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PECHE ORIGINEL

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adaraique. L’Egliseaffirme encore le rapport de cause à effet entre l’acte de prévarication commis par noire premier père et la transmission du péclié originel à ses descendants ; et cette aflirraation siillit pour expliquer et justilier l’expression courante : tous ont péché en Adam. Mais nulle part l’Eglise n’identiUe ces deux choses : l’acte de prévarication et le péché transmis. Gequ’Adara transmet, ce n’est pas l’acte qu’il a posé personnellement, c’est l’effet qui s’ensuivit dans son àme et dans son corps, particulièrement l'étal d’inimitié ou d’aversion par rapport à Dieu, considéré comme ami et comme Un dernière. Cet état comprenait, pour Adam, la perte, et il comprend, pour ses descendants, la privation de la sainteté et de la justice originelle ; au même titre, il entraîne souillure et mort de l'âme dans l’ordre surnaturel. Nous sommes amenés de la sorte à concevoir le péché originel dans les descendants d’Adam comme un état de mort ou d’injustice spirituelle, constitué par l’absence en nous de la sainteté et de la justice que nous devrions posséder en naissant, conformément à l’ordination.primitive. Par ailleurs, la grâce sanctilianle est, dans l’ordre actuel, l'élément formellement constitutif de la vie spirituelle et de la justice intérieure, suivant la déclaration authentique du Concile de Trenle, sess. vi, cap. 8, Denzingbb, op. cit., n. 999 (681). Dès lors, c’est dans l’opposé, dans la privation de la grâce sancliliante en conséquence de la faute d’Adam, qu’il faut chercher l'élément formellement constitutif du péché originel en ses descendants. On peut, il est vrai, considérer la concupiscence comme rentrant dans l'état général de désordre que la prévarication de notre premier père a introduit dans la nature humaine ; de ce point de vue, les théologiens scolastiques y ont vu l'élément matériel du péché originel, materiale peccati ; mais, par le fait même qu’ils l’ont opposé â l'élément formel, proprement constitutif, ils ont tenu cet élément matériel pour secondaire et insuffisant, par lui seul, à créer dans l’homme un état d’injustice spirituelle et, par conséquent, de péché proprement dit.

La doctrine qui vient d'être exposée ne s’est élaborée que lentement, à mesure que la réllexion théologique s’est fixée sur les notions qu’elle renferme ou qu’elle suppose. A la fin du xi' siècle, saint Anselme i)B Cantorbéry lit beaucoup en présentant le péché originel comme l’absence, ilans l’enfant conçu, de la justice qu’il devrait posséder, mais dont il est privé par la faute d’Adam, /r(f/a » i per inobedientiam Adami iiislitlæ debitæ nuditatem. De conceptu ^'irginali, c. xxvir, P. L., t. CLVIII, col. 46 1. Deux siècles plus tard, saint Thomas d’Aqui.v précisa davantage en dégageant, dans l’ensemble des dons surnaturels et préteruaturelsque l'état de justice originelle comportait, l'élément principal, nécessaire et suffisant pour qu’il y ait union habituelle et subordination essentielle delà partie supérieure de l'âme à Dieu. Siimma iheoL, I » lln « , q. lxxxii, a. 3 ; q. lxxxiv, a. 2. Devenue commune depuis lors, cette conception est d’autant plusrecevable qu’elle fournit une heureuse synthèse des notions contenues dans l’enseignement de l’Eglise. On comprend que le péché originel soit une mort spirituelle, puisque la grâce sancliliante est le principe même de la vie dans l’ordre surnaturel. On comprend que, recevant d’Adam une nature privée de cette grâce qu’elledevrait posséder d’après la loi de sa constitution primitive, tout lils d’Adam se trouve dans un état d’injustice qui lui est propre. On comprend les termes de soinlliire ou de tache, appliqués au péehé originel, puisque la grâce sanctilianle est le principe de la beauté de l'âme, comme de sa vie, dans l’ordre surnaturel. On com

prend que, pour exprimer le privilège insigne dont a joui la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, de ne pas tomber sous la loi commune, l’Eglise se serve indifféremment de ces formules : Marie préser- 1 vée de la tache du péché originel, Marie immaculée * dans sa conception, ou de ces autres : Marie sainte, Marie ornée de la grâce sanctifiante dès le premier instant de son existence.

Reste la question du volontaire, que l’idée de péché suppose essentiellemeni : a £x vu tuntatepeccatum est t, dit saint Augustin, De nuptiis et concup.,. 11, n.48, P. L., t. XLIV, col. 464 ; et plus énergiquement encore : « Péché et volontaire se tiennent si étroitement que, là où le volontaire manque, il n’y a point de péché ; ce qui est tellement clair que nul désaccord n’existe là-dessus, ni parmi les doctes, ni parmi les autres. » De te ; vi religione, c.xiv, n. 27, /"./.., t. XXXI V, col. 133. Le pape saint Pie V a sanctionné cette doctrine en proscrivant la proposition 46- de Baius :

« La raison de volontaire n’appartienlpasà l’essence

et à la notion du péché. » Denzinger.o^. ci(., n.io46 (804). Mais autrechose est de maintenir que le volontaire doit se retrouver dans le péché originel, autre chose est de détermineret d’expliquer en quel sens il faut entendre celle affirmation. Suivant la logique de son idée, Baius continuaitdans la proposition 47' : a Par conséquent, le péché originel estun vrai péché indépendamment de tout égard et de tout rapport à la volonté [d’Adam] dont il tire son origine », et dans la 48" : " Le péché originel est volontaire â l’enfant d’une volonté habituelle et il est en lui à l'état dondnant, parce que l’enfant n’a pas de volonté contraire. dEii réprouvant ces deux propositions comme la précédente, le Saint-Siège nous enseigne â ne pas faire abstraction de la volonté pécheresse du premier ancêtre, si nous voulons comprendre quelle sorte de volontaire convient au péché originel dans ses descendants. Chez ceux-ci, if ne s’agit pas d’un acte, mais d’un étal résultant de l’acte de prévarication posé par le seul Adam ; on ne doit donc pas songer à une faute actuelle ou strictement personnelle, ni à la déiiniti^n courante du péché, « acte, désir ou pensée volontaire contre la loi de Dieu ». Aussi saint Thomas remarque-t-il à bon droit que la notion de péché ne s’applique pas dans le même sens au péché actuel et au péché habituel. Sent., II, dist. xxxv, a. 2, ad 2. Or c’est au péché habituel, pris au sens Ihéologique du mol, et non pas au péché actuel, qu’il faut comparer la faute héréditaire.

Une dilTérence notable s’ajoute â celle qui précède. D’ordinaire, le péché habituel dit relation à un péché actuel, antérieurement commis par la personne même dont il s’agit. Il n’en va pas ainsi pour la faute héréditaire, puisqu’elle dit relation au péché actuel qu’Adam seul a commis. De là vient la dénomination spéciale de péché de la nature, par opposition au péché de la personne, que les théologiens scolastiques lui ont donnée, à la suite de saint Anselme, De conceptu virginali, c. xxiii, P.L., t. CLVIII, col. 456 s., et du Docteur angélique, Summa theolog., l'^l'", q.Lxxxi, a. l. Ils veulent.dire, parla, que le péché habituel ordinaire estallribué aux individus en vertu d’actes personnelsdont ils sont directement et strictement responsables, tandis que le péché originel ne nous est attribué qu'à raison de la nature humaine que nous recevons, et telle que nous la recevons d’Adam par l’entremise de nos parents, proches et éloignés. Manifeste est la conséquence, en ce qui concerne le volontaire. Le péehé habituel ordinaire, provenant d’un acte directement et strictement personnel, suppose une volonté propre de la part du pécheur. Pour un motif contraire, le péché originel ne suppose de volonté directement