien. Tout cela rend non invraisemblable a priori l’hypothèse d’un conllit avec le pape Calliste ; et cette hypothèse a été posée en fait par Doellinger, qui dépensa pour l'établir beaucoup d'érudition et d’ingéniosité, dans son livie HippolUus tind Kallistus, p. 254-266, llegensburg, 1853.

Le principal fondement de cette théorie est un texte qu’il faut tout d’abord reproduire in extenso. Orioknb, De Oratione, xxviii, P. G., XI, 628. 629 :

Celui qui est inspiré par Jésus comme les apôtres, et qu’on peut reconnaître à ses fruits, parce que. ayant rei ; u l’Esprit-Saint et étant devenu spirituel, il obéit à l’impulsion de l’Esprit, comme un lils de Dieu, pour se conduire en tout selon la raison, celui-là remet ce que I>ieu remet et retient les péchés inguérissables ; comme les prophètes employaient leur parole au service de Dieu pour exprimer, non leurs propres pensées, mais les pensées suggérées par la volonté divine, de même il s’emploie au service de Diou à qui seul il appartient de remettre les péchés. L'évangile selon saint Jean s’exprime ainsi, au sujet de la rémission des péchés parles.pôtres [lo., xx, 22-2'd) : Recevez l’Ksprii-Saint : ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur sont remis ; ceux à qui rous les retiendrez, ils leur sont retenus. A prendre ces mots sans discernement, on pourrait être tenté de reprocher aux Apôtres de n’avoir pas remis les péchés à tous afin qu’ils leur fussent remis, mais de les avoir retenus à quelques-uns, afin qu’ils leur fussent également retenus par Dieu Mais la Loi noua fournit un exenipie utile pour comprendre la rémission des péchés accordée aux hommes par Dieu au moyen du ministère des hommes. Les prêtres de la Loi ont défense d’otVrir un sacrifice pour certains péchés afin qu’ils soient remis à ceux pour qui l’on offrirait le sacrifice. Et le prêtre autorisé à faire 1 offrande pour certains manquements involontaires, n’est pas pour cela autorisé à oQ’rir l’holocauste pour ladultère, p<.ur l’homicide volontaire, et pour toute sorte de faute grave ou de péché. Ainsi les Apôtres et les successeurs des Apôtres, prêtres selon le Grand prêtre (Jésus-Christ), ayant reçu k> science de la thérapeutique divine, savent, instruits par rEsjirit, pour quels péchés il faut offrir des sacrifices et quand et de quelle manière ; ils savent également pour quels péchés il ne le faut pas. Le prêtre Héh, sachant que ses fils Ophni et Phinéès ont péché, se reconnaît impuissant à leur en procurer le pardon ; il y renonce et on fait l’aveu, disant (f Sam., ll, 2.")) : Si un homme pèche contre un homme, on intercédera pour lui ; mai » s il pèche contre Dieu, qui intercédera pour lui ?

Je ne sais comment quelques-uns, s’arrogeant une puissance plus que sacerdotale, encore qu’ils manquent peutêtre de science sacerdotale, se vantent de pouvoir romettre les péchés d’idolâtrie, d’adultère et de fornication, comme I si la prière qu’ils prononcent sur les coupables suffisait à

1 remettre même le péché mortel. C’est qu’ils ne lisent pas ce qui est écrit : Il y a une faute jusqu'à la mort ; pour celle-là je ne dis pas de prier (I /o., v, iC)…

I On retrouve ici, effectivement, le trio : idolâtrie, adultère, homicide ; avec la mention des péchés inguérissables et des restrictions posées au pouvoir du jirêtre. Par ailleurs, il est incontestable qu'à la fin de sa vie Origène tenait un langage fort différent, ainsi qu’en témoigne, par exemple, ce texte du Contra Celsuni (postérieur de quinze ans au De Oratione), III, Li, P. G., XI, 988 :