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PAUVRES (LES) ET L’ÉGLISE

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Dans un tombeau remontant à la VI’dynastie, le raort a fait graver ces paroles : « J’ai élevé à mon père une demeure magnilique ; j’ai honoré ma mère ; j’ai été plein d’amour pour tous mes frères ; j’ai donné des pains à celui qui avait faim, des vêtements à celui qui était nu, à boire à celui qui avait soif ; aucune ctiose peccamineuse n est en moi » (Ambli-NEAU, op. cit., ch. II, p. 84). Ameni, le prince du nome de Meh (XU= dynastie) après avoir énuraéré ses victoires, ajoute : < Il n’y eut pas d’airamé dans mon temps, même quand il y avait des années de famine. Il n’exista pas de pauvres dans mon nome. Je donnai à la veuve comme à celle qui avait un mari. Je ne distinguai pas le grand du petit dans tout ce que je distribuai » (E. Rbvillout, Hetue Egypt., ’)' année, 1882-1896, fasc. ii, p. It’j). Le Livre des morts, reproduit en partie ou en entier dans les tombeaux sur presque tous les papyrus funéraires avec la scène du jugement devant Osiris, renferme des passages remarquables sur le même sujet. La confession négative du défunt, au milieu de beaucoup d’autres dénégations, contient celles-ci : a Je n’ai fait souffrir personne de la faim… Je n’ai pas enlevé le lait de la bouche de l’enfant. » Puis viennent ces allirmations positives : « J’ai donné du pain à l’cifTamé, de l’eau à celui qui avait soif, des vêlements à qui était nu et une barque à qui en manquait. » Le Page Renocjf, The Egyptian Book of Ihe dead, ch. cxxv, Londres, 1904, pp. 312-214. P. PiBRRET, ie Livre des mnrts des anciens Egyptiens, iniS, 1882, ch. cxxv, pp. 369 et suiv. (Cf. Dict. Apol., an mot Egypte, col. l’A’i’i). Evidemment, de l’atTirmation particulière intéressée à la réalité générale pour tout le peuple, il y a loin, et l’on ne saurait oublier les horreurs causées par les armées en campagne et le sort des prisonniers qui durent construire les pyramides, les digues ou les chaussées. La Bible nous révèle tout ce que les Hébreux eurent à souffrir (Ex, , i, 14). On a pu dire que, danslesmonumentsdu règne deRamsésIl, « iln’y a, pas une pierre qui ne cotite une vie humaine » (F. Len’ormant, op. cil.. ! , pp. 217-218)..Mais, d’autre part, l’histoire de Joseph, sous quelque aspect qu’on l’envisage, est touchante, et indique, chez le Pharaon d’alors, de la bonté, de la largeur d’esprit, le souci du bien public et le désir de secourir la misère.

Ce qui rend les Egyptiens supérieurs aux Assyriens et aux Babyloniens, et permet de leur assigner une place d’honneur dans l’histoire de la charité antique, c’est l’idée de la résurrection après la mort, destinée à récompenser l’homme vertueux. Quel qu’ait pu être l’écart entre la théorie et la pratique, la vieille civilisation égyptienne sut « proclamer et maintenir pendant des siècles ces grands principes : l’égalité de la justice, — les droits de la femme et de l’enfant,

— le maintien de la condition d’homme chez l’esclave, — les obligations qu’imposent la richesse et le pouvoir, — l’assistance due au prochain malheureux » (L. Lallemand, Histoire de la Charité, in-8, 190a, t. I, p. 45).

a* Les pauvres et le peuple juif. — Avec les Hébreux, nous arrivons à une véritable législation économique, dans laquelle les pauvres ne sont pas oubliés. Le Pcntateuque, et spécialement, dans l’iEuvre de Moïse, le Lévitique et le Deutéronome, édlctent des mesures destinées à protéger le pauvre, la veuve et l’orphelin, l’e’clave et l’étranger.

En voici les points principaux : i* La terre appartient au Seigneur. Gomme nous l’avons lu plus haut dans le paprus Prisse, l’homme n’est que « l’intendant des biens de Dieu », son colon, son usufruitier :

« Vos advenæ et coloni mei estis » (Lév., xxv, 28).

2* Par suite, celui qui possède une terre ne peut la

vendre d’une manière définitive. Le vendeur ou son plus proche parent ont le droit de la racheter. Bien plus, au Jubile, tous les cinquante ans, le vendeur rentre automatiquement, sans indemnité à payer, en possession de son bien (L.év., xxv, 10 ; Josué, xiii). 3° Les fruits de la terre sont grevés de la dime, attribuée à la tribu sacerdotale de Lévi, qui ne [)ossède aucun bien, quia ipse Dominus possessio cjns est (Dent., x, 9). C’est la part de Dieu. 4" Mais il y a aussi la part des pauvres, prélevée sur la dîme sacrée, et tous les trois ans une dîme spéciale leur est attribuée (Deut., XIV, 28). Les jours de fête, la veuve, le pauvre et l’orphelin, sont invités aux festins de réjouissance (Dent., XVI). Bien plus, l’indigent, souffrant de la faim, a le droit de prendre dans les champs ou les vignes des épis ou des raisins et de les manger sur place. Toulef^ois il ne doit pas se servir de faucille pimr cueillir les épis ni emporter les raisins chez lui (Deut., xxiii, 24-26). 0° Celui qui possède doit laisser aux pauvres « l’angle du champ », sans le moissonner ; il ne doit pas ramasser les épis tombés, les gerbes oubliées, ni cueillir les grappes ou les olives qui restent après la vendange. C’est le bien du pauvre, qui possède le droit de glanage. 6’^ Tous les sept ans, en l’année sabbatique, la terre n’est pas cultivée ; ses produits spontanés servent à nourrir les maîtres et les serviteurs, les propriétaires et les nécessiteux (/ ?j"0(i., xxiii, 11 ; Lév., xxv, 6, 11, 32). )’Le salaire du travailleur est sacré ; il doit lui être versé le jour même, avant le coucher du soleil (Deut., XXIV, 14-15). 8" On doit prêter gratuitement à celui qui tombe dans le malheur les objets dont i ! a besoin (Deut., XV, g ; xxiii, 19). g" Ceux qui possèdent doivent secourir les pauvres, de telle sorte qu’il n’y ait nulle part de mendiants et d’indigents absolus : « Et omnino indigens et mendicus non erit inter vos «  (r)eut., -x.v, 4, 11).

Si, de la législation, nous passons à son application pratique, nous pouvons dire qu’elle fut à l’origine très rigoureuse, mais qu’ensuite les guerres, les invasions, la nécessité pour les Israélites de paj’er tribut ou de nourrir des armées étrangères, rendirent difficile l’exécution de certaines prescriptions de la loi mosaïque, en particulier celle de l’année sabbatique et de l’année jubilaire. D’autre part, les désobéissances de « ce peuple à la tête dure >i et les clivtinients qui les suivirent sont trop connus pour qu’il soit nécessaire d’insister. La prospérité du peuple juif est liée par Dieu lui-même à l’accomplissement de sa Loi ; sesprévarications.son penchant pour l’idolâtrie, la rapacité et 1 avarice de certains « anciens et princes du peuple » et leur mépris des pauvres attirent sur eux les diatribes enllammées des prophètes : « Israël a vendu le juste pour de l’argent, et le pauvre pour les choses les plus viles… Il a brisé contre terre la tête du pauvre et il a traversé toutes les entreprises des faibles… Vous avez pillé le pauvre… Je sais qiie vous l’opprimez dans vos jugements » (Jnios, 11, 6-7).

« Vous avez ôlé aux hommes non seulement le manteau, 

mais la tunique… Vous avez chassé les femmes de mon peuple des maisons oOi elles vivaient en repos… Vous arrachez aux pauvres jusqu’à leur peau, et vous leur ôtez la chair de dessus les os *(Michée, i, 8-9 ; III, a). (I Le Seigneur entrera en jugement avec les anciens et les princes de son peuple, parce que vos maisons sont pleines de la dépouille du pauvre… Pourquoi foulez- vous aux pieds mon peuple ? Pourquoi meurtrissez vous de coups le visage des pauvres ? » (lsaie,

, 13-i.5).

Ces invectives des Prophètes et ce que la Bible nous apprend par ailleurs des excès et des fautes de ce peuple, suffisent à prouver que cette législation, si équitable et si charitable pour le malheureux, ne