Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/85

Cette page n’a pas encore été corrigée

157

MARIE, MERE DE DIEU

158

Ecoutez maintenant comment Isaï© a prédit en proj)res termes que le Christ naîtrait d’une vierge. Il s’exprime ainsi : (i’oici ([uo la vierge c^incevra et eulnntera un lils, et on 1 a|ipellera ; Dieu avec nous.. » Co >|uip, issait pour incroyable et impossible parmi les hommes, Dieu l’a prédit par l’Esprit propliétique, avant l’événement, alin que l’événement ne parut pas incroyable, mais.l’ut cru à cause de la prédiction. Mais peut-être quelques-uns, faute de comprendre la propliétie qu’onleur signale, nous reprocheraient ce que nous-mêmes avons reproché aux [joetes, qui parlent du commerce ciiarnel de Zeus avec des femmes. -Nous nous efforcerons donc d’éclaircir ces paroles. {( La vierge concevra j), c’est-à-dire non pas qu’elle concevra par un commerce charnel, car en ayant commerce avec quelqu’un elle cesserait d’être vierge ; mais la vertu de Dieu, venantsur la vierge, Iacourit de son ombre et la rendit enceinte sans jiréjudice de sa virginité. ..

Nous venons d’entendre Justin parler à l’empereur. Ecoulons-le maintenant parler aux Juifs, en les pressant au nom des Ecritures juives. Dialogus cuiii Tryphone ludæo, xlviii, P. G., 580 :

Je sais que mon langage est déconcertant, surtout pour les hommes de votre race : jamais vous a avez voulu com[irendre ni accomplir les enseignements di.ins, vous préférez vous en tenir à ceu.v de vos maîtres, comme Dieu même le dit assez haut (/.v., xix, 13). Néanmoins. Tryphon, il demeura établi que Jésus est le Christ de Dieu, quand mémo je ne réussirais pas ; i prouver que. Fils du Créateur de l’univers, il préexistait comme Dieu et naquit homme delà vierge. Oui, tout concourt a prouver qu’il est le Christ de Dieu, quoi qu’il faille d’ailleurs penser de sa personne. Des lors, si je ne réussis pas a prouver qu’il préexistait et consentit à naître homme passible comme nous, dans la chair, selon la volonté du Père, vous aurez bien le droit de me prendre en défaut sur ce seul point ; mais non de nier qu’il est le Christ, s’il paraît homme, né de parents humains, et si le choix fait de lui comme Chnst est prouvé. De fait, mes amis, il y ades hommes de votre race qui le reconnaissent comme Christ, mais le déclarent homme, né de parents humains : je me garderais de les suivre. quand même je m’y verrais invité par beaucoup de mes anciens coreligionnaires : car cène sont pas des enseignements humains que le Christ a proposés à notre croyance, mais les enseignements transmis par les prophètes et ! ip[)0rtés par lui -même.

Ici, enregistrons une conquête notable de la critiiine textuelle. Jusqu’à ces derniers temps, tous les éditeurs ont fait dire à saint Justin : « Quelques-uns des nôtres (rtviç « Tri zoù r, iJ.iripo-jyémji), ea reconnaissant Jésus pour le Christ le tiennent néanmoins pour un homme né de parents humains. » Et ils s’évertuaient à expliquer comment Justin a pu donner le nom de chrétiens à des hommes qui niaient la conception virginale du Christ. (Voir en particulier la note de Dom Maran, /-*. g.. VI, 581.) Cependant GeorgeBuLL et autres avaient suggéré qu’il faut lire : n/i ; àr.o roù ùixizipo’j -/i-jo-ji, et que Justin a en vue non des chrétiens, mais des juifs. La controverse est aujourd’hui tranchée par l’inspection du manuscrit d’.rétlias (Bihliotlièque Nationale, fonds grec, no 450), d’oi’i procède toute la tradition manuscrite du dialogue avec Tryphon. Il faut lire : z-.ii ifinipo-j -/i-j-ij : ,. Donc Justin ne témoigne pas connaître des chrétiens qui nient la conception virginale du Christ ; il témoigne au contraire connaître des juifs i|ui reconnaissent Jésus pour le Messie, mais reculent devant la croyance à la conception virginale. L’honneur de cette découverteappartient à H.vnN.vcK. Voir Lehrbuch der DogmeiiJ eficli ichte’t. I, ]i. 310, Tiibingen, 1909. Le résultat en est fort appréciable, puisqu’elle fait disparaître du champ de l’histoire ecclésiastique de prétendus judéochrétiens opposés à la conception virginale, au temps de saint Justin.

Que les païens et les juifs se soient rencontrés dans la négation de la conception miraculeuse, la chose va de soi. Mais il importe davantage de constater que cette négationnese rencontre pas avant le milieu

du II’siècle dans les sectes réputées chrétiennes, l’ius tard seulement, elle gagnera certains ébionites, qui néanmoins prétendront au nom de chrétiens. Voir EusÉcE, ]I.E. lll.xxvii ; saint Epiphane, Huer., xxx. Mais rien n’est moins démontrable que le lien de ces sectaires avec la tradition des Apôtres ; pas plus que les anciens disciples de Cérinthe et de Carpocrate, ils ne possédaient l’héritage chrétien. La croyance à la conception virginale appartient au fond le plus authentique du christianisme, n’en déplaise auxmythologues de nos jours, qui se flattent d’expliquer par un emprunt au panthéon grec l’origine de la doctrine chrétienne touchant la naissance du Fils de Dieu.

Ailleurs, Justin appuie encore sa croyance sur l’oracle d’Isaïe relatif à l’Emmanuel, et oppose Marie à Eve ; Dial, cum Tryphone, Lxxxiv, P. G VI, 673 :

C’est encore du Christ qu’avait été prédit : « Voici qu’une vierge concevra et enfantera un lils. » Car si ce n’était pas d’une vieige que devait naître l’entant annoncé par Isaie, au sujet duc|uel l’Esprit saint s’est écrié : « Voici que le Seigneur lui même vous donnera un signe : une vierge concevra et enfantera un fils » ; si, comme tous les autres premiers-nés, il devait naitre d’un commerce charnel, où serait le signe, non commun à tous les premiers-nés, annoncé par Dieu.’Mais il fallait un vrai signe, capable de garantir la croyance du genre humain : c’était l’apparition, d.-ins un sein virginal, du l’remier-né de loulos créatures, fait vraiment petit enfant : voilà le signe prévu par l’Esprit prophétique et prédit, comme je vous l’ai exposé, en diverses manières, afin qu’au jour de l’événeinent on reconnût la puissance et la sagesse du Créateur do toutes choses : ainsi Eve naquit-elle d’une cote d’Adam ; ainsi tous les animaux furent-ils créés, au commencement, par la parole de Dieu. Mais ici encore, vous osez redresser les interprétations données parles interprètes vos |)eres sous l’œil de Ptolémée roi d Egypte ; vous dites que l’Ecriture n’est pas conforme à leur interprétation, mais porte : Voici que la jeune femme (yi’jHi) concevra ; comme si c’était un grand signe qu’une femme enfanl.-ît après avoir connu un époux, ce qui est le cas de toutes les jeunes femmes, à l’exception de celles qui sont stériles et que Dieu peut, à son gré, rendre fécondes…

Dial. cum Tryphone ludæo, c, P. G., VI, 709-512 :

(Le ( ; hrist)nous a dévoilé tout ce que, par sa grâce, nous avons découvert dans les Ecritures, le tenant pour premier-né de Dieu avant toutes les créatures et hls des patriarches, puisque, inc ; irné par le moyen d’une vierge de leur race, il a consenti à devenir homme sans beauté, sans gloire, exposé à la souffrance. Aussi dans les paroles qu’il j)rononça lorsqu il s’entretenait de sa passion à venir, on voit qu’il fallait que le Fils de l’homme soullrît beaucoup, qu il fut rejeté par les Pharisiens et les Scribes, qu’il fut mis en croix et ressuscitât le troisième jour. Donc il s’appelait Fils de rinunnio, soit parce qu’il était né d’une vierge, issue, comme je l’ai dit, de David, de Jacob, d’Isaac et d’Abraham, soit parce qu’Adam lui-même est le père des personnages énumérés comme ancêtres de Marie : car ceux qui ont engendré des femmes sont, vous le savez, appelés pères des enfants nés de leurs iilles…

Nous comprenons qu’il s’est fait homme par le moyeu de la vierge, afin que la désobéissance provoquée par le serpent prit fin, piir la même voie par où elle avait commencé. En effet. Eve, vierge et intacte, ayant con< ; u la parole du serpent, enfanta la désobéissance et la mort ; la vierge Marie, ayant conçu foi et joie, quand l’ange Gabriel lui annonça que l’Esprit du Seigneur viendrait -sur elle et que la vertu du Très-Haut la couvrirait de son ombre, en sorte que ri’]tre saint né d’elle serait Fils de Dieu, répondit :

« Ou’il me soit fait selon votre parole. » Il est donc né d’elle, 

celui dt » nt parlent tant d’Ecritures, comme nous l’avons montré ; par lui. Dieu ruine l’empire du serpent et de ceux, anges ou hommes, qui lui sont devenus semblables, et afl’ranchit de la mort ceux qui se repentent de leurs fautes et croient en lui.

En saint Justin, nous entendons la voix de l’Eglise romaine, à laquelleil s’était donné après avoircherché