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PÊCHE ORIGINEL

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el strictement personnelle que dans le chef du genre humain, auteur responsable de l’ctat de déchéance et de péché qui résulte de son acte de prévarication en sa propre personne d’abord, puis dans celle de tous sesdescendants. Aussi est-ceà la volonté (l’Adam que saint Augustin se contente de faire appel dans l’endroit cité du second livre De niipliis et conçu piscenlia, quand il veut expliquer loiument le péché originel est, lui aussi, volontaire : l’rovsiis etori^inale peccutam, quia et hoc ex voi-untatb puimi hominis seminatum est, ut et in illo esset, et in omnes Iransirel. De son côté, saint Thomas d’Aquin voit là une conséquence de la distinction entre le peccalum persunæ el le peccntum naturac : 1e premier requiert une volonté personnelle dans l’individu, l’autre nerequiert de volonté que dans la nature, considérée comme un tout moral dépendant d’un seul chef ; ce qui fait dire au même docteur que, île tous les pécliés proprement dits, l’originel est celui où le volontaire est au degré intime : minimum hahet de voluntario. Sent., H, dis t. XXX, q. i, a. a ; dist. xxxiii, q. ii, a.i, ad a.

En somme, le volontaire dans le péché originel s’explique, comme ce péché lui-même et comme sa propagation, par la grande loi de solidarité qui, par rapport aux dons primitifs, surnaturels et préternalurels, formant l’apanage de la nature humaine, existait entre Adam et ses descendants. En conséquence, dans le péché originel, la responsabilité strictement dite ou personnelle revient au seul Adam ; pour les autres, il n’j'ade responsabilité que dans uneacception plus large, en ce sens que, recevant une nature privée des mêmes dons par la faute du chef de la famille, ils sont passifs des conséquences qui en résultent, el la première de ces conséquences est un étal de mort et d’injustice spirituelles.

Il est vrai que des théologiens catholiques ont appliqué au péché originel, considéré même dans lesdescendants d’Adam, la notion de volontaire directement el strictement personnel ; pour cela, ils ont identiûé ce péché avec celui d’Adam, déclaré nôtre soit par imputation, soit en vertu d’une certaine inclusion, interprétative ou juridique, de toutes nos volontés dans celle du premieraneètre. L’expression : Tous ont péché en Adam », signiûe alors qu’en lui el avec lui nous avons tous posé, d’une certaine façon, l’acte de désobéissance qui nous a perdus. Mais c’est là une simple opinion, dépendante d’une théorie générale sur le péché habituel, qui se réduirait, d’après ces théologiens, à la persévérance morale et à l’imputation d’un péché actuel antérieurement commis : pecratum actuale commissum eition remissum. Conception défectueuse, car elle ne tient pas assez compte du rôle essentiel qui, dans l’hypothèse de notre élévation à l’ordre surnaturel, revient à la grâce sanctilianle, comme élément constitutif de la justice et de la sainteté intérieure ; en outre, elle méconnaît ce qui vient d'être dit du caractère spécial du péché originel, considéré dans les descendants d’Adam, en l’assimilant plus ou moins soit à un péché actuel, soit à un péché habituel ordinaire ; enlin. elle suscite des dillicultés graves qui, à elles seules, fournissent un argument efficace contrecetle opinion. Voir l’Em. Cardinal Billot, La Providence de Dieu et le nombre infini d’hommes en dehors de la voie normale du salut. II. Les enfants morts sans baptême, (a.ns Ktudes, Paris, 1920, t. CLXU, p. 182134.

IV. Les objections contre le dogme du péché originel. — Elles sont de deux sortes : les unes directes, qui s’en prennent à l’idée même d’un péché proprement dit, se transmettant du premier homme à sesdescendants ; les autres indirectes, qui se tirent

des présupposés, état primitif d’innocence et déchéance commune de la race dans Adam.

A.OI’jectiousdirectes.— l.iy^présle dogme catholique, nous contracterions tous un péché proprement dit au premieriiistantdenotreexistence, nousaurions même péché en Adam. Mais comment peut-on pécher avant de savoir el de vouloir, encore plus avant d’exister ? Et M. P.vUL Janet de rééditer l’argument de l’agneau disant au loup : « Comment l’aurais-je fait si je n'étais pas né? A moins d’admettre ou la préexistence des âmes, ou une sorte de panthéisme liumanilaire, comment comprendre cette expression théologique que tous les hommes ont péché en Adam ? » /.es Problèmes du JIX' siècle, 1. V, ch. 11, Paris, 1873, p. 479 Réponse. — L’objection vaudrait si, d’après l’enseignement catholique, le péché originel, considéré dans les descendants d’Adam, était un péché actuel que nous comrætlrions au premier instant de notre existence ou que nous aurions commis en notre premier père. Qu’il en soit tout autrement, on l’a vu ci-dessus. Ce n’est pas le péché originel pris au sens actif du mol, c’esl-à-dire l’acte de prévarication posé par Adam <(ui passe à ses descendants ou qui estproprcment leur ; c’est l'étal d’injustice spirituelle dont l'àme fut passive, que ses descendants contractent par le fait même qu’ils reçoivent de leurs parents une nature dépouilléede la grâce sanctifiante qu’elle devrait posséder. Si des théologiens catholiques tendent à identifier, jusqu'à un certain point, le péché actuel d’Adam et le péché originel de ses descendants, ils n’entendent pas dire par là que nous ayons commis cepéché par nous-mêmes ouquenous commettions un acte semblable au moment de notre conception ; ils prétendent seulement que l’acte du premier ancêtre fut aussi le nôtre d’une façon interprétative, morale ou juridique, et qu’en conséquence cet acte nous est imputé jusqu'à rémission faite par Dieu dans le baptême ou autrement.

a. D’après le dogme catholique, le péché et la responsabilité qui s’y rattache se transmettraient d’Adam à ses descendants par voie de propagation : ce qui a renferme une contradiction absolue. Quelle est la source du mal ? C’est la volonté, l’art propre ilu moi dans un être individuel. Or la volonté est essentiellement incommunicable. Comment donc le péché pourrait-il se Iransmetlre par l’hérédité? On allègue la transmission héréditaire des maladies, mais c’est une transmission toute physique ; tandis que, dans la doctrine théologique, c’est le péché même, la volonté viciée, qui se transmet d’individu en individu. » PAVhlANEt, La Philosophie de /.amennais, dans Bévue des Deux-Mondes, l5 mars 1889, p. 399.

Réponse. — Autre chose est le pèche actuel el la volonté personnelle qu’il renferme comme cause immédiate, autre chose est le péché habituel ou l'état d injustice spirituelle qui se trouve dans l'âme en conséquence du péché actuel antérieur. Le péché actuel et la volonté personnelle sont choses essentiellement incommunicables, assurément ; mais, d’après l’enseignement catholique, ce n’est pas cela qu’Adam transmet à ses descendants, c’est seulement l'état d’injustice spirituelle où il est tombé en perdant la grâce sanctifiante pour lui-même el [lour sa race. Or rien ne s’oppose à ce que cet étal d’injustice spirituelle, par privation de la grâce sanctifiante, se trouve dans les descendants d’Adam comme dans Adam lui-même, avec cette seule dilférenee que, dans le chef, il dit relation au péché actuel qu’il a personnellement commis, tandis que, dans les memljres, il dit seulement relation au péché actuel de l’ancêtre commun. Devant cette explication, toute contradiction réelle