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PÉCHÉ ORIGINF.L

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habiliter suadcri polest, comme dit entre antres saint Thomas d’Aquin, Sumnia contra gentiles, 1. IV, c. Lit, Et rien n’empêche de souligner, dans l’histoire des religions, diverses traditions antiques, propres à confirmer les données de la révélation. Voir Le Ba.-CHELET, Le péché originel dans Adam et ses descendants, l’e part., ch. m ; a" part., cli. iv.

III. Détermination plus précise de la doctrine catholique. — Saint Augustin a dit du péché originel que, s’il n’est rien dont on parle plus couramment, en revanche il n’est rien qui soit plus difficile à comprendre : qiio nihil est ad prædicandum notiiis, nihil ad intelligendum secretiiis. De moribus ecclesiae calh., 1. I, c. XXII, n. 40, P. L., t. XXXII, col. l’iiS. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si, en cette matière, on ne trouve pas dans la tradition patristique de doctrine nette et ferme, en dehors des points de croyance commune que les anciens conciles ont fixés. Quel est l’élément constitutif du péché originel et comment se propagetil ? En particulier, faut-il attribuer à la concupiscence un rôle, et quel rôle, dans cette propagation ? Quelles conséquences ce péché entraîne-t-il, en ce qui concerne les forces actuelles de notre nature et le sort linal de ceux qui meurent avec la seule tache héréditaire ? Autant de questions que saint Augustin fut amené à toucher, qui l’emliarrassèrent et sur lesquelles il a pu érættfe et a parfois émis des vues personnelles que les théologiens postérieurs, malgré leur vénération pour le grand docteur, ne se sont pas crus obligés de suivre en tout. La solution de ce problème complexe exigeait, en efTet, un progrès préalable dans l’clucidalion de certaines notions connexes ; telles, notamment, la nature de la justillcation dans l’ordre actuel et la délimitation exacte des dons naturels et des dons surnaturels ou prélernaturels dans l’être concret qui fut l’Adam priinUiC.

L’Eglise elle même n’a jamais donné de déUnition ni de déclaration oUiciellc sur tous les points que nous venons d’énumérer, en particulier sur l’élément propre ou spécitique du péché originel ; toutefois, les diverses réprobations qu’elle a prononcées et les affirmations qu’elle a posées permettent de dégager une notion, à la fois négative et positive, qui suffit à l’apologiste catholique. Rappeler cette notion est chose d’autant plus opportune, que la plupart des objections directes contre le dogme du péché originel viennent de faux préjugés ou de malentendus, et qu’un certain nombre n’ont de réelle valeur que contre des conceptions étrangères à l’enseignement de l’Eglise romaine et de ses représentants légitimes.

a. Ce que le péché originel n’est pas. — D’après les principes de l’Eglise romaine, le péché originel ne peut pas consister dans une corruption physique ou intrinsèquede la nature humaine, quelle que soit la manière dont on entende cette corruption, soit par l’addition d’éléments positivement vicieux, soit par la soustraction d’éléments purement naturels, comme le libre arbitre ou la capacité de faire quelque bien d’ordre moral. Que la perte des dons primitifs ait entraîné dans Adam une détérioration positive, c’est l’enseignement formel du concile de Trente et de ceux qui avaient précédé. Mais comme ces dons étaient d’ordre surnaturel ou préternaturel, eette détérioration n’a pas atteint la nalire humaine en Adam dans ses éléments constitutifs ou ses propriétés strictement naturelles. Saint Pie Va même condamné cette proposition de Baius, la 55’ :

« Dieu au début, n’aurait pas pu créer l’homme tel

qu’il naît maintenant. » Denzinobr, op. cit., n. io55(935).

Le péché originel ne consiste pas dans la concupiscence, prise en elle-même et considérée soit comme une empreinte morbide, soit comme un vice positif. A la vérité, la concupiscence peut s’appeler péché, mais dans un sens métaphorique, comme cause, puisqu’elle incline au péché, et de plus, dans l’ordre actuel, comme elïcl, parce qu’elle vient du péché. Concile de Trente, sess. v, can. 5. Dbnzinger, op. cit., n. 792 (G-j^)- I’ne s’ensuit pas que, prise en elle-même, elle soit péché proprement dit ; ce qui est prouvé sullisarament, dans l’ordre de la foi, par le fait qu’elle demeure dans les baptisés, lavés pourtant de tout péché proprement dit par l’onde régénératrice, et, dans l’ordre de la raison, par la condition intrinsèque de notre nature complexe, oii les éléments supérieurs et inférieurs, rationnels et sensuels, laissés à eux-mêmes, entrent forcément en lutte. L’identification de la concupiscence etdu péché originel a donc pour conséquence, en droit et en fait, de faire disparaître en celui-ci le caractère de péché proprement dit. Aussi, dans le texte de la constitution dogmatique De doctrina cailiolica, présenté aux Pères du concile du Vatican, proposait-on de définir expressément que la tache originelle ne consiste ni dans la concupiscence, ni dans une maladie, physique ou substantielle, de la nature humaine. Acta et décréta ss. oecumeiiici Concilii Vaticani. Collectio Lacensis, t. VII, col. 566.

Le péché originel ne consiste ni dans une action strictement personnelle, ni dans quoi que ce soit d’immédiatement volontaire aux fils d’Adam qui contractent ce péché. Certains ont affirmé le contraire, en partant de ce principe, que l’idée de volontaire est essentielle au péché proprement dit ; comme, par ailleurs, ils assimilaient le péché originel au péché actuel, ils ont prétendu lui appliquer la définition courante : « acte, désir ou pensée volontaire contre la loi de Dieu » ; de la sorte, des protestants ont été amenés à soutenir qu’en arrivant à l’âge de raison, l’enfant consentait à son péché originel. Ce qui est, en réalité, sortir de la question ; car il s’agit d’expliquer le péché contracté par l’enfant au moment même de sa conception, et non pas un péché d’acquiescement ou de consentement qu’il pourrait commettre en acquérant l’usage de la raison. D’autres ont eu recours à l’hypothèse de la préexistence des âmes, pour expliquer par un péché commis dans une vie antérieure l’état de déchéance actuelle ; ce fut le rêve d’ORioÈNE, au moins dans sa jeunesse ; des théosophistoset des spirites l’ont repris de nos jours, et même un philosophe allemand, JuliusMiiL-LER, Die christliche I.ehre fon der Sùnde, t. Il surtout, 4éd., Breslau, 1858. La condamnation portée contre la théorie origéniste et sanctionnée par le pape Vigile écarte cette dernière solution. Dknzin-GER, op. cit.. n. 203, 206(187, 190). En outre, le pape Innocent III, c. Majores, repousse l’assimilation du péché originel au péché actuel, car il les différencie précisément en ce que l’un est contracté sans consentement, tandis que l’autre est commis avec consentement : originale, qiiod uhsqiie consensu contrahitur ; actuale, quod committitur cuni consensu. Denzinger, op. cit., n. 4 10 (34 1) b. Ce que le péché originel est. — Dans les documents officiels rapportés ci-dessus, l’Eglise nous présente le péché originel comme une mort spirituelle, peccatum quod est mors animæ ; comme une souillure ou tache, contractée d’abord par notre premier père, inquinalum illum peccato inobedientiae, mais passant à tous ses descendants ; comme une injustice inhérenteà chacun, /jropri’a injustitia ; et tout cela se trouvant en nous au moment même de notre conception et en vertu de notre descendance