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PENITENCE

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du jugement et l’ardeur du feu qui dévorera les ennemis de Dieu. Ceux qui passent leur tmnps en de continuelles alternatives de péché et de pénitence, ne dilYcrent en rien des îniidèles, sinon par la conscience qu’ils ont de leur péché…

Nous ne songeons pas, d’ailleurs, à contester qa’il ait pu y avoir ni qu’il y ait eu effectivement, clans l’Eglise du n" siècle, des diversités locales ou autres, des courants de plus ou moins grande sévérité en matière de pénitence. Ce que nous nions, c’est que cette page d’Hermas rende témoignage d’une telle diversité. Car les seuls maîtres que mentionne lier mas, reçoivent la pleine approbation du Pasteur. Si l’on veut qu’ils fassent figure de rigoristes, on devrait pouvoir montrer, en regard, des laxistes ; or cette page n’y fait aucune allusion.

I/exégèse que nous venons de justifier n’est pas nouvelle. Les mots '>S ; <rii, n/éu ont été entendus de l’appel au baptême par Hilgbni’eld, Hermæ Pastor, p. 172, Leipzig, 1881 ; par Weinel, flandbuck zu den NTlichen Apocryplien, herausg. v. E. Hennecke, p. 303, Tubingen, 1904 ; par G. Rauscben, L’Eucharistie et la pénitence durant l^s six premiers siècles de l’Eglise, Irad.fr., p. 138, Paris, igiojpar A. BauMEisTER, Die Etliik des Pastor liermae, p. 53, Freiburg i. B., 1912 ; par A. Lelong, Le Pasteur d’Hermas, p. 86, Paris, ign, et autres. — Or les mots z/> ; ffi ; , xotysw, marquent un tournant, où il faut nécessairement prendre parti. Si, avec Funk et autres, on les applique à la mission du Pasteur, on ne peut plus s’en tirer. Mais nous croyons avoir montré que ce sens est inadmissible. Reste à les appliquer à la vocation chrétienne. C’est ce qu’ont fait justement les auteurs que nous venons de nommer. Mais tel d’entre eux a réintroduit après coup des idées empruntées de Funk, et le résultat n’est pas moins inextricable.

Autour de cette même page un système d’exégèse s’est cristallisé, auquel on a attiré d’autres textes, entendus au sens rigoriste. Par exemple, le mot Sj7xdhjji, qu’on lit vers la fin, et qui marque une didiculté très grande, a été pris au sens d’une pleine négation. Rauschkn, L’Eiichariste et la pénitence, trad. fr., p. ! i, Paris, 1910. C’est forcer le mot, assez commenté par les autres exemples qu’on lit chez Hermas, Mand., ix, 6 ; xii, 1, 2 ; Sim., viii, 10, 2 ; ix, 20, 2, 3 ; 23, 3. — On a encore cru trouver trace d’dn courant rigoriste, Sim., viii, 6, 5, où il est question d’hommes qui s’opposent à la pénitence, ùr^o^-piTy.i rai SiSoiyv.i ^évv.i shfécovTsç kvA èx7rpé<j.ovrei toù^ Sow.oui tcO Qs’jÙ,

L’erreur se réfute elle-même. Ces hommes ne sont pas des rigoristes, mais bien plutôt des laxistes, qui détournent les pécheurs de la pénitence par des doctrines étrangères. Ceux-là, en tout cas, ne sont pas identifiables aux maîtres de Mand, , iv, 3, puisque nous les voyons désavoués par le Pasteur.

Une conclusion du moins ressort avec évidence : c’est que l’Eglise du ii* siècle n’est pas opposée à la réconciliation des pécheurs — pour une fois. Le fait est généralement reconnu. Mais chez les auteurs qui le reconnaissent, il arrive que l’affirmation se nuance diversement. Ainsi M. l’abbé Vacandard écrit, dans la Bévue du Clergé français, t. XXI, p. 36 (1899) : « Au temps d’Hermas, l’adultère était encore un péché rémissible. n (C’est moi qui souligne.) Ihid., t. L, p. 128 (1909) : c< Il est sur que le Pasteur préconisait l’indulgence, même en faveur des adultères. » De son côté, Mgr BATiFFOLécrit, Eludes d’histoire et de théologie positive', t. 1, p. 66(1904) : « Le principe est affirmé du droit au pardon pour le chrétien failli. Hermas l’affirme au nom du presbytérat romain et de la conscience chrétienne. Mais l’encratisme est encore trop répandu, il s’accorde trop bien avec le

pharisaïsme qui est l’ivraie de toute forte vertu, pour ne pas faire échec longtemps à la doctrine indulgente. » (C’est encore moi qui souligne.) De même, Ihilletin de lit. eccl., 1906, p. n8. — On le voit, les deux auteurs que nous venons de citer sont d’accord pour reconnaître que le Pasteur admet en principe la réconciliation des pécheurs et qu’il a particulièrement en vue les fautes de la chair. Mais la rédaction de M. 'Vacandard suppose que ce principe avait été posé anciennement, et qu’alors l’Eglise évoluait vers la rigueur. Au contraire, la rédaction de Mgr Batiffol suppose que le principe luttait contre la rigTieur ancienne et que l’Eglise évoluait lentement vers l’indulgence. On voit combien d’obscurité comporte la question. Avouons, pour notre part, ne percevoir d'évolution ni dans un sens ni dans l’autre. Retenons seulement ce qui n’est pas discuté : l’Eglise du II" siècle n'était pas opposée à la réconciliation des pécheurs. Et ces pécheurs sont, avant tout, les impudiques, comme il ressort de l’insistance d’Hermas sur la vertu opposée, 'lyy.pdztiv.. Voir notamment Sim., V, 1, 5. Le verbe 'v/'.pv.'zi’MzOv.i, revient jusqu'à vingt et une fois en une page. Mand., viii.

La troisième et dernière partie du livre d’Hermas

— Paraboles — est particulièrement riche en traits descriptifs reflétant l'économie primitive de la pénitence ecclésiastique. Nous nous arrêterons à la ixo Parabole.

L’allégorie de la tour y est reprise avec de nouveaux développements, et le voyant contemple douze montagnes, qui figurent les douze tribus, c’est-à-dire tous les peuples répandus sous le ciel, et d’où l’on extrait des pierres pour la construction de la tour. Quelques-unes de ces pierres se gâtent, et sont arrachées des murs où elles avaient trouvé place, pour être provisoirement mises au rebut. Le Pasteur explique le symbolisme de la neuvième montagne, Sim., IX, 26 :

Pour la neuvième montagne, désorte, peuplée de reptiles et de bètos homicides, voici quels chrétiens on y trouve.

- Les pierres qui portent des taches sont les diacres prévaricateurs qui ont pillé le bien des veuves et des orphelins et se sont enrichis par l’exercice de leur charge. S’ils persévèrent dans cette passion, ils sont morts sans espoir de vie ; mais s’ils se convertissent et remplissent saintement leur charge, ils pourront vivre. ' Les pierres envahies par les scories sont les renégats qui ne se sont pas convertis à leur Seigneur : restés en friche et déserts, ne s’attachent pas aux seriteurs de Dieu, d^ins leur isolement ils perdent leurs âmes. ^ De même, en efi’pt, que la vigne abandonnée dans une haie, sans soin, dépérit, est isolée par les plantes envahissantes, et finalement devient sauvage et inutile au propriétaire, de même ces hommes se sont abandonnés et, tombés à l'état sauvage, deviennent inutiles à leur Seigneur. ^ Il ya pour eux une pénitence, s’ils n’ont pas renié du fond du cœur ; mais pour celui qui aurait renié du fond du cœur, je doute qu’il puisse vivre. Cela, je ne le dis point pour les jours à venir, afin que quelqu’un ayant renié fasse pénitence : car il n’y a pas de salut possible pour qui désormais renierait son Seigneur ; mais pour les anciens renégats, il semble qu’il y ait une pénitence. Si donc quoiqu’un doit faire

fiénitence, qu’il se bâte, avant rachévenient de la tour ; sinon es femmes le mettront à mort. ' Les pierres mutilées sort des fourbes et des médisants ; il en est de même des animaux que tu as vus sur la monlagne. Comme les animaux par leur venin empoisonnent et tuent l’homme, ainsi les paroles de tels hommes empoisonnent et tuent. '^ Ilssontdonc mutilés dans leur foi, ù cause de leur conduite personnelle. Toutefois qtielques-uns ont fait pénitence et se sont sauvés. Les autres de cette catégorie peuvent aussi se sauver, à condition de faire pénitence : faute de faire pénitence, ils seront mis à mort par ces femmes dont la vertu est en eux.

On voit qu’il y a un pardon pour toute sorte de pécheurs ; non seulement pour les impudiques, ainsi qu’on l’a vu plus haut, mais encore pour les apostats, les plus compromis de tous. Des apostats s’opiniâ-