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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE

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PAUVRES (LES) ET L'ÉGLISE. — I. Position DE LA QUESTION. — II. LkS PaUVHES AVANT Le Christianisme : i° Les pauvres et les peuples païens de l’Orient. 2° Les pauvres et le peuple juif. 3* Les pauvres chez les Grecs. 4° Les pauvres chez les Humains. — III. Le Christianisme. — Les Pauvres DANS LES TROIS PREMIERS SIÈCLES DE l’EgLISE, avant l'édit de Constantin (313) : 1° La doctrine de Jésus-Christ et les temps apostoliques. 2' Les Pères de l Eglise et la pauvreté. 3" L’Eglise de Jérusalem. — Les diaconies. 4° Fonctionnement des diaconies primitives.— Les agapes. — IV. Les Pauvres dans l’Empire romain après Constantin : 1° Les Etablissements hos/italiers. a° Adminittraiion des Hôpitaux. — V. Les Pauvres en Occident APRÈS les grandes INVASIONS. — Les GRANDS ÉVÈQUBS FRANÇAIS. — LeS PAROISSES. — LeS MONASTÈRES. — VI. Les Pauvres au moyen agk : 1° Les Maisons-Dieu. a" Régime intérieur des Maisons-Dieu : A. Les ordres Hospitaliers. B. Le soin des pauvres malades. 3° Les /léproseries et Alaladreries. — VII. La Réforme Protestante et LES Pauvres, — La spoliation des fondations charitables. — VIII. Le Concile db Trente et la RÉFORME catholique. — L’Eglise bt la Charité au xvii' siècle : 1° L’action du Concile, a* f.es nouvelles congrégations hospitalières et les nouveaux hôpitaux. 3° La répression de la mendicité. — Les Hâpitau, r Généraux, et les Jésuites. 4 » L’action individuelle : A. Les Confréries de charité. B. Les Dames de la Charité. C. Les Filles de la Charité. 5° L’exercice pratique de la charité au xvn' siècle.

— Les idées charitables de l'époque. — IX. Lb

XVIII" SIÈCLB. — La RÉVOLUTION ET LES PAUVRES.

— La spoliation des hôpitaux. — X. L’Eolise et LES Pauvres au xix^ siècle. — La Congrégation,

— /.es Conférences de Saint-Vincent-de-Paul. — J-es innombrables œuvres catholiques. — /.es objections contre la charité.

I. — Position de la question. — L’amour el le soin des pauvres est essentiellement et spécifiquement une vertu chrétienne. L’amour de Dieu, en effet, d’après l’enseignement du Christ, n’existe pas sans l’amour effectif du prochain ; l’assistance des pauvres n’est pas seulement une vertu sociale, mais une vertu individuelle qui oblige la conscience de chaque chrétien en particulier.

L’Eglise a-t-elle été fidèle sur ce point à son idéal divin, et non seulement l’Eglise, mais les chrétiens et plus spécialement les catholiques pris dans leur ensemble ?

Telle est l’enquête historique qui s’impose à l’apologiste. Elle doit commencer par un coup d’oeil sur les peuples païens avant Jésus-Christ, afin de faire mesurer au lecteur la profondeur de la révolution chrétienne : puis il faut étudier chaque grande période de l’histoire et observer l’altitude de 1 Eglise. Les faits répondront aux théories des idéologues protestants ou socialistes. Car en pareille matière, les faits seuls ont une puissance persuasive et une valeur apologétique.

II. — Les Pauvres avant le Christianisme.

— 1° Les pauvres et les peuples païens de l’Orient.

— Parmi ces peuples, les Assyriens, presque exclusivement adonnés à la guerre, sont universellement connus pour leur cruauté. Babylone ne le cède guère à Ninive. Les textes assj’riens et babyloniens nous révèlent les scènes épouvantables qui suivaient la prise des villes et la capture des prisonniers. Les rois d'.A.ssyrie se glorifient presque toujours dans les mêmes termes d’avoir faitécorcher vifs en leur

présence les ministres ou les grands, et d’avoir tapissé les murs de leurs peaux, d’avoir emmené les captifs en coupant aux uns les mains et les pieds, aux autres le nez et les oreilles » (F. Lenormant, tlist. anc. de 1 Orient, t. IV, ch. v, § 2, pp. 169-170 ; J. Oppert, Hist. des empires de Chaldée et d’Assyrie, pp. 'J^-So). Après la prise de Jérusalem, Nabuchodonosor fait périr les fils du roi Sédécias, en présence de leur père, et immole les principaux d’entre les Juifs (Jérém., lu).

Les peuples, établis sur les côtes de Syrie, offrent aux dieux des sacrifices d’enfants nouveau-nés ; de Phénicie, ces usages se transportent à Garthage et aux autres colonies phéniciennes (Diod. de Sicile, XX, xiv, Phitarqub, De la superstition, xiii). En Assyrie et en Chaldée, les abandons d’enfants sont fréquents.

Que devenaient chez ces peuples les pauvres et les malheureux ? Les documents sont muets sur ce point et nous n’y trouvonspas l’idée d’une assistance organisée. On doit noter cependant que les rois assyriens, si cruels à leurs ennemis, apparaissent humains pour leurs sujets. Un courtisan, dans une lettre adressée probablement à Assarhaddon, lui dit :

« Tu délivres le captif. Celui qui de longs jours a été

malade revient à la vie. Les affamés sont rassasiés, les affligés sont consolés » (François Martin, Lettres assyriennes et babyloniennes, Pev, de l’Insl. cath. de Paris, igoi, p. la). Les esclaves ne sont pas abandonnés entièrement à la discrétion de leur maître ; on vend le mari avec la femme ; un esclave peut, à Babylone et à Ninive, se racheter au moyen de son pécule, contracter, être témoin, posséder d’autres esclaves (Sayce, Social life among the Assyrians and Babylonians, in-ia. Oxford, 1898, ch. vi. Slavery, pp. 75-83). Des fragments de briques nous révèlent des adoptions d’enfants abandonnés ; d’autres fragments nous les montrent au contraire « exposés à être mordus par les serpents du chemin » (F. Lenormant. Etudes Accadiennes, t. III, pp. 167-168).

En résumé, les Assyriens et les Babyloniens, si cruels pour les peuples qu’ils subjuguent, témoignent de quelque humanité entre eux et à l'égard de leurs esclaves ; mais aucune institution n’apparaît chez eux destinée à secourir la misère et à venir en aide aux pauvres.

En Egypte, nous trouvons un peuple supérieur par ses erojances et sa morale aux nations dont nous venons de parler. Aussi est-il plus charitable. Les plus anciens papyrus et les inscriptions des tombeaux révèlent des sentiments d’humanité envers les petits. Le papyrus Prisse, le plus ancien des traités de morale égyptiens, renferme les leçons célèbres de Ptah-Hotep(V dynastie). En voici un extrait : oxxx. Si tu es grand, après avoir été petit, [si] tu es riche après avoir été gêné ; [lorsque tu es] à la tête de la ville, sache ne pas te faire avantage [de ce que] tu es parvenu au premier rang, n’endurcis pas ton coeur à cause de ton élévation ; tu n’es devenu que l’intendant des biens de Dieu. Ne mets pas après toi le prochain, m qui est ton semblable ; sois pour lui un compagnon » H (Ph. ViREY, Papyrus Prisse, Biblioth. de l’Ecole des ^ Hautes Etudes, fasc. LXX ; in-8, 1 887, pp. 40-50 et 82). Dans les préceptes du scribe Ani à son fils, KhonSou-Hotep, environ quinze siècles avant notre ère, on lit : « Ne remplis pas ton cœur des biens d’autrui. Ne mange pas ton pain pendant qu’un autre est debout, sans que tu étendes ta main pour lui vers le ijain » (Amelineau, Essai sur l'évolution hist. et phil. des idées morales dans l’Egypte ancienne, in-8, 1895, ch. XI, pp. 339-358). Ce précepte de donner du pain est fréquemment rappelé par les hiéroglyphes.