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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

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sépulture de leurs membres ; elles consistent exclusivement en des réunions pour les særilices et en des banquets, et « c’est en exagérer la portée et en méconnaître la nature que d’y voir, comme on l’a fait, de la fraternité et de la charité » (P. Foucart, Des Associations religieuses chez tes Crées, U^ partie, § 8, p. 52, III<3 partie, § 15, p. i/ii). Dict. des antiq. de Uarbmbgrg et Saglio, art. Attica Ilespublica, par FusTBL UE GouLANGEs, art. Eranos, par Th. Reinach. Si l’on ajoutee souper d’Hécate, dont protitail Diogène, au dire de Lucien (Dialogue des morts, I, i), c’est-à dire le pain, les œufs et les fromages que les riches offraient en sacrilice à chaque nouvelle lune, aux statues de la déesse, à la grande joie des pauvres qui se précipitaient aussitôt sur ces aliments, on a l’ensemble des us et coutumes des citoyens grecs dans leurs rapports avec les pauvres.

Mentionnerons-nous comme des hôpitaux les Asclepieia, temples d’Esculape, où les malades venaient implorer du dieu le rétablissement de leur santé? En dépit des récentes controverses (cf. la polémique Mangenot-Berthin dans la//ei’He du Clergé français, 1917-1918), et quelque explication que l’on donne des gucrisons qui s’y produisaient, il est impossible d’y voir une analogie avtc les premiers hôpitaux fondés à Rome par des femmes chrétiennes. Les pèlerins couchaient sous des portiques, enveloppés dans des couvertures qu’ils devaient apporter avec leur nourriture ; ils ne recevaient de l’administration du temple qu’une couche de feuillage. Ceux qui avaient obtenu du dieu la faveur de songes relatifs aux remèdes qui convenaient à leur maladie, se levaient au chant du coq, et allaient les raconter aux zacores ou prêtres d’Asclépios qui les interprétaient et ordonnaient divers traitements, en général assez anodins. Les Asclepieia étaient si peu des hôpitaux qu'à Épidaure, le temple le plus célèbre de la Grèce, il n’y avait même pas de maison voisine iu temple pour abriter les pèlerins mourants et les femmes arrivées à leur terme ; celle maison fut

: onstruile plus lard par les soins de l’empereur

Anlonin le Pievix.

Est-ce à dire qu’il n’y eut pas de médecins en Grèce ? 'fon cettes, et les poèmes d’Homère, les écrits de 'laton, de Xénophon et surtout les auvres d’Hippo ; rate nous montrent les médecins dans les armées en

; ampagne, dans les villes, où ils ont une officine

)uverle sur la rue ; d’autres voyagent de ville en rille et visitent les malades à domicile. Les secours nédicaux sont assurés aux orplielins, aux inOrmes

! t aux pauvres, aux frais de l’Etal. Si l’on constate

'existence de dispensaires ou de cliniques où le naïade reçoit les premiers soins, on ne rencontre luUe part d’hôpitaux proprement dits.

En résumé, si l’on trouve chez les Grecs quelques aesures d’assistance en faveur des déshérités de ce Qonde, à côtes d’abus monstrueux relatifs à l’esclave, i la femme et à l’enfant, ces mesures sont prises dans 'inlérêl de l’Etat ou dans un bulpo ! ilic|ue, personnel t utilitaire. Le pauvre n’est pas aimé ; car la paurelé est laide et le Grec n’aime que la beauté. Pour méliorer son sort el l’aimer véritablement, il faudra in renversement de l'échelle des valeurs, el un élarissement du xxîô'j xà-/a9 » v ; il faudra renseignement u Sermon sur la nujnlagne et la doctrine des Béaliudes.

4" Les pauvres chez les Romains. — Ce que nous enons de dire des Grecs s’applique a fortiori atix iomains. Loin de constater le bien-fondé de la thcoie du progrès continu de l’humanité, nous trouvons,

mesure que nous nous éloignons des origines, une éritable régression morale. C’est l’immoralité et la

dureté de l’homme pour l’homme qui sont en progrès. Le M père de famille » romain a sur sa femme et ses enfants une autorité absolue. Tout prétexte est bon pour le divorce. L’enfant est sacrifié au gré du père, les tilles surtout. Le père peut vendre ses enfants, les noyer, les donner aux chiens et aux oiseaux de proie, les exposer. L’avorlement est très fréquent et Pline l’Ancien s'écrie douloureusement : « Combien en cela sommes-nous plus coupables que les bêtes ! » (iS’at. /iis^, X, LxxxIII). Quant aux esclaves, ils sont, à cause des guerres continuelles el de l'étendue de l’empire romain, plus nombreux encore que chez les Grecs.

Notons que l’on trouve, chez les écrivains, des textes qui recommandent la bonté, et d’autres la dureté. On pourrait l’aire une anlliologie des uns et des autres. Caton, Varron, Columelle, Cicéron, Sénéque, Horace, Juvénal, Pline, Suétone et Tacite fourniraient cependant des témoignages accablants. Mais ce qui ne peut laisser planer le moindre doute sur le véritable étal moral de la société romaine, ce sont les écrits des jurisconsultes, c’est l'éludedu droit romain lui-même ; partout les petits y sont sacrifiés, quand ils ne sont pas l’objet d’injustices sans nom. Un exemple entre cent : une loi ordonne, lorsqu’un maître a été lue chez lui, de faire exécuter tous ses serviteurs ; on suppose, en elTel, qu’ils pouvaient défendre leur maître et empêcher le crime(i’i^es<. XXIX, v, de senat-consult. Silaniano et Claudiuiio, i à ^). Et voici l’horrible conséquence : un jour, le préfet de Rouie, Pedanius Secundus, est assassiné par un esclave qu’il avait refusé d’alTranchir, après avoir fixé avec lui le prix du rachat, cl lui avoir promis la liberté. Quatre cents esclaves innocents sont mis à mort, malgré les murmures du peuple, car le sénateur Cassins explique que « ce vil troupeau des esclaves ne peut cire contenu que par la crainte » (Tacite, Ami., XIV, xuv). C’estdonc la cruauté érigée, comme chez les Siiartiales, en système de gouvernement, pour prévenir les révoltes des esclaves, beaucoup plus nombreux que les hommes libres et capables de secouer le joug s’ils arrivaient à s’unir. Quant aux hommes libres, la grande préoccupation du sénat et plus lard des empereurs, c’est de leur fournir paiteniet circenses, et ces distributionselces spectacles n’ont pour bulque d’en faire également un peuple d’esclaves et de le dominer plus facilement. Comme à Athènes, la politique, et non la charité, domine toute la question de l’assistance du peuple.

L’histoire romaine, sous les rois et sous la République, n’est autre chose à l’extérieur que l’expansion territoriale par les conquêtes militaires, et au dedans la lutte perpétuelle delà j)lèbe contre le patriciat. Celte lente ascension du peuple au pouvoir exige plusieurs siècles, et la misère des petits est attestée ])ar les historiens, les lois, les troubles civils, l.a loi des XII tables ne permet-elle pas aux créanciers de se partager le corps de leur débiteur ?(7V ; / ; » /(< terlia) Peut-être est-ce là une simple menace, mais Tacitk nous montre les pauvres cultivateurs ruinés par la guerre obligés d’eiiiprunlcr aux riches à nn taux usuraire el, parce qu’ils ne peuvent jamais acquitter leurs dettes, accablés de travail, jetés en prison, chargés de fers et vendus au delà du Tibre (Tac, Arin., Yl, xvi). Plus tard, lorsque les guerres ont étendu le domaine public, ager piihlicus, par la confiscation des territoires des nations vaincues, les petits propriétaires disparaissent et d’immenses domaines, Litifundia, appartiennent aux riches qui les exploitent par leurs esclaves. Les anciens maîtres du sol allluenl à Rome, où ils sont en proie à la misère.

Pour lutter contre eeltesilnalion redoutable, trois remèdes sont employés : 1° La défense des débiteurs