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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

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les So.ooo vieillards hospitalisés par elles « ne savent, ni eux ni elles, s’ils dîneront à midi et s’ils souperont le soir, et partout, pourtant, ont à diner et à souper chaque jour » (Mgr Baunard, up. cit., p. 279). Une ancienne servante, JkanneJugan, néeà Cancale, ayant amasse pénil)lement six cents francs d'économies à quarante-cinq ans, telle est la fondatrice. Tout en continuant à travailler à la journée jiour vivre, elle recueille les vieillards abandonnés et avec Fanclion Auhert, Catherine Jamet et Virginie Trédaniel, fonde, à Saint-Servan, sous la direction de l’abbé Le Pailleur, la congrégation nouvelle (18(io). Kn 1845, l’Académie française décerne à Jeanne Jugan un prix Monlyon de 3. 000 fr., qui est entièrement employé aux besoins des pauvres. « Le sous-préfet de Saint-Malo, écrit Maxime du Camp, lit appeler Jeanne Jugan, lui adressa un petit discours, poussa la familiarité administrative jusqu'à l’embrasser et lui remit les 3. 000 fr. Trois mille francs, six cents pièces de cent sovis empilées, alignées, sonnantes et trébuchantes : jamais Jeanne Jugan n’avait possédé, n’avait aperçu une pareille somme ; elle rêva des phalanstères sans limite où tous les pauvres de ce l>as monde trouveraient bon soui)er et bon gîte : visiim d’avenir qui peu à peu se réalise et que la pauvre (ille a dû avoir plus d’une fois, lorsque [lar le vent, la pluie, le soleil ou la neige, elle s’en allait quêlaiil de porte en porte, ne se rebutant jamais, ne demandant rien pour elle, sollicitant pour les autres et parfois éclatant en sanglots lorsqu’elle racontait les misères en faveur desquelles elle tendait la main : Un pelit sou, s’il vous plaît ! — Ah ! quels prodiges on obtient avec le petit sou, lorsqu’on sait l’employer ! » (Maxime i>u Camp, de l’Acad. franc., /.a charité priféeà i’aiis, /)' éd., p.2lt). Aujourd’hui, les Petites Sœurs sont plus de 6. 000, et comi)tent cent vingt maisons en France et plus de deuxcents à l'étranger, abritant plusde 50.ooo vieillards. (I De1840àigoo, écrit Mgr TissiEn, elles ont pourvu par la quête à 130 millions de journées de présence de vieillards dans leurs maisons » (MgrTissiBn, 18"' chapitre de ta Vie catholique dans la France contemporaine, Paris, ig18, p. 75). Quel chiffre global représentent, pour les soixante premières années, la nourriture, le cUaulfage, le vêtement et l’entretien de ces 130 millions de journées ?Et il conviendrait d’ajouter les 20 dernières années pour avoir une idée exacte de ce qu’est devenue l'œuvre de Jeanne Jugan, œuvre toujours basée, comme au début, sur la quête quotidienne à domicile (Voir dans Maxime DU Camp, op. cit., le très impressionnant chapitre consacré aux Petites Sœurs des pauvres, pp. 1-64). Admirable fécondité delà charité catholique ! Au moment où Jeanne Jugan fondait à Saint-Servan la merveille que nous venons d’indiquer, Jeanne-Françoise Chabot, veuve à vingt-trois ans d’un commerçant, M. darnier, après avoir perdu deux enfants, commence à visiter les pauvres de Lyon et rencontre une (I lépreuse », victime de la débauche, rongée par un mal incurable et abandonnée de tous. Elle parvient à surmonter son dégoût, soigne cette femme, la panse, la fait transporter dans un hôpital où elle meurt bientôt ilans des sentiments ohrétiensréveillés par le dévouement de madame Garnier. Celle-ci a trouvé Savoie. Le 3 mai 1843, es Dames du Calcaire sont fondées, avec l’autorisation du Cardinal de Bonald, archevêque de Lyon, avec, pour mission, le "soin des femmes cancéreuses et incurables. L'œuvre se compose : i" de dames veuves agrégées qui viennent à l’hospice panser les incurables ; 20 de dames veuves qui résident dans l’hospice et soignent les malades ; 3" de dames veuves zélatrices qui quêtent pour accroître les ressources nécessaires

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au traitement des malades et à l’entretien de la maison ; 4° d’associées qui versent une cotisation annuelle, dont le minimum est de vingt francs. L'œuvre entière ne repose que sur des veuves ; c’est l’ordre de la viduité. Un article des statuts dit expressément : '( Les dames sociétaires ne forment point une société religieuse proprement dite. L’association n’exige de ses membres aucun vœu, ni perpétuel, ni temporaire. On peut en faire partie sans renoncer entièrement à sa famille, à ses biens, à sa liberté. » C’est là l’originalité de l’o-uvre et sa force. Chaque jour, des dames du monde, et du plus grand monde, continuent auprès des cancérées l’a-uvre inaugurée yinr madame Garnier : « Plus d’une a dû se sauver à la vue d’une araignée et pousser des cris de détresse en apercevant une souris ; pour éponger la putridité des cancers, elles ont accompli sur elles-mêmes un effort dont seules elles peuvent apprécier la puissance. Seraient-elles parvenues à dompter leurs instincts, à modifier leur nature, à triompher de leurs répugnances, si elles n’avaient pas eu la foi ? — Non » (Maxime du Camp, op. cit., 4* édit., p. 210).

Avons-nousépuisé la liste des œuvres charitables — d’une charité héroïque — inspirées par l’Eglise au xixesiccle ? Loin delà. Elle esta peine commencée. Il faudrait examiner dans le détail l'œuvre des .'iœurs de Marie Au.riliatrice, fondées en 1854 à Castelnaudary par l’abbé de Soubiran, et établies en 1872 à Paris, 26, rue de Maubeuge, puis à Villepinte et à Champrosay, où elles soignent les jeunes lilles phtisiques avec un dévouement admirable, 11 faudrait ajouter VŒuvre des Sœurs aveugles de Saint-Paul, créée pour les jeunes filles aveugles par Anne Bergunion à Vaugirard, puis à BouiglaReine et enfin à Paris, 88, rue Denfert-Rochereau, dans une dépendance de l’Infirmerie Marie-Thérèse, fondée par madame de Chateaubriand en faveur des prêtres malades ou infirmes. C’est ensuite l'œuvre des Sreurs de la.S' « ^csse, consacréesauxsourdes-mu<'ttes, et immortalisées parle beau livre de M. L. Arnould, Ames en prison, comme les œuvres précédentes l’ont été par Maxime du Camp. C’est VŒuvre de la Miséricorde, fondée en 1801 en faveur des filles repenties, par Mlle Thérèse de Lainourous, surnommée l’Ange de Bordeaux. Ce sont les maisons du Bon Pasteur, consacrées à lamémeœuvre, etspécialenient le Bon Pasteur d’Angers qui en dirige à lui seul 40 autres ; ce sont les liefuges de Sainte-Madeleine, « autant de bercails ouverts, dans chaque diocèse, aux brebis égarées et blessées par les épines de ce monde de péché » (Mgr Baunard, op. cit., p. 281) ; c’est l'Œutre catholique internationale pour la protection de la jeune fille, avec ses nombreux comités régionaux, ses services des gares et ses innombrables maisons d’accueil, qui, de 1899 à igo5, ont hospitalisé en France 10.028 jeunes filles isolées, et à Paris 11.919 dans la seule année igoS (Mgr TissiER, op. cit., p. 77). C’est l’Institut des Sœurs duT. S. Sauveur d’Oberbronn (Alsace), fondé en 184g par Elisabeth E|)pinger, etdont les trois mille religieuses visitent gratuitement les malades à domicile, comme les Petites Steurs de l’Assomption, égSiXeinenl sipopxilaires. La clinique de la rue Bizet est célèbre depuis qu’y fut « bien soigné », comnieil le désirait, M. Clemenceau (Cf. Mgr. IvANNKNoiBSKn, L’abbé Simonis, député au Ueichstag, supérieur des Sœurs de Niederbronn, Paris, 191 4. P- 208).

Interminable serait la liste des œuvres catholiques d’assistance fondées en France et à l'étranger au xix° et au XX' siècle. Pour les nouveau-nés, la Société des Crècltes, la (, 'réche à domicile, VAssociation des Mères de famille, VŒuvre Maternelle de Sainte 55