Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/850

Cette page n’a pas encore été corrigée

1687

PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

1688

fournit vivres et vêtements. Elle fonde un hôpital dans le domaine d’Alliis, où elle avait plissé les premières années de sa captivité, et où elle rendait ellemême aux femmes malades les soins les plus dévoués {Petits />ollancl., t. IX ; Montalembrrt, np. cit., l. ii, p. 350). Contran, roi de Bourgogne, esl également illustre par sesaumônes et les « trésors » qui ! donne aux pauvres (Abbé Jolv, Vie de saint Vo ?-lef, curé de Marcenay, patron de Cluititlo71-s-Seine, iS&'^, p. 4^). Saint CÉSAiBE. évêque d’Arles, qui, dès son enfance, se dépouillait de ses vêtements en faveur des pauvres, à l’exemple de saint Martin, se fait remarquer pendant son long épiscopat (501-513) par une grande charité envers les malheureux. Les cent trente sermons ou homélies que nous possédons de lui et dans lesquels il emploie, dil-il « dos paroles rustiques », aiin d’atteindre les simples et les ignorants, eurent un grand retentissement et furent imités dans toute la chrétienté. On y trouve une grande vigueur dans la condamnation de la rapine, des superstitions, de l’ivrognerie, de la luxure, mais en même temps une grande tendresse pour les humbles, les petits et les pauvres. Nous avons dit plus haut son zèle à délivrer les prisonniers de guerre ; il faut généraliser sans crainte ; tous les évéques agissent de même. Dans toutes les vies de saints de cette époque, nous voyons invariablement les évéques faire tomber les chaînes des captifs, ouvrir et forcer même les portes de leurs prisons, sans que l’autorité civile ose s’y opposer, et c’est déjà pour eux une tradition qui remonte au temps de l’Empire romain, d’employer une partie des revenus de leurs Eglises au rachat des prisonniers de guerre. Que d’innocents furent ainsi arrachés au supplice ! I.efait célèbre de l’exécution en masse ordonnée à Tours par le gouverneur Avicien et empêchée par les prières elles supplications de saint Martin (Sdlpice Sbvèbe, /liai., in, 4) s’est renouvelé bien des fois à cette époque.L'évêque esl bienlerfe'/V/isei/r de tous les opprimés.

La création des paroisses rurales, dont nous avons parlé à propos de saint Martin, produisit une décentralisation dans l’organisation de l’assistance des pauvres. Afin d’empêcher lamendicilé et le vagabondage, le concile de Tours (667) décréta (can. 5) que chaque paroisse était obligée de garder ses pauvres, et de les nourrir ; on voulait éviter par là qu’ils ne fussent à charge aux autrescommunautés. » Ft iinaf/uiieque civitas paiiperes et egenos incoins alimentis congruentibus pascal, secundumvires tam vicani presbyteri quant cives omnes suum pauperem pascant ; quo fiet ut ipsi pauperes per civitaies alias non vagentur » (Mansi, IX, p. 793).

A l’action des évéques et aux assistances paroissiales il faut ajouter le rayonnement de nouveaux centres de charité et de soulagement de la misère : les monastères. Les Bénédictins d’abord, puis plus tard les Cisterciens, les Prémontrés, les Chartreux, et les autres, tous ces moines d’Occident immortalisés par Montalembert, jouèrent un rôle considérable dans l’histoire de la charité. Ils surent à la fois prévenir et guérir l’indigence. Ils la prévinrent en défrichant les forêts et les terres incultes, en enseignant aux peuples barbares l’agriculture, les métiers manuels ou les arts, en instruisant et en disciplinant la jeunesse ; ils la guérirent en construisant autour de leurs monastères des asiles pour les étrangers et des hôpitaux pour les malades. C’est ainsi qïie, dans l’ile d’Iona et les contrées voisines de l’Ecosse, saint Columba apprend aux paysans à rechercher les sources, à régler les irrigations, à rectifier le cours des rivières ; il leur procure des outils, leur enseigne la grelTe des arbres fruitiers,

obtient des récoltes hâtives, intervient contre les épidémies et guérit diverses maladies ; en Angleterre et en Irlande, il apparaît comme le protecteur des faibles et le vengeur des opprimés. Ligugé, et Marmoutier dans l’Ouest de la France, avec le souvenir impérissable de snintMartin, Lérins et Saint- Victor de Marseille au sud, avec saint Honorât et Jean Cassien, Luxeuil à l’est, avec saint Colomban, exercent une influence inouïe. A Luxeuil, par exemple, les nobles francs etbourguignonsaffluent comme novices et prodiguent à Colomlian (5'43-615) leurs donations. Toute la Franche-Comté actuelle, redevenue, depuis les invasions barbares, une solitude sylvestre peuplée de bêtes fauves, est transformée par les disciples de saint Colomban et de saint Benoît en champs cultivés et en pâturages. C’est le moine irlandais luimême qui dirige les travaux de défrichement, et tous ses religieux, riches ou pauvres, nobles ou serfs, sont astreints successivement à labourer, à faucher, à moissonner, à fendre le bois. Après lui, Luxeuil devient la capitale monastique de la Gaule ; la Bourgogne, la Champagne, le pays de Caux et même la Suisse et l’Italie voient se fixer sur leurs territoires les colonies de Luxeuil, et partout la barbarie est refoulée, le christianisme prend sa place, et avec lui l’instruction, le travail. ladiscipline morale, la charité envers les pauvres (Cf. Montalkmbkrt, J.es moines d’Occident, t. II, livre ix, t. lll, livre xi).

La discipline pénitentiaire elle-même, organisée en Gaule par saint Colomban, eut pour conséquence de grossir le budget de la charité ; l’Eglise ne lit pas <[ argent des péchés des fidèles », comme l'écrit M. Bayet (Ilift. de France de Lavisse, t. II, p. 281), mais elle consentit à remplacer les peines canoniques dues à certaines fautes énormes par la prière, le jeûne, l’aumône, les pèlerinages à certains sanctuaires, et l’abandon de tout ou partie des biens des coupables en faveur des pauvres. De tels exemples publics étaient hautement moralisateurs et en harmonie avec la plus pure doctrine du christianisme primitif, qui enseigne par la bouche de saint Pierre lui-même que a la charité couvre la multitude des péchés » (1 Pftr., iv, 8). Mieux inspiré ailleurs, M. Baybt résume ainsi l’oeuvre des moines : « Ils couvriront la Gaule de leurs couvents, ils pénétreront jusi]ue dans les contrées les plus sauvages, défrichant le sol, créant autour d’eux des villages, ils conquerront le monde barbare, et la société chrétienne du Moyen Age sera en grande partie leur œuvre » (Ihid., p. 36).

Evêchés, paroisses, monastères, telles sont les trois institutions ecclésiastiques qui se chargent du service des pauvres. Il faut y ajouter l’autorité laïque, représentée parles rois mérovingiens ou par Charlemagne qui, soit par l’octroi de terres aux églises ou d’aumônes directes aux nécessiteux, soit par des prescriptions ou des ordonnances spéciales, favorise l’exercice et l’organisation de la charité. Mais il ne faut pas oublier que ces temps furent extrêmement troublés et que les guerres intestines et les invasions ont toujours développé le paupérisme. D’autre part, les derniers mérovingiens détournèrent dans une certaine mesure les biens d’Eglise de leur destination charitable et désorganisèrent l’assistance. Charlemagne, au contraire, veille à la perception et à la répartition des dîmes, qui doivent être partagées par portions égales, entre l'évêque, les prêtres, les fabriques et les pauvres. Un de ses capitulaires rappelle que « suivant la tradition des saints Pères, les biens d'Église, dons de la piété des fidèles et prix de la rédemption de leurs péchés, sont les patrimoines des pauvres. » « Nous statuons donc, ajoule-t-il, que jamais, ni sous notre