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PAUVRES (LES) ET L’ÉGLISE


règne, ni sous celui de nos successeurs, il ne sera permis de rieu soustraire, de rien aliéner de ces biens sacrés » (Baluzb, I. ^17-718). Un autre capitulaire (806) relatif aux mendiants et vagabonds, recommande

« à chaque tidéle de nourrir sou pauvre,

suuin naupereni de hcitt’/icto aut de pro^rid faiiiiliâ nutriat, et de l’enipêcLer d’aller mendier ailleurs ; que si l’on trouve de ces vagabonds qui refusent de travailler, il faut bien se garder de leur faire l’aumône. » L’empereur va jusqu’à lixer les sommes que les évéques, les abbés ou alibesses jouissant de revenus importants doivent distribuer aux indigents ; il leur enjoint même de les ailmettre à leur table. Bnlin lui-même répand partout d’abondantes libéralités, non seulement dans ses Etats, nous dit Egin-HAKD, mais au delà des mers, en Syrie, en Egypte, en Afrique, à Jérusalem, à.Alexandrie, partout où il sait que soutirent des clirétiens (EoirsHARO, VUa Karoli, XXVII, t. I, p.8ô).

VI. — lies Pauvres au Moyen Age. — Le Moyen Age connut beaucouj) de Iléaux, parmi lesquels la guerre, la peste et la famine, et il fut longtemps de mode de considérer cette époque comme la honte de l’humanité. Les misèreselTroyables qui se sont abattues sur l’Européen plein xxe siècle, notaïunienten Belgique, en France, en Ilussie, en Autriche, et en Serbie, misères que beaucoup d’esprits, orgueilleux ou naïfs, croyaient à jamais incompatibles aec l’état avancé de notre civilisation, peuvent servir à mieux comprendre le Moyen Age età être plus équitable envers lui. Si la misère fut grande par suite des invasions, des guerres civiles ou des épidémies, les âmes chrétiennes du « dévot » Moyen Age surent, alors comme aujourd’hui, s’élever à la hauteur des circonstances, se l’aire pitoyables pour toutes les misères et soulager non seulement de leurs deniers quand elles le pouvaient, mais, ce qui est mieux, de tout leur dévouement et de tout leur cœur les innombrables victimes des événements. Disons même sans parti pris qu’au point de vue administratif, certains hôpitaux de Paris sont notablement inférieurs aux Hôtels-Dieu du Moyen Age.

L’Eglise, longtemps avant la Société des Nations, aspire à la Paix universelle. Du iv « au XP siècle, on peut suivre dans les doléances de ses conciles le désir d’empêcher les guerres et de remédier aux soulTrances des peuples. Pour arriver à cette paix universelle, les Conciles établissent la Précède Dieu, et l’inviolabilité de certains lieux et de certaines personnes. Ainsi des limites sont imposées aux guerre » que l’Eglise ne peut empêcher. La trêve s’étend d’ordinaire du mercredi soir au lundi matin ; elle comprend en outre l’avent, le carême, le temps pascal, les vigiles, les fêtes de la sainte Vierge. D’autre pari, les clercs, les laboureurs et leurs instruments de travail, les femmes, les marchands, les voyageurs, le bétail sont inviolables ; de même les édifices sacrés et leur parvis, les cimetières et même les croix des chemins deviennent des refuges assurés pour les malheureux qui leur demandent asile.

Si nous considérons spécialement l’assistance des pauvres à cette époque, nous devons faire une distinction entre la campagne et la ville. A la carapa ;, ’iie où règne le système féodal, le seigneur est le défenseur naturel des serfs et des p, Tuvres gens qui sont venus demander protection au château-fort contre les bandes armées qui parcourent le pays. Il est aidé dans cette tâche par les prêtres attachés aux paroisses rurales et par les monastères qui possèdent presque toujours un asileou xenodochium pour les passants et un hôpital pour les malades. Dans les chefs-lieux de civitales, c’est toujours l’évêque,

comme aux époques précédentes, qui crée ces Ildtels-Dieu, qu’on retrouve à l’ombre de toutes les cathédrales et dont l’a Iminislration fut partout dévolue aux chanoines ; l’évêque reite toujours le supérieur naturel de tous les hôpitaux fondés dans son diocèse, etnon seulement il leur donne des règlements, mais il les inspecte par lui-même ou par ses délégués, les réforme s’il y a lieu, et vérifie les comptes de gestion. Il en fut ainsi jusipi’au xiv’siècle, où, par suite du développement du pouvoir royal, un nouveau personnage ecclésiastique, l’aumônier du roi, tenilil às’emparer peu à peu de la direction des hôpitaux ; il fut soutenu dans ces prétentions par le roi, cela va de soi, mais aussi par le Parlement qui, » our plaire au roi, admettait la présomption que les Hôtels-Dieu, dont les fondateurs anciens n’étaient plus connus, tiraient leur origine des libéralités royales (Léon Lu Grand, Lea Maisons-Dieu, Leitrs stiilutd au xiir siècle, Revue des Questions Historiques, 1° juillet 1896, |). 101).

En dehors des Maisons-Dieu, qui abondent au Moyen Age, en dehors des hôtelleries ou hôpitaux lies monastères, il faut signaler d’une part l’action concertée des magistrats municipaux et du clergé relativement à l’assistance des pauvres, d’autre part l’activité considérable des gildes, des corporations, des confréries et des tiers ordres, sans parler de l’initiative privée ; enQn les ordres hospitalierset notamment celui de Saint-Jean de Jérusalem méritent une mention spéciale ; les règlements deSaint Jean furent en effet copiés et imités dans la plupart des hôpitaux de l’Europe.

Avant d’entrer dans le détail de ces organismes charitables, disons nettement que, de toutes les études historiques faites sur le Moyen Age, il est permis de tirer cette conclusion d’ensemble : d’une manière générale, l’assistance des pauvres était organisée et sudisait en temps normal à tous les besoins. Les règlements municipaux d’assistance ne sont pas, comme l’ont prétendu certains historiens, le fruit de la lléforme. Les magistrats qui administraient les communes établissaient un budget des pauvres, en union avecle clergé, édictaientdesordonnances et des règlements de police pour réprimer la mendicité, assistaient les pauvres vraiment dignes d’intérêt et, par des subventions, pourvoyaient à l’éducation des orphelins dans la mesure où cette éducation n’était pas procurée par les parents survivants ou par les corporations. Si dans les campagnes, l’organisation était parfaite, dans les villes l’action convergente du clergé, des monastères, des magistrats, des corporatlonset des particuliers arrivait à subvenir à toutes les nécessités. Seules les grandes calamités signalées plus haut, spécialement les pestes et les famines, et aussi les nouvelles conditions économiques de l’EuroiJC, à la fin du Moyen Age, en accroissant le paupérisme et la mendicité, débordèrent les cadres ordinaires et normaux de lii charité. Enlin la disparition de l’organisation centrale, jusqu’alors placée entre les mains de l’évêque, selon le plan de l’assistance primitive, et exercée ensuite par divers intermédiaires royaux ou municipaux, fut certainement nuisible. Mais la Réforme, nous le verrons plus loin, en détruisant les églises, les monagtères et en s’emparant des fondations qui faisaient vivre les écoles et les hôpitaux, porta un coup terrible à l’organisation et à l’exercice de la charité, et agrandit encore en beaucoup d’endroits le domaine de l’ignorance et de la misère.

1° Les Maisons-Dieu. — Les innombrables Hôtels-Dieu ou Maisons-Dieu du Moyen Age ont un multiple objet et se proposent d’accomplir les sept œuvres de