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PAUVRES (LES) LT L'ÉGLISE

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ou des lèvres. CetteJ disposition existait à Lille, à Cæn, à Pontoise, à Saint-Julien de Cambrai, les historiens nous l’affirment ; elle existe encore, avec l’immense salle oùl’air abonde - avantage précieux pour des malades — àl’Hôtel-Dieude Beaune.à Angers, à Cluny, à Provins, à Tonnerre, à Semur, à Compiègne, à Chartres, à Vesoul et dans beaucoup d’autres villes. A cette époque de foi, quelle distraction et surtout quel réconfort pour les pauvres malades que cette participation aux rites religieux et cette cohabitation du pauvre avec Dieu, dans la personne du Christ présent sous les espèces du sacrement ! Us étaient vraiment dans la " Maison-Dieu », assistés par des anges au corps mortel, et préservés de l’ennui et de la désespérance qui régnent dans beaucoup d’hôpitaux modernes (Cf. Abbé Boudrot, L’Hôtel-Dieu de Beaune, Beaune, 188a ; C. Dormois, .ot. kist. sur i Hôpital de Tonnerre, Auxerre, 185l^).

Autour de la grande salle, existent des salles moins vastes destinées à diverses catégories de malades ; on y voit en particulier < l’iulirmerie des griefs malades " mentionnée dans la plupart des statuts, et aussi " la chambre des accouchées » ou « des femmes gisans d’enfante », signalée à l’Hôlel-Dieu de Paris, de Lille, d’Amiens, d’Abbeville. de Saint-Riquier, etc. A Trojes. dès 1270, l’Hôtel-Dieu disposait d’une maison uniquement affectée à la réception des femmes malades ou « gisans ». Les bains, on le sait, étaient fréquents au moyen âge, contrairement à l’opinion de Michelet qui affirme gravement qu’on ne se lavait pas à cette époque. Des baignoires, des i( cuves à baigner les femmes », des petites bassines pour baigner les nouveau-nés, si souvent lîgurées dans les tableaux des peintres italiens représentant la Nativité, complétaient l’installation des chambres réservées aux accouchées, a La règle de Saint-Jean de Jérusalem, reproduite en cela comme en beaucoup d’au’res articles par celle du Saint-Esprit, recommandait avec insistance de ne pas coucher les enfants avec leurs mères et de leur donner des berceaux séparés » (Lb Grand, f.es Maisons-Dieu art. cité, p. 131. Règle du Saint-Esprit, art. Sg).

Les enfants abandonnés étaient également reçus dans les hôpitaux du Saint-Esprit et peu à peu des maisons spéciales furent créées pour eux.

La réception des malades se faisait à l’entrée de l’hôpital par le frère portier ou par unesœur chargée de ce soin, soit que les malades fussent en état de venir eux-mêmes solliciter leur admission, soit qu’il fussent apportés sur des brancards. A.Angers, du xni<= au xv siècle, deux frères de l’Hôtel-Dieu étaient chargés deux fois par semaine de » quérir les pauvres parla ville n. A Grenade, au xvi* siècle, saint Jean de Dieu allait u les chercher dans les rues où ils

« lalaient leurs plaies pour exciter les passants à

leur jeter quelque aumône, ou bien encore au coin de quelque place publiqueoii ils gisaient abandonnés et tremblant la lièvre. Ceux qui ne pouvaient marcher, il les chargeait sur son dos… Son premier office envers tout nouveau venu était de lui laver les pieds, qu’il baisait avec respect et charité, puis, après l’avoir mis au lit, il tâchait de le disposer à se confesser et à se rendre ainsi plus digne d’obtenir de Dieu la grâce de sa guérison. Tous ne répondaient pas à cet appel… » (L. Saglikr, Vie de saint Jean de Dieu, Vans, 1877, p. 134). Cette pratique, indiquée, nous l’avons dit, dans les statuts de tous les hôpitaux du Moyen.ge, était conforme aux mœurs d’une époque et d’une société prof mdément imbues des idées chrétiennes. Lesalutde l'àme était envisagé en même temps que le salut du corps.

On areproché auxhôpitaux du Moyen Age d’avoir admis plusieurs malades dans un même lit. Soit

à cause de l’encombrement, soit à cause de l’usage alors assez fréquent chez les indigents, il y avait en eO’et dans les salles de très grands lits, capables de contenir deux ou même trois pauvres ; mais il s’agit surtout d’hôpitaux consacrés à l’hospitalité de nuit {Xenodnchia). Si parfois, comme à l’Hôtel-Dieu de Xoyon, par exemple, ce système était employé pour des malades légèrement atteints, on voit les statuts de la plupart des hôpitaux recommander de mettre toujours « les griefs malades, chacune part soy, en un lit, sans compagnon », comme le prescrit un règlement de 149^ pour l’Hôtel-Dieu de Paris ; une foule de miniatures, de peintures, de sceaux, représentent des religieuses hospitalières soignant un malade couché seul dans un lit.

a Outre les drai)s, les lits étaient garnis de matelas, de lits de plume ou couettes, de couvertures, de couvrepieds fourrés, d’oreillers. Les statuts de l’HôtelDieu de Troyes portent que chaque lit devait être fourni de deux couvertures en été ; l’hiver on en ajoutait une troisième, avec les vêtements du malade. En effet, après avoir déshabillé et couché le nouvel arrivant, on devait soigneusement mettre ses bardes de côté, pour les lui restituer à la sortie ; la maison se chargeait de l’entretien de ces habits qui, la plupart du temps, sans doute, étaient fort misérables. Au besoin elle rachetait ceux que le pauvre avait dû mettre en gage. Les « linceuls » ou draps devaient être entretenus avec la plus grande propreté ; à Troyes on les lavait chaque semaine et au besoin chaque jour (Troyes, art. ^4. Angers, art. 12, Vernon, art. II). Différents documents montrent que les « seigneurs malades » étaient entourésd’un certain luxe. Sans parler des peintures qui décoraient les murs et dont des restes sont parvenus jusqu'à nous, comme à Chartres et à. gers, il sullit de rappeler que dans l’Hôtel-Dieu de cette dernière ville on recouvrait à certains jours les lits des malades de draps de soie (.rch. Xat. X"", 4786, fol. 126, v*, 1403) et qu'à Reims on employait à cet usage des toiles brodées dont quelques spécimens subsistent encore aujourd’hui. » Enlin pour chauffer les salles, on jetait à profusion dans ces vastes cheminées propres aux constructions de l'époque, le bois dont le roi accordait très libéralement la coupe dans les forêts du domaine. Il Dans les villes du Nord, on plaçait devant les malades, pendant l’hiver, une « keminée de fer » qui ne doit être autre chose que notre poêle moderne » (Léon Le Gr. d, art. cité, Hei’ue des Quest. Hist. 1" janv. 1898, p. iSy).

Nous pouvons facilement imaginer les soins donnés aux pauvres malades par les hospitaliers et les hospitalières, si nous parcourons les statuts des HôtelsDieu et gardons présente à l’esprit cette idée qu’en soignant le pauA-re, c’est Jésus-Christ qu’ils assistent en esprit, puisqu’il regarde comme fait à lui-même ce qui est fait au plus humble des siens. Us doivent faire « toute diligence pour voir et vvarder les malades et honorer si cum signeurset sen-irà eux sicunià Diu a (Statuts de Lille, II, art. i ; Pontoise et Vernon, prologue). En conséquence, les frères et les sœurs doivent aider les malades à se lever et à se recoucher, les assister dans leur toilette, refaire leurs lits, tenir leurs draps « nets et blancs » et remplir n doucement et suavement » leur office de gardes-malades (Angers, art. 8 ; Troj-es, art. 85). Us ne doivent prendre leur repas qu’après avoir servi celui des pauvres, et non seulement la nourriture des pauvres doit être aussi bonne que la leur, mais elle doit être meilleure et mieux apprêtée, si l'état des malades l’exige. C'était la règle habituelle des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, et la plupart des hôpitaux l’avaient adoptée, t A Beauvais, par exemple, pendant l’exercice