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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

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priétaires du sol que leurs successeurs, better landliiids titan their siiccessors » ; les premiers répandaient des aumônes autour d’eux, et les pauvres voyageurs, auxquels ils donnaient la nui tl’hospilalilé, recevaient en quittant le monastère des provisions de bouche et un peu d’argent ; les seconds, au contraire, exploitent àpreiuent leurs nouvelles propriétés et même les terres vagues, dont l’herbe nourrissait auparavant la aoheou les quelques moutons des villageois trop peu fortunés pour acheter des terres, n II est, conclut le savant bénédictin anglais devenu en igiij le cardinal Gasquet, une vérité positive : c’est que le paupérisme, qui se déchaîne furieux aussitôt après la suppression des monastères, est tenu en bride tant que ceux-ci restent debout… L’extermination complète des monastères, si bienfaisants et si indispensables à la vie du pays, dut causer une immense misère ; peu de gens nient ce fait, bien qu’ils n’en saisissent pas toute la portée. Les auteurs qui ont traité le sujet au point de vue économique, s’accordent presque tous à voir dans cette suppression la véritable source des maux issus du paupérisme, en tant qu’il se distingue de la pauvreté » (R. P. Gasqurt, Henri Vlll et les monastères anglais, traducl. française, iii-8, a vol., 18y4 ; t. ii, pp. 48j-501). Cette perturbation économique n’est pas douteuse, o Je suis convaincu, écrit de son côté 'Thorold Rogrrs, que, même sans sa querelle avec Rome, les besoins d’argent et le gaspillage inconsidéré d’Henri l’auraient fatalement entraîné à dissoudre les monastères et àconlisquer leurs biens… La dissolution des monastères a élé cause d’un bouleversement éconoinii(ue intense » (Th. Rogehs, Travail et salaire en Aigleterre depuis le xiw siècle ; tr : id. franc, par Castelot, in-8, 1897, pp. 391-296). > Dès l’année iS^o, écrit J. Thksal, le parlement fut obligé de venir en aide à cinquante-sept vil les tombées en décadence par suite de la destruction des abbayes. La première quête pour les indigents, début du fameux iinpôldes pauvres, eut lieu en ib’iS. Le paupérisme, une des plaies les plus hideuses de l’Angleterre actuelle, date de la destruction des monasti’res » (J.Trhsal, /.es Origines du Schisme anglican, p. lyo). La cause est entendue On sait d’ailleurs quels moyens hypocrites employèrent Henri Vlll et les visiteurs royaux, Legh et Layton, pour arracher aux abbés des monastères des formules d’abandon, quitte à les faire décapiter, s’ils refusaient, comme il arriva aux abbés des trois grands monastères bénédictins de Reading, Glastonbury et Colchester. Les biens des 800 monastères anglais qui devaient, disait-on, servir à élever les enfants pauvres et à faire des pensions aux vieux serviteurs, — comme de nos jours f le milliard des congrégations » était soidisant destiné aux retraites ouvrières, — furent vendus par le roi ou donnés par lui à ses courtisans et à l’aristocratie nouvelle qui fut le plus ferme appui de la nouvelle religion (Cf. Langlois, //ist. gén. de Lavissb et Rambaud, l IV, p 676). Les six femmes d’Henri VIII ne furent pas oubliées non plus, bien que deux d’entre elles dussent finir sur l'échafaud avec « douze ducs et comtes, cent soixante-quatre gentilshommes, deux cardinaux archevêques, dixhuit évëques, treize abbés, cinq cents prieurs et moines, trente-huit docteurs en théologie ou en droit canon » (Hbrgbnrobthkr, /Ust. de l’Eglise, t. V, p. ! , n ; MouRRRT, Hist. gén. de l’Eglise, I. V, la Heriaissarice et la Réforme, Blond, 1910, p. S^a-S’jil). Tel est, en effet, le bilan des nobles victimes du fondateur de la Réforme anglaise. On ignore le nombre des victimes populaires.

Si enfin nous considérons la France et les résultats des guerres de religion, la conclusion sera la

même, avec la différence toutefois que la nation sauvée au xv8 siècle par Jeanne d’Arc demeura, après la conversion d’Henri IV, le boulevard du catholicisme dans le monde, qu’elle étonna par le prodigieux épanouissement catholique et français du xviie siècle. Mais au xvp siècle, comme l’Allemagne et l’Angleterre la France avait connu, partout où les partisans de la Réforme avaient triomphé, les mêmes dramatiques horreurs Ils avaient aussitôt aboli l’exercice de la religion catholique, j renversé les autels, brisé les reliques, abattu ou dévasté les églises et les monastères, et mis à mort les prêtres et les religieux. C'était le fer et le feu à la main qu’ils commençaient leur mission, tout en venant, disaient-ils, réformer l’Eglise et épurer l’iivangile. C'était en pillant et en massacrant qu’ils demandaient la tolérance » (Picot, Influence de la religion en France au XVI I' siècle, I, p. 10). Que les catholii|ues se soient défendus, c'était leur droit et leur devoir, en présence d’injustes agresseurs qui portent devant l’histoire la responsabilité d’avoir « tiré les premiers », car il estavéré que dans les trois années qui précédèrent le massacre de Vassy (1562), cauBede lapremière guerre de religion d’après les prolestants, la plupart des provinces françaisesavaienl été misesà feu et à sang par les huguenots ; la Guyenne, le Languedoc, le Poitou, l’Anjou, la Normandie, le Dauphiné, la Provence, l’Orléanais, l’Amiénois avaient été ravagés et pillés et « l’année 1662, écrit Louis Batiffol, a vu plus de statues de saints démolies à coups de pierre aux porches des cathédrales que six ans de Révolution française n’en ont vu casser. » {/lei'. Ilelid., 18 nov. 1908). La même année 1562 vit Colignye ! les siens livrer le Havre et la Normandie aux Anglais et, les premiers, faire appel à l'étranger. Quant aux conséquences lamentables des factions et des luttes entre Français, on ne les devine que trop. « Le royaume, depuis ces guerres civiles, écrit Miohkl de Casltblnau, est exposé à la mercy des peuples voisins et de toutes sortes de gens qui ont désir de malfaire.aj-ans de là prins une habitude de piller les peuples et de les rançonner, de tousaages.qualitezet sexes, saccager plusieurs villes, raser les églises, emporter les reliques, rompre et violer les sépultures, brûler les villages, ruiner les chasteaux, prendre et s’emparer des deniers du Roj'. usurper lesbiens des ecclésiatiques, tueries [irestres et religieux, et bref exercer par toute la France les plus détestables cruaulez » (Mémoires de messire Michel db Castelnau. liv. I, chap. vi ; liv. V, chap. 1. Collect. Petitot, t. XXXlll).

Ce i|ue devenaient les pauvres au milieu de tous ces excès, il est facile de liniaginer, et d’ailleurs les renseignements abondent. Le même historien, après avoir rappelé que la France était « le jardin du monde le plus fertile > et que l’agriculture y était plus prospère « qu’en aucun autre myaume », nous montre

« les villes et villages en quantité inestimable, estans

saccagez, pillez et brûlez, s’en allant en désert ; et les pauvres laboureurs chassez de leurs maisons, spoliez de leurs meubles et bestail, pris à rançon et volez aujourd’huy des uns, demain des autres, de quelque religion ou faction qu’ils fussent, s’enfuyant comme bestes sauvages, abaiidonnans tout ce qu’ils possèdent, pour ne demeurer à la miséricorde de ceux qui sont sans mercy » (Ibid.). Pierre DR l’EsToiLE, parlant de l’année 1586, écrit : « En ce mois d’aoust, presque par toute la France, les pauvres mourans de faim vont par troupes couper les espis à demy murs qu’ils mangent sur le champ, menaçans les laboureurs de les manger eux-mesræs s’ils ne leur permettent de prendre ces espis » (P. de I’EsTOILE, Méinoires-Journau.r, Collect. Petitot, I. XLV, p. 31g. Cf. également : yVémoires de Messire Phi-