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PÉNITENCE

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« Que dit-on du Fils de l’homme ? » — Les disciples répon'*  ' * 'fiaii-Hant, iste. d’autres

. « Et

dont ; « Les ujis disent ciuo c’est Jean-Baptiste d’autres

Elie, d autres Jérémie ou ([uelqu’un des prophètes. » — « Et vous, que dites-vous de moi ? » — Pierre, prenant la parole, dit : « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant. » — Jésus répond : Bienheureux es-tu. Simon, fils de Jean ; car ce n’est pas la chair ni le sacïg qui te l’a révélé, mais mon Père qui est aux cieus. Et moi je to dis que lu es IMerre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’onl’or ne prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du roy.iumo des cieux ; ce que lu lieras sur terre sera lié d.^ns les cieux, et ce que tu délieras sur terre sera délié dans les cieux. »

Dans un entretien avec ses disciples, il leur promet une participation du pouvoir destiné à Pierre, Mt., xviii, 12-18 :

« Supposez, dit-il, qu’un homme ait cent brebis et que

l’une d’entre elles vienne à se perdre ; ne laissera-t-ii pas les quatre-vingt-dix-neuf autres sur les montagnes pour son aller ù la recherche de celle qui s’est perdue.' Et s’il réussit à la retrouver, en vérité, je vous le dis, il se réjouit pour cette brel ; is plus que pour les quatre-vingt-dix-neuf autres qui n'étalent pas [)orduos. Ainsi, n’est-ce pas la volonté de votre Pero qui est aux cioux, qu’un seul de ces petits périsse. » >

Ou vient d’entendre le principe (rénéral. Voici l’application :

« si votre frère pèche conlro vous, allez, roprenez-le entre

vous et lui seul. S’il vous écoule, vous avez gagné votre frère. S’il ne vous écoute pas, prenez avec vous un ou deux autres, afin que toute cause se décide sur la parole de deux ou trois témoins. S’il ne les écoute pas, dites-lo à l’Eglise ; s’il n'écoute pas mi^me l’Eglise, qu’il soit pour vous comme un païen et un publicain. En vérité, je vous le dis, tout ce ([ue vous lierez sur terre, sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur terre, sera délié dans le ciel, w

Une troisième parole du Christ contient la réalisation de la promesse, loan., xx, ig-sS :

.Au soir de la résurrection. Jésus apparaît au milieu de ses disciples réunis et leur dit ; « La paix soit avec vous. «  Il leur montre ses mains et son côté percé ; il reprend ; « La paix soit avec vous. Comme mou Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie, i) Puis, souillant sur eux ; ii Recevez le SaintEsprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur sont remis : ceux à qui vous les retiendrez, ils leur sont retenus, »

Dans ces trois paroles est renfermée l’institution du sacrement de pénitence.

D’un point de vue crititjue, la condition de ces textes est excellente ; on ne peut les attaquer que par raisons a priori. On leur opposera d’abord le préjugé d’ordre général, d’après lequel le Christ ne saurait avoir institué ni Eglise ni sacrement. On opposera de plus au troisième texte, qui rapporte une parole du Christ ressuscité, tout ce qu’on a coutume d’opposer au fait de la résurrection. De tels arguments sontcertainement inellicaces pour prouver que ces textes évangéliques représentent une réaction de la pensée chrétienne sur les récits primitifs de la vie du Christ. Il n’y a pas lieu de reprendre ici une discussion qui a été abordée fort pertinemment en d’autres articles de ce dictionnaire. Voir. art. Evangiles CANONIQUES, t. I, col. 1613sqq. ; art. Eglise, t. I, col. laS^ ; art. Papautk, t. 111, col. 133g-1358 ; sur la Résurrection, art. Jésus-Cukist, t. II, col. ii^^^ i^'^Prenons donc simplement ces texte » pour ce qu’ils sont, d’authentiques paroles du Seigneur, recueillies par les témoins de sa vie.

La métaphore des clefs est commentée clairement par la tradition biblique, depuis la Genèse, xli, où le patriarche Joseph ouvre et ferme les greniers d’Egypte, jusqu'à r.pocalypse, i, 17-18, où le Fils de l’homme est désigné comme c le])remier et le dernier, le vivant qui était mort et qui désormais vit aux

siècles des siècles, qui possède les clefs de la mort et de l’enfer ». On lit en /s., xxii, 23, sur Eliacim, ûls d’IIelcias : « Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David ; quand il ouvrira, nul ne fermera ; qtiand il fermera, nul n’ouvrira. » Et encore dans Ap., III, '7 : « Ainsi parle Celui qui est saint et véridique, qui possède la clef de David ; qui ouvre et nul ne fermera ; qui ferme et nul n’ouvre. » Tous ces traits descriptifs visent le plein pouvoir d’un majordome. C’est le pouvoir qu’a en vue le Sauveur, dans un cadre plus humble, parlant à son auditoire juif, Luc, XII, 4î, de a l'économe Cdèle et prudent, que le Seigneur établira sur la domesticité pour donner à chacun, au temps voulu, la mesure de froment ».

Ce pouvoir discrétionnaire, promis au prince des .pàtres, comporte en particulier le pouvoir « de lier et de délier ». Cepouvoir, étendu parletexte suivant à tout le collège apostolique, trouve son explication dans la langue rabbinique. Lier signifie user de rigueur ; délier signifie userd’indulgence. Dans la casuistique juive, on disait couramment : sur tel point

« rabbi Scharamai lie, rabbi Ilillel délie » ; tout le

monde entendait ce langage, qui signifiait : Schamraa’i défend, liillel permet. Par cette parole, le Maître instituait ses Apùtres arbitres des consciences ; il les investissait du pouvoir de prononcer sur terre des sentences de condamnation ou d’absolution, qui seraient ratifiées au ciel.

En saint Jean, le Seigneur ressuscité parle sans aucune figure. Il confère explicitement aux siens ce qu’il leur a promis, le pouvoir de retenir les péchés ou de les remettre, de condamner ou d’absoudre par sentence ellicace. La véritéenveloppée dans les métaphores précédentes atteint ici son expression parfaitement claire et définitive, et tout le plan du Seigneur se dessine. Pierre, fondement de l’Eglise, a reçu le premier la promesse des pleins pouvoirs qu’il exercera souverainement. Puis les autres ont reçu la promesse des pouvoirs qu’ils exerceront dépendamment de Pierre. Enfin tous reçoivent distinctement des pouvoirs applicables à la rémission des péchés.

11° Objections. — Des péchés irrémissibles

Ces paroles ne comportent aucune restriction, et donc suggèrent l’idée d’un pouvoir d’absoudre illimité depar l’institution du Christ. Mais on a cru découvrir des restrictions dans d’autres textes du NT.

I" Paroles du Seigneur relatives au blasphème contre le Saint-Esprit, Mt., XII, 31-32 ; Mc, Ht, a8-30 ; /.c, XII, 10.

2° Doctrine de l’Epltre aux Hébreux sur les péchés des fidèles, Ilh., vi, 4-8 ; x, 26-27 ; ^"' '617.

3' Doctrine de saint Jean sur les péchés mortels, I fo., v, 16.

Ces textes ont été souvent invoqués par des sectes rigoristes, comme impliquant l’existence d’une catégoriedepéchés irrémissibles de leur nature, au moins quant au ministère de l’Eglise. Les montanistes et les novatiensau i ! i « siècle ont donné l’exemple de cette rigueur. La tradition catholique s’y est toujours opposée ; elle a donné des mêmes textes une interprétation qui les concilie avec l’enseignement du Christ sur le pouvoir illimité de rémission confié aux ministres de l’Eglise. Nous résumerons cette interprétation, plus développée dans notre volume sur /-'fit/ift/e Catliste, Paris, ig14.

i" nlaxphème contre le Saint-Esprit,.Ml, , xii, 31-32

« Je vous le dis : tout péché et tout blasphème sera remis

aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera pas remis. Et à qui aura parlé contre le Fils de l’homme, son péché sera remis ; mais à qui aura parlé contre l’Esprit- Saint, son péché ne sera remis ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir. »