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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

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tien et le Parthe le surent au printemps ; la Bretagne le sut dans le courant de l'été » (S. Jérôme, Episl. Lxxvii, 10, De molle Fnbiolae, « c/ Ocea/ium). En Gaule, Childebert crée un établissement sprahiable à Lyon, puis Brunehaul et son petil-lils Thierry fondent et dotent ricbenient le A’enudochium d’Autun, que le Pape saint Grégoire le Grand comble de privilèges et dont le concile d’Orléans assure l’avenir en statuant {can. 5) que « le Xenoduchinm resterait à perpétuité dans les conditions réglées par l’acte de fondation s. Ces hôtelleries — comme la plupart des établissements suivants — étaient, en tant que biens d’Eglise, administrés par l'évêque ou ses subordonnés. Pour y être admis, les étrangers, voyageurs, passants ou chemineaux, devaient être porteurs de lettres de paix, délivrées par l'évêque du lieu d’où ils venaient.

2° Le IVosocomium, asile ou hôpital des malades, s'élève souvent à côté du Xenodochium. Les diacres, nous l’avons dit, et plus particulièrement les diaconesses et les pieuses chrétiennes avides de dévouement, visitaient, avant Constantin, les malades à domicile. La liberté de l’Eglise permit de les rassembler dans de vastes maisons plus confortables et mieux aménagées que leurs pauvres demeures Nous parlerons plus loHi de la 7?fls17éirfe, véritable manufacture de charité, sorte de Salpétrière aussi célèbre que celle du grand siècle, où l’on trouvait groupées en un centre unique toutes les maisons de charité que nous sommes obligé d'énumérer ici en détail. Nous bornant pour le moment au rwsocomiiim ou hôpital des malades, nous devons signaler de nouveau l’illustre nom deFabiola, qui après avoir vendu, comme sainte Paule, son riche patrimoine, « établit la première à Rome un nosocomium pour y rassembler les malades et soigner les malheureux dont les membres étaient consumés de langueur par suite de la faim » (S. Jérômk, Epist. lxxvii, 6, Ad Oceantnn de morte Fahiulae, Migne, P. L., XXII, p. 694).

« Dois-je décrire, continue saint Jérômk, les diverses

plaies de ces affligés : nez mutilés ; yeux crevés ; pieds à demi brûlés ; mains livides ; ventre gonflé par l’hydropisie ; cuisses desséchées ; jambes enflées ; chairs putréfiées où fourmillent les vers ? Combien de fois l’a-t-on vue portant sur ses épaules des pauvres dégoûtants de saleté et de l’une de ces affreuses maladies I Combien de fois l’a-t-on vue laver des plaies qui répandaient une puanteur telle que personne ne pouvait même les regarder ! Elle donnait de ses propres mains à manger aux malades ; elle rafraîchissait ces cadavres expirants en leur faisant prendre à petites cuillerées quelque peu de nourriture. Je sais que des personnes riches ne peuvent, quoique pieuses, surmonter les répugnances soulevées par l’exercice de ces œuvres de miséricorde. Celles-là recourent au ministère d’autrui, et font par leur argent ce qu’elles ne peuvent faire par leurs mains. Je ne les blâme pas ; je n’impute pas à défaut de foi ces délicates faiblesses de tempérament. Mai » si je pardonne à leur infirmité, je ne peux non plus m’empêcher d'élever jusqu’au ciel ces saintes ardeurs de la charité et de la perfection de l'àme. Une grande foi surmonte tous ces dégoûts. Dans celui qui nous fait horreur, dont la vue seule nous soulève le cœur, elle nous montre un être semblable à nous, pétri de la même boue ; elle fait que nous souffrons tout ce qu’il souffre, que ses plaies deviennent nos propres plaies, et parcette union sympathiquede nous-mêmes aux maux de nos frères, elle amollit et brise la dure insensibilité qui nous éloignait de leurs souffrances. Non, quand j’aurais cent langues et cent bouches, quand ma voix serait de fer, je ne parviendrais pas à nommer toutes les maladies auxquelles Fabiola assura des soins. Les pauvres qui jouissaient

d’une bonne santé enviaient la condition de ses malades. ( S. JÉRÔME, loc. cit.). Même en admettant l’hyperbole, il est diilicile de ne pas se sentir ému de l’admirable dévouement qui se cache sous cette description réalis^te ; cette page sutllrait à assurer à Fabiola une gloire immortelle. Nous sommes loin de Platon qui écrivait dans sa République : « On ne soignera que ceux dont le corps et l'âme sont vigoureux ; quant aux autres, on lais’sera mourir ceuxdont le corps est mal constitvié et on mettra à mort ceux dont l'âme est naturellement méchante et incorrigible ». Platon (Képublique, liv. 111, trad. Cousin, t. IX, p. 171). Il faut en prendre son parti : le premier hôpital fondé à Rome l’a été par une femme chrétienne.

3" Le Brepholrophium, lieu où l’on nourrit les enfants, sorte de maternités ou de crèches où l’on allaite les nouveau-nés, alors si fréquemment exposés par les païens, grecs ou romains, conformément aux doctrines des plus grands philosophes ; on y reçoit également les enfants nés de parents trop pauvres pour les nourrir. Cette institution remonte comme les précédentes au rv" siècle, et plus probablement à Constantin.

4° L’Orphanotrophium, maison des orphelins, complète le brepholrophiume, reçoit pour leur éducation les enfants plus âgés qui ont perdu leurs parents. Les empereurs accordent des privilèges à ces orphelinats où l’on enseigne des métiers aux enfants et même les sciences et les belles-lettres, comme il arrivée Césarée dans la Basiléide ou à Constnntinople. « A certains jours fériés, l’empereur fait la tournée des hospices ; d’autres fois les orphelins, introduits en sa présence par le grand orphanotrophe et portant des candélabres, viennent chanter des hymnes. L’empereur leur remet un léger présent et leur fait servir un repas » (G. SchlumBRRGER, sigillographie de l’Empire byzantin, in- 4, 1884, p. 378). n Les orplianotrophes ou directeurs sont établis, par une loi de Marcien, tuteurs des pupilles et curateurs des adolescents ; ils peuvent aliéner les biens des orphelins, soit pour éteindre des dettes usuraires, soit pour toute autre cause urgente, et gèrent ces biens au mieux des intérêts de leurs pupilles ; ils sont dispensés de rendre des comptes, puisqu’ils ne se dévouent que par crainte de Dieu à cette tâche difficile de sustenter des mineurs privés de leurs parents et de toute subsistance et se consacrent à les élever avec une affection toute paternelle i> (Corf. Justin., l.I, tit. iii, 82).

5" Le Gerontocomium, hôpital de vieillards, est également très répandu dans l’empire. Le Code Justinien le mentionne dans la loi destinée à régler les donations aux Eglises et aux œuvres de charité (Cod.Just., l.I, lit. II, 19). Le Liber Pontiftcalis mentionne que le Pape Pélagb II (5^7) fit de sa maison un hôpital pour les vieillards pauvres. Saint Grégoire lk Grand, apprenant que le Gerontocomium construit par Isaurus sur le mont Sina’i manque de lits, de matelas et de couvertures, écrit à l’abbé du monastère qu’il en fait envoyer et joint à l’envoi une somme d’argent destinée à acheter des oreillers ou des draps ou à payer les frais de transport (liegist., Epp. XI. VI ; Mon. Germ. Hist., éd. Berolini, 1904, 1. ii, p. 261).

60 Le Ptochoirophium, lieu où les pauvres sont nourris, ou maison des mendiants, n’est autre chose, dans la langue grecque, que la diaconie des Latins, entendue non plus au sens de ministère des diacres que nous lui avons donné plus haut, mais signifiant la maison des diacres, Dèsque la liberté fut accordée à l’Eglise, les pauvres et surtout les mendiants vinrent dans ces maisons communes chercher leur