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PAUVRES (LES) ET L’ÉGLISE

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fréries, de retrancher de leur sein les membres qui

« causaient du scandale », conférait à ces associations

une influence liautement moralisatrice.

Ces charités, répétoiis-le, avaient existé avant le xvil’siècle. C’est ainsi qu’on trouve au xvi « siècle des Bureaux de charité, comme par exemple, la Chambre des pauvres de Beaune et de Calais, le Bureau perpétuel A’meQS, le Bureau de misère de Reims, le Bureau des pauvres de Hayonne, e Bureau de miséricorde de Rethel. Ils étaient secondés par les liDuillons des pauvres, qui distribuaient de la viande et des médicaments aux « pauvres honteux ». On étonnerait probablement un certain nombre de nos modernes philanthropes en leur apprenant c|ue ces expressions de Bureau des pauvres, de Bouillon des pauvres, de pauvres honteux, etc., étaient déjà employées au xvi’et au xvii" siècle, et que, loin d’innover dans leur organisation des Bureaux de bienfaisance, ils ne font que copier leurs ancêtres catholiques.

B) Les Dames de la Charité. — Beaucoup de ces confréries avaient disparu pendant la tourmente des guerres de religion. C’est la gloire de saint Vincent de Paul de les avoir reconstituées et remises en honneur sous le nom de Compagnies des Dames de la Charité.

Lorsqu’il était curé de Ghâtillon-les-Dombes, il avait fondé en 1617 une Confrérie de Dames de la Charité ; les daræs riches de sa paroisse, parmi lesquelles Mme de la Cliassaigne, visitaient les malades et Ifur portaient les secoursdont ils avaient besoin. Cette confrérie donna naissance à d’aulres ; elle fut imitée à Bourg, la ville voisine, puis bientôt, parl’intermédiaire de Mme de Gondi, des compagnies de Dames de la Charité furent établies à Villepreux, à Joigny, à Montmirail, et dans presque toutes les terres appartenant aux Gondi. Dès 1618, l’évêque de Paris en approuve les règlements pour son diocèse, et en 1620 l’évêque d’Amiens les approuve à son tour.

Quels étaientles statuts deces confréries ? — Avant d’entrer dans les détails, citons quelques extraits des statuts de la confrérie des Dames de la Charité de Rethel, instituée par l’initiative de Monsieur Vincent en 1643, récemment découverts aux Archives de Reims par M. Henri Jadart, membre de l’Institut. Le lecteur remarquera l’analogie de ces documents et de ceux que nous citerons ensuite, avec les statuts des Maisons-Dieu du Moyen Age et les textes des Pères de l’Eglise. On y retrouve le même esprit et parfois les mêmes expressions, tellement la charité chrétienne, à dix ou quinze siècles de distance, est semblable à elle-même.

Le but d’abord : « Soulager les pauvres malades de la paroisse, tant corporellement que spirituellement ». — L’esprit de cette œuvre ?… « Les daræs emploj’ées dans ce saint exercice, tâcheront en iceluy de s’avancer de plus en plus en l’amour de Jésus-Christ, iêijfue/ elles considéreront en la personne deces pauvres malades, et agiront >ers eux comme elles feraient vers ce Seigneur, si luy-même était malade dans la paroisse. » — L’organisation : Elle est très simple : Trois olFicières : une supérieure, qui doit veiller à ce que tous les malades soient visités ; une trésorière.qui doit centraliserlessecours ; une gardemeuble, qui doit garder le linge pour les malades. Quant aux autres dames, elles iront voir à leur tour les pauvres malades, leur porter à dîner, qui sera d’ordinaire du potage et un peu de viande avec un petit pain blanc, et leur laisseront une couple d’œufs pour le soir avec du pain suffisamment. Elles feront cuire la viande eu leur logis et la porteront environ

sur les dix heures chez les malades. Elles tâcheront elles-mêmes à les faire dîner et être là présentes et les consoler et réjouir doucement «. Voilà pour les secours corporels ; pour les secours spirituels, les Dames de la Charité sont exhortées à faire du bien aux âmes des malades, à les engagera recevoir les sacrements et à faire dire une messe pour les morts, aux frais de la Confrérie.

Voyons maintenant le sens pratique des organisateurs. Dans le règlement de la confrérie de la paroisse Saint-Eustache (1654), publié en 1908 par la Société des Bibliophiles français, on lit les recommandations suivantes, d’une éternelle actualité :

Ordre à tenir pour la visite des pauvres honteux. Prendre garde aux surprises et artifices des pauvres qui veulent passer pour de vrais pauvres honteuxce qui mérite grand examen, parce qu’ils ont les aumônes de ceux qui sont véritablement pauvres. » On recommande aux visiteurs de se méfier de ceux qui déguisent leurs noms, qui les changent, qui en prennent plusieurs, qui n’exposent pas la vérité

« dans leurs billets «.C’est pourquoi « il est plus sûr

de leur donner les choses en nature, comme de l’estofTe, de la soye, du cuir, que de l’argent ». « …Il est aussi très à propos de leur réserver du charbon, des chaussures et autres petits soulagements pour l’hiver ». Enfin on ajoute : « Il importe aus-si d’avoir un magasin pour les provisions et besoins nécessaires aux pauvres et des meubles et ustanciles marqués à la marque de la Paroisse et de leur donner par prêt, ahn qu’ils ne les puissent vendre ni les créanciers ou les propriétaires de la maison les saisir. »

A Paris, la compagnie des Dames de la Charité trouva un champ iramensed’apostolat ; la présidente Goussault, qui en était l’âme, avait été frappée de ce fait que 26.000 malades environ passaient chaque année par l’Hôtel-Dieu de Paris. Elle s’était rendu compte [lar de frcquenles visites que les sœurs, malgré leur dévouement, ne pouvaient consacrer que peu de temps aux malades, juste le temps nécessaire aux soins corporels et à l’exécution des ordonnances des médecins. Il y avait quelque chose de plus à faire. Elle en parla à M. Vincent et obtint son assentiment. Il donna aux Dames de la Charité quelques règles pratiques, et en 1634 elles commencèrent leurs visites aux malades de l’Hôtel-Dieu. Vincent leur avait recommandé de s’habiller simplement, de se montrer familières et cordiales avec les pauvres, d’être très respectueuses vis-à-vis des religieuses et de ne froisser personne. Elles portaient aux malades des fruits et des confitures, des biscuits, des bouillons au lait, et surtout elles les consolaient et leur témoignaient « compassion de leurs maux », touten leur parlant doucement et suavement de la religion.

« On vit alors à l’Hôtel-Dieu un admirable spectacle : 

des femmes jeunes, belles, riches, devenues les humbles auxiliaires des sœurs gardes-malades, et cela non pas sous l’influence d’un enthousiasme éphémère, mais avec une persévérance continue, à jour et à heure flxes, aussi prodigues de leur peine que de leur argent, aussi secourables aux malades que déférentes envers les sœurs maîtresses de la maison » (Comtesse Roger de CouRsoN, /.’fk’»e Hebd., 25 juillet 1908).

Quelles étaientles plus connues de ces Dames de Charité ? C’était, avec la Présidente Goussault, Elisabeth d’Aligre, chancelière de France, Mme de Traversay, Marie Fouquet, la mère du trop fameux surintendant, femme toute surnaturelle, qui, en apprenant la disgrâce de son fils, dit simplement : Il Je vous remercie, ô mon Dieu ; je vous avais toujours demandé le salut de mon fils ; en voilà le chemin. » C’étaient encore Marguerite de Gondi, mar-