Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/852

Cette page n’a pas encore été corrigée

1691

PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

1692

miséricorde si célèbres à cette époque : nourrir ceux qui ont faim ; donner à boire à ceux qui ont soif ; donner l’iiospitalité aux étrangers ; vêtir ceux qui sont nus ; soigner les malades ; délivrer les captifs ; ensevelir les morts. On y accueille les pèlerins elles voyageurs ; on y reçoit les vieillards, les malades, les blessés, les infirmes, parfois les aliénés dans un pavillon spécial, etaussi les femmes enceintes, les enfants trouvés, etc. L'évêque de Saint-Malo, en fondant l’Hôtel-Dieu (125a), fait un legs spécial pour l’assistance des femmes en couches. La Maison-l)ieu de Corbeil contient à leur usage une salle spéciale. Il en est de même à Annonay, à Romans, à Montreuil, à Nevers, à Nuremberg, à Francfort, à Kottweil, etc.

Ces Maisons-Dieu sont surtout fondées aux x « et xi= siècles, par les évêques et le clergé, notamment par les chanoines ; par exemple, vers 1080, les chanoines de Saint-Martin de Pistoie établissent l’hôpital di san Luca en faveur des pèlerins et des convalescents. A Wiirzbourg, en 1097, l'évêque Einhard érige un nouvel hospice. L’archevêque de Coblentz, Bruno, place une demeure des pauvres à côté de l'église de Saint-Florin (iiio) ; l’hospice de Chàteaudun est dû, au xiE siècle, à de pieux ecclésiastiques vivant en communaiité. En beaucoup de cas, les hospices antérieurs ont été détruits lors des invasions et des guerres, et il faut les reconstruire en même temps que les monastères ou les édifices du culte.

Aux xii' et xiii* siècles, avec le régime féodal, les rois et les seigneurs se préoccupent de leurs vassaux et fondent dans leurs fiefs des asiles et hôpitaux. En 1060, la comtesse Berthe, veuve de Hugues II, comte du Maine, ouvre à Chartres Vaitmône Notre Dame. Mathilde, femme du roi Etienne, érige l’hôpital Sainte-Catherine de Londres (1 148)et Jean II, comtede Ponthieu, l’Hôtel-Dieu d’Abbeville(i 158).Ledac de Bourgogne, Eudes III, bâtit la maison du Saint-Esprit à Dijon et le comte de Bar (1210) celle de Bar-sur-Seine. A Eisenach, sainte Elisabeth de Hongrie, la servante des pauvres, institue deux hospices, l’un sous l’invocation du Saint-Esprit pour les pauvres femmes, l’autre sous celle de sainte Anne pour tous les malades en général (1229). Ce dernier existe encore. (MoNTALKMBKHT, Vie de sainte Elisohelli, ch. xiit). Les comtesses de Flandre et de Hainaut ouvrent des Maisons-Dieu à Lille, Séclin, Orchies et Comines. Au début du xiv siècle, Marguerite de Bourgogne, veuve de Charles de France, frère de saint Louis, fonde à Tonnerre un hôpital toujours célèbre, et à Laignes une Maison-Dieu. Saint Louis avait lui-même fait réédifier dans de plus vastes proportions l’hospice Saint-Nicolas de Pontoise et pris sous sa spéciale protection les Hôtels-Dieu de Paris, Tours et Coutances. L’Ile de France et la Champagne s’enrichissent à cette époque d’un grand nombre de Maisons-Dieu dues aux seigneurs, comme par exemple la Maison-Dieu de Palaiseau.

Enfin aux xiv' et xv* siècles, sans que l’on doive établir entre les trois catégories que nous énumérons des cloisons élanches, on trouve beaucoup d'éla !)lissements charitables fondés par deséchevins, des bourgeois ou des confraternités. Ainsi les magistrats municipaux de Cæn gouvernent l’Hôtel-Dieu de cette ville et possèdent le droit d’en élire le prieur, parce que la fondation est due aux » bourgeois et habitans ». Il en est de même à Mirecourt. à Douai, à Ypres, à Lille. L’hôpital Saint-Mathieu de Pavie est dû à la confraternité ou congrégation laïque du même nom, et cette création est autorisée par une bulle de Nicolas V (i^i/jg). Il en est de même à Paris de l’Hôpital du Saint-Sépulcre, créé et régi par une confrérie qui porte ce nom (13a6). L’Hôpital du Saint-Esprit a une origine analogue (1360). Quant aux par ticuliers, ils rivalisent de zèle avec les rois, les seigneurs et les chanoines, et se donnent souvent eux et leurs biens à la maison qu’ils établissent. Deux compagnons ménétriers, émus de voir en la rue Saint-Marlin-aux-Chanips une pauvre femme paralytique

« ne bougeant point d’une méchante charrette et

vivant des aumônes des bonnes gens ii, fondent à Paris l’asile Saint-Julien (1828). A Vaucouleurs, Barthélémy Boudart relève en 13-)b un hospice détruit par l’ennemi, « pielate motus, ac suæ salutis non immemor ». En l412, « pour honneur et révérence de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la benoîte Vierge Marie » et de nombreux saints, deux riches époux de Beaufort-en- Vallée (Anjou) font de leur demeure un Hôtel-Dieu, dédié à saint Jean l’Aumônier et doté de tous leurs biens (Cf. Lallkmand, op. cit., t. 111, PI). 117-5'j). En 1443, le chancelier de Bourgogne, Nicolas Rolin, fait construire le fameux Hôtel-Dieu de Beaune « pour que les pauvres infirmes y soient reçus, servis et logés ». Il en fait à la fois une œuvre de charité et une œuvre d’art ; cette merveille de l’architecture bourguignonne du xv" siècle, avec ses lucarnes et ses clochetons, ses grandes salles et ses cuisines, son Triptyque du Jugement dernier, de Roger van der W^eyden, et surtout ses religieuses qui portent encore le hennin et le costume de l'époque, produit sur les visiteurs une impression de paix profonde ; le Moyen.ge, dans ce qu’il eut de plus noble, se survit à l’Hôtel-Dieu de Beaune (Cf. IvLEtN-CLAUsz, Histoire de Bourgogne, p. 177, Paris, 1909).

2* Régime intérieur des Maisons-Dieu. — A) Les Ordres hospitaliers. — Sur les constitutions et le régime intérieur des hôpitaux au Moyen Age, le plus ancien document que nous possédions est le l.iber diurnus, qui date du commencement du ix" siècle. Mais il ne contient guère que des généralités et ce n’est qu’au milieu du xir= siècle que nous trouvons des renseignements précis dans la règle de l’Hôpital Saint-Jean de Jérusalem, où « les pèlerins, affluant du monde entier vers les lieux saints, trouvaient l’asile et les soins dont ils avaient besoin. Fondé avant l'époque des Croisades par les habitants d’Amalli, petite ville d’Italie qui entretenait d’activés relations commerciales avec la Palestine, et placé alors sous le patronage de saint Jean l’Aumônier, l’Hôpital de Jérusalem était, lors de l’arrivée des croisés, dirigé par un homme appelé Gérard, qui menait une vie pieuse et sainte. Après le triomphe des chrétiens, Gérard, s’associantun certain nombre de compagnons, fonda une véritable communauté religieuse, dont les membres devaient continuer les traditions de charité établies à Saint-Jean. Raymond du Puis, qui prit après lui la direction de cette milice, promulgua la règle du nouvel ordre religieux » (Léon Lb Grand, Les Maisons-Dieu, Revue des Questions Historiques, 1= juillet 1896, p. loa).

Minutieuse dans les détails relatifs aux vertus que doivent posséder les frères hospitaliers, astreints, d’ailleurs, aux trois vœux de religion, la » constitution Irovée par frère Rairaont » ne l’est pas moins sur la manière dont « les seignors malades doivent estre recehus et servis » et l’on ne peut lire sans émotion ce texte qui nous reporte à la primitive Eglise et fait du malade le seigneur et le maître de la maison.

« Dans le « maisons désignées par le maître de l’HApital, 

[Mai^lsier l/ospilalîs), lorsque le malade arrivefa, il sera reçu ain^i : Ay.tnt d’abord confessé ses péchés au prêtre, il sera communie roligieusemenl, puis porté au lit, et l ; i, le ir-iilant comme un sei>, 'ncur [quasi domînns), suivant les re-^sources de ! a maison, chaque jour, avant le rfnn^ des frère-*, on lui servira charitablement à m8n ; ^'*r. Tons