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PENITENCE

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trent dans l’apostasie et le blasphème jusqu'à ne plus vouloir donner un regard au Dieu qu’ils ont quitté : ceux-là se perdront sûrement : leur cœur est entièrement perverti. Mais s’ils étaient encore capables d’un bon mouvement, il y aurait pour eux espoir de salut. Le Pasteur entend cela même de l’apostasie consommée par l’idolâtrie ; car on a rencontré sur la quatrième montagne ces làclies qui, au premier bruit de persécution, s’empressent de sacrifier aux idoles et rougissent du nom du Seigneur. Sim., ix, 21, 3 ; cf. Mand., xi, 2-4, une autre forme d’idolâtrie. Le Pasteur offre le salut aux apostats, s’ils font vite pénitence ; et les propres enfants d’Hermas, coupables du même crime, obtiennent leur pardon. Vis., 11, 2, 2 ; cf. Sim., X. En somme, après comme avant le baptême, le seul signe certain de damnation est l’obstination dans le mal. Doctrine très évangélique. L’Eglise du a' siècle en avait déduit les justes conséquences. La différence que met ici le Pasteur entre les anciens renégats et les renégats à venir, répondelle à une intention dogmatique ? en d’autres termes, raarque-t-elle le caractère exceptionnel du ministère rempli présentement par le Pasteur. Je ne puis le croire. D’après tout l’ensemble de l’ouvrage, cette différence me paraît répondre bien plutôt à une intention pratique : il s’agit de ne pas ouvrir inopportunément des perspectives indéfinies de pénitence à ceux qui n’en profiteraient que pour pécher à leur aise. La prudence du Pasteur voile, à dessein, ces perspectives.

La réconciliation avec Dieu, gage de salut, a pour signe normal et pour gage la réintégration dans la tour, qui figure l’Eglise, sans distinction entre l’Eglise de la terre et celle du ciel. Mais la construction se poursuit : il faut se liàter d’y entrer avant qu’elle s’achève. Tout le symbolisme du livre démontre le caractère ecclésiastique de la réconciliation offerte par le Pasteur.

Cette réconciliation n’est offerte que pour une fois. Le pécheur relaps n’est sans doute pas désespéré, mais il n’a plus rien à attendre de l’Eglise, qui l’abandonne à la miséricorde divine. La rigueur que montre Her mas sur ce point, ne lui est pas particulière : c’est le fait de toute l’Eglise jusqu’au temps de saint Jean Clirysostoræ en Drient et jusqu’après saint Augustin en Occident. Voir, à ce sujet, outre Hermas, Mand., iv, 1, 8 et 3, 6, Clkmknt d’Alexandrie, Stroni., II, xiii, P. G., VIII, 996 A ; Tertullien, /)e pæn., vu ; Origènk, In Lev., Hom., xv, 3, P. G., XII, 561 A ; adversaires de saint Jean Chrj’sostoræ au synode du Chêne, ap. Mansi, Concilia, t. III, ii^S CD, cf. Socratk, //. E., VI, XXI, P. G., LXVII, 725B-'j28A ; saint Ambroise, De pæn., II, x, 90, P. /,., XVI, 520A ; saint Sirice (pape, SS^-Sgg), Ep., i, Ad Himerium Tarracon., 5, 6, P. L., XllI, I iS^.VB ; saint Augustin, Ep., CLiii, 3, 7, Ad Macedoniuni, P. L., XXXIII, 656. Avènement d’une discipline nouvelle chez Victor DE Cartenna (v' siècle). De pacnit., xii, P. /.., XVII, gSôB. — Cf. Edit de CaUisie, p. 151 sqq.

On ne trouve chez Hermas aucune allusion explicite au pouvoir des clefs. Mais si une vérité ressort avec évidence de tout son livre, c’est le caractère ecclésiastique de la pénitence qu’il préconise. L’idée d’Eglise résume toute son allégorie et le Pasteur ne l’instruit qu’au nom de l’Eglise. Ce point est mis en excellente lumière par tel auteur, protestant, comme R. Seeberg, Lehrhuch der Dogmengeschichte, t. I, p. 126, Paderborn, 1908. On a pourtant élevé des doutes à l’encontre. 5fous ne les croyons nullement fondés. Voir Etudes, t. CXXXII, p. 79 (gi), 5 juillet 1912 (sur VHermas de M. Lelong) ; Edit de Calliste, p. 109-11 1.

11° L’administration de la pénitence au II' siècle

Les rares documents du 11' siècle, en dehors d’Hermas, n'éclairent pas d’une lumière bien vive l’histoire primitive de la pénitence. On peut glaner quelques faits.

Saint Clément de Romb — avant la fin du i^r siècle — exhorte les esprits remuants deCorintheà la concorde fraternelle, en leur faisant espérer le pardon divin, I Cor., viii.l. lvii. Saint Ignace d’Antiocbb tient le même langage aux fidèles de Philadelphie, et les exhorte à la pénitence, avec une allusion assez distincte à la rémission des péchés, Philad., m. vu. Saint Polvcarpe ne parle pas autrement aux Pliilippiens, Philipp., vi ; il fait allusion à l’apostasie d’un prêtre, et ne veut pas désespérer ducoupable, s’il fait pénitence, ch. xi. La 11^ Clemenlis, homélie écrite à Corinthe, vers l’an 150, souligne (vu, vin) la nécessité de faire pénitence présentement. Le chrétien est en ce monde comme un vase d’argile, qui n’a point encore passé au four, et que le potier peut toujours refaire. Une fois passé au feu du jugement divin, son sort est fixé. Saint Justin, à Rome, ne transige pas avec les prescriptions de la morale chrétienne, I Ap, , II, P. G., VI, 444. Il allirme qu’il y a un pardon pour tous les pécheurs repentants, Dial., xLiv. xlvii, il*., 572. 577. 580 ; mais n’en promet pas aux autres, Dial, , cxLi, ib., 797C-800A. Son disciple Tatien n’a pas formulé une doctrine sur la pénitence ; en revanche, il nous offre, dans son Diaiessaron, l’attestation, jusqu’ici vainement cherchée, du Tu es Petnis. Voir ci-dessus, art. Patauté, col. 1 342-3. Denys DB ConiNTHB alUrme le droit des pécheurs, de tous les pécheurs vraiment pénitents, nommément des apostats et des hérétiques, à l’accueil bienveillant de l’Eglise ; ap. Eusèbe, //. E., IV, xxiii, 6, P. G. : XX, 385B. Théophile d’Antiochb, pour traduire le dessein miséricordieux de la Providence divine sur les âmes, reprend la comparaison de l’argile et du potier, Ad Autolyc, II, XXVI, P. G., VI. logS. Saint Irénkb parle à diverses reprises de pénitents. Ce sont des hérétiques, comme Cerdon, esprit instable, ébauchant plusieurs fois une pénitence qu’il n’achève jamais, Ilær., III, iv, 3, P. G., VII, 857A ; d’autres, raarcion-ites ou valentiniens, convertis à Rome par saint Polj’carpe, III, iii, 4, 852B ; tous peuvent se convertir, III, XIV, 4. 9'6- Des femmes, séduites par les gnostiques et tombées dans le désordre ; les unes se convertissant, d’autres reculant devant la honte d’une pénitence publique, I, vj, 3 ; xiii, 5, 7 ; 508I3. 588B. 592B. Irénée n’a pas coutume de ménager le vice, //aer., IV, XXVII, io56-io61 ; mais il ne désespère aucun pécheur ; il admet que tous peuvent se sauver par la pénitence, Ilær., I, x, 1, Ô52A ; III, xxiii, 3, 962B ; IV, xl, i, 1112C ; V, xi, i, iiôoB ; xxvi, 2^ Iig4.

111° Lia pénitence au III' siècle. — Théorie des trois péchés réservés

Si nous avons cru devoir nous arrêter ci-dessus assez longtemps à l'œuvre d’Hermas, c’est parce que l’interprétation donnée par quelques auteurs à Mand, , iv, 3, et ci-dessus écartée par nous, est le principal fondement d’une théorie particulière sur l'évolution primitive de la pénitence ecclésiastique, théorie qui a joui d’une brillante fortune et dont il faut nous occuper maintenant. Appuyée sur ce fondement, la théorie n’en apparaît pas moins caduque, mais elle réussit à faire une certaine figure. Au contraire, dépourvue de ce fondement, elle reste suspendue dans le vide et n’arrive pas à se soutenir par ses propres moyens. Il y avait donc intérêt à