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PAUVRES (LES) ET L’ÉGLISE

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ir siècle, alors que déjà l’influence chrétienne se fait sentir dans l’Empire.

Sans doute les philosophes, Cicéron, Sénèquc par exemple, écrivent de belles pages sur la fraternilé, mais ils n’ont aucune influence sur Tes masses qui continuent à se ruer vers les plaisirs grossiers. L’enfant continue à être exposé ou mis à mort au gré du père, le faible est broyé par le fort. Au milieu de cet universel abaissement des mœurs et de la cruauté des spectacles du cirque, où les chrétiens servent de pâture aux bêles féroces, les stoïciens s’isolent intérieurement dans leur pensée et souvent lans un orgueilleux dégoût de cette société perverse, imitent l’exemple de Sénèque et, à l’heure choisie par

; ux, s’évadent de ce monde et d’eux-mêmes par le

suicide.

C’est alors qu’apparaît etserépand, dans ce monde I trop vieux » qui périt de l’excès de sa civilisation natérielle, la « bonne nouvelle » du inonde nou-’eau. La pitié n’est plus une faiblesse, mais une orme de la charilé ; lapauvreté n’est plusunoppro)re, mais une béatitude, et l’on verra des riches levenir pauvres volontaires ; l’égalité de tous les iommes devant Dieu est solennellement proclamée ; ’esclave se sent une àine d’homuie libre. La charité min, le donde soi, ramourde l’hommepour l’homme, eviennent dans la société nouvelle un précepte bligatoire. Jésus-Christ est venu, et sa doctrine vine va soulever le monde et y produire la plus rande révolution qui se soit vue parmi les hommes : s idées antiques vont disparaître devant l’idée h étienne, et l’on verra fleurir et s’épanouir désorlais jusciu’à la tin des siècles la vertu, jusqu’alors iconnue, qu’un mot nouveau désignera à l’admiraoa du monde : la charité.

111. — Le christianisme. — Les Pauvres dans s trois premiers siècles de l’Eglise, avant édit de Constantin (3 ici). — i » La doctrine de’siis-CUrist et les temps apostoliques. — On ne lurait trop y insister, puisque l’ignorance de l’hislire est si grande chez nos contemporains : l’enseiæment de Jésus-Christ, non seulement sur les îvoirs de l’homme envers Dieu, mais sur les devoirs es hommes entre eux, la prédication de la Loi ouvelle par les Apôtres, et le succès de cette

trine malgré les persécutions sanglantes, malgré lUS les obstacles intérieurs et extérieurs, voilà

fait capital de l’histoire du monde. Embrasser

christianisme, c’était pour les riches et les puis mts abandonner leur orgueil invétéré, s’humilier

reconnaître que leurs esclaves étaient leurs égaux ;

usée intolérable à un païen. Le pharisien juif

était pas moins scandalisé de se voir préférer par

: sus l’humble publicain ou la pécheresse repentie.

est qu’en effet, selon l’enseignement de Jésus, Dieu

— Juge pas les homuies d’après l’extérieur, mais

après leurs sentiuients intimes et l’on n’aime pas

aiment Dieu, si l’on n’aime pas en même temps

m prochain, tout son prochain, c’est-à-dire les

luvres, les petits, les malheureux, les esclaves,

issi bien que les riches et les heureux de ce

onde.

L’un des Pharisiena, docteur de la Loi, demanda à SU" pour le mettre k l’épreuve ; « Maître, quel est le U8 i ;  ; riiDd commanflement do la Loi ? i> Lui, il lui dit : « Tu aimeras le Seigneur ion Dieu de ut ton cœur et de toute ton âme et de tout ton esprit est là le plus grand et le premier cominandement. Quant 1 second, il lui est semblable ; Tu aimeras ton prochain mme toi-même. A ces deux commandements se rattaclie ate la Loi, ainsi que les prophètes » (Mattk., xxii, 37.40arc, II, 28-34).

ïomc III,

Ce texte capital doit être complété par celui de saint Matthieu (xxv, 31-4(’)) relatif au jugement dernier. Après avoir séparé les hommes les uns des autres,

Le roi dira ù ceux qui seront à sa droite : « Venez, les bénis de mon Père, entrez en possession du royaume qui vous a été pré|)aié dès le commeiuement du monde J’ai eu faim, en eiVet, et vous m’avez donné à mander ; j’ai eu soif, et vous m’avez désaltéié ; jetais étr ingei-, et vous m avez accueilli ; sans Tétements, et vous m’avez couveit ; malade, et vous m’avez visité ; prisonnier, et vous êtes venus à moi, »

Alors les justes lui répondi-ont : <( Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim et t’avons-mus donné à manger ? ou avoir soif et t’avous-aous donné à boire ? Quand t’avons-nous vu étranger et t’uvons-nous accueilli ? Sans vêtements et t’uvons-nous co rvert ? Quand t’avons-noua vu malade ou prisonnier et sommes-nous venus à toi ? »

Le roi leur répondra : « Je vous le dis en vérité ; toutes les fois que voua avez fait cela à l’un de ces plus petits d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Puis il dira à ceux qui seront ù sa gauche : (( Ketiroz-vous de moi, maudits ; allez au feu éternel, qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car jai eu faim et vous ne m’avez pas donné à mander ; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire ; jetais étrançei- et vous ne m’avez pas accueilli ; sans vêtements, et vous ne m’avez pas couvert ; malade et prisonnier, cl vous ne m’avez pas visité. »

Alors ils lui répondront, eux aussi : « Seigneur, quand donc t’uvons-nous vu a>oir faim ou soif, être étr.inticr, ou nu ou malade, ou prisonnier et ne t’uvons-nous pus assisté ? » Alors il leur répondra ; a En vérité, je vous le dis, toutes les fois que vous n’avez pa^ fait cela à l’un de oes plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » Et ceux-ci iront au chvtiment éternel, et les justes à la vie éterneJle (Matth., xxv, 31-46).

Jésus, en eoiriparant l’amour du prochain à l’amour de Dieu, en voulant naître, vivre et mourir pauvre, en proclamant : « Bienheureux les pauvres ! », en affirmant, après avoir énuméré les œuvres de miséricorde :

« Ce que vous aurez fait à l’un de ces petits, 

c’est à nioi-mênie que vous l’aurezfait i>(Jifattli., xv, ! io), donnait à l’humanité une charte nouvelle. Les devoirs des classes possédantes à l’égard des pauvres, devoirs que ne reconnaissait pas la société iiaïenne, y étaient inscrits : les œuvres de miséricorde créaient un droit pour le riche à l’éternelle récompense, et leur omission une prime à l’éternel châtiment (Mntth., xxv. 46) ; le pauvre, de son côté, y trouvait, au lieu du sombre désespoir que favorisait l’égoïsme de la société antique, l’espoir fondé d’une fraternelle assistance. Dans la doctrine et l’exemple de Jésus Christ sont contenues en germe toutes les (ormes de l’activité charitable de l’Eglise au cours des siècles.

2* Les Pères de l’Eglise et la pauvreté. — Avant de montrer l’épanouissement historique de cette doctrine, et ses conséquences pratiques pour le p.TUvre, il ne sera pas inutile d’entrer dans quelques détails sur la théorie chrétienne de la richesse et de la pauvreté, élaborée par les Pères de l’Eglise, en conformité parfaite avec l’enseignement du Christ, dont elle n’est que le corollaire direct.

La richesse et la pauvreté, pas plus que la souffrance, n’entraient dans le plan primitif de la création ; elles sont devenues, après le péché, des lois naturelles et providentielles de l’activité humaine de sorte que l’on peut dire que o c’est Dieu ()iii a institué la richesse et la pauvreté « (Prov., xxii, 2). Adam, après la chute, se trouve pauvre et nu sur une terre désormais ingrate, et devra « manger son pain à la sueur de son front » (Gen., iii, ig). Il en sera de même pour ses descendants. La pauvreté et la souffrance seront une peine, mais de cette peine sortira

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