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PAUL (SAINT) ET LK PAULINISME

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liation, c’est l’assurance d’y avoir part. Il reste, dit Schweilzer (p. 187), des points à éclaircir : « Y a-t-il deux résurrections ou une seule ? Y aura-t-il un jugement à l’heure de la parousie ?Sur quoi porterat-iï ? Qui le subira ? En quoi consistera la récompense elle cliàtimenl ? Que deviendront ceux qui ne seront pas admis au royaume ? Quel est le rapport entre le jugement et l’élection ? Quel sera le sort des croyants qui ont reçu le baptême, mais n’ont pas conservé la grâce ? Ont-ils complètement perdu la béatitude, ou sont-ils simplement exclus du royaume messianique ? Paul connait-il une résurrection générale ? Si oui, quand aura-t-elle lieu ? », etc.

Schweilzer se proi)osait d’éclaircir toutes ces questions dans un nouvel ouvrage ; mais, étant parti < omme missionnaire au Congo, le 2t mars 1918, il est probable que son ouvrage ne paraîtra pas. Ainsi nous n’avons plus l’espoir de jamais comprendre saint Paul ; car personne, affirme Schweitzer, ne l’a jamais compris jusqu’ici, si ce n’est peut être Kabisch, partiellement.

IV. VÉRITABLES SOURCES DU PAULINISME. PrCSqUC

tous les systèmes mentionnés plus haut contiennent quelques parcelles de vérité ; mais ils ont le torl d’être exclusifs et de vouloir simplifier à l’excès un problème complexe. On crée de fausses perspectives en mettant trop en lumière des points accessoires et en rejetant dans l’ombre des points essentiels. Que le rabbinisme où Paul s’est formé, l’hellénisme où il a vécu, la culture philosopUique et le mysticisme religieux rencontrés sur sa roule aient influé dans une certaine mesure sur son langage et même sur sa pensée, personne ne le niera ; mais les sources principales de la théologie paulinienne n’en sont pas moins : l’Ancien Testament, l’enseignement de Jésus avec la prédication des premiers apôtres, l’inspiration personnelle.

A) Ancien Testament. — La Bible est pour saint Paul, comme pour tous ses compatriotes, l’autorité souveraine et irréfragable, la parole de Dieu. C’est le Livre par excellence, le seul qui renferme toute vérité et le seul digne d’être étudié. L’Apôtre le possède à fond et le sait presque par cœur dans les deux langues, grecque et hébraïque. Il le cite constamment de mémoire, sans s’astreindre à une exactitude méticuleuse. Quand on dit que ses lettres — l’Epitre aux Hébreux non comprise — contiennent quatre-vingt-quatre citations de l’Ancien Testament, on ne donne qu’une idée très imparfaite de la réalité. En dehors des citations expresses, son langage est tissu d’allusions et de réminiscences, inconscientes ou voulues. Gomme celui de Bossuet et de saint Bernard, son style est tout imprégné d’expressions bibliques qui jaillissent spontanément de son souvenir. Ses conceptions religieuses ont leurs racines dans l’Ancien Testament et son langage est greffé sur celui des Septante. Mais ni les conceptions ni le langage ne sont stéréotypés. De mêmequeson champ de vision dépasse de beaucoup celui des prophètes, de même aussi les mots qu’il emploie subissent une extension et un accroissement de sens proportionnés au progrès des doctrines.

B) L’enseignement de Jésus et la prédication des premiers apôtres. — La thèse de Resch ( i>er PaHlinismus und die Logia Jesu, Leipzig, igo^), d’après lequel Paul ferait constamment usage d’un Evangile primitif en araméen, d’où seraient sortis nos trois Synoptiques, n’a pas été prise en considération. A juste titre ; car les nombreuses et remarquables coïncidences d’idée et d’expression entre saint Paul et les évangélisles peuvent fort bien s’expliquer par la tradition orale et la catéchèse apostolique. Mais cette catéchèse à peu près uniforme, synthétisant l’ensei gnement de Jésus, est un fait indéniable et révélateur. En dehors de la question des observances légales, il n’est pas Iracede dissentimenlentre le docteur des Gentils et ses collègues dans l’apostolat. Encore ce point, moins théorique que pratique, fut-il vite réglé à l’amiable. Pour le reste, mêmes idées sur Dieu, sur la personne du Christ, sur le salut, sur les sacrements, sur les destinées finales de l’homme. Pierre, Jacques et Jean, à l’assemblée de Jérusalem, approuvent solennellement l’évangile de Paul (Gal., II, 7-9). Celui-ci, en louant la foi des Roniains(/ ?oni., XV, il)), évangélisés par d’autres, a la certitude qu’ils professent la même doctrine que lui sur la valeur du baptême (vi, 3), sur l’abolition de la Loi (vu, 2) et sur d’autres points qu’on serait porté à regarder comme lui étant propres. Loin de chercher à s’isoler, Paul en appelle volontiers au témoignage des autres hérauts de la foi : « Soit moi, soit eux, ainsi nous ])rêchons et ainsi vous avez cru » (1 Cor., xv, 11). Et c’est bien naturel, puisqu’il n’y a pas deux évangiles, mais un seul, qui est l’Evangile du Christ (Gal., 1, 6-7 ; U Cor., XI, 4).

C) Inspiration personnelle, — L’Apôtre attribue toujours son évangile à une révélation immédiate du Christ (Epk., iii, 3-io). Il écrit aux Galates (i, 11la ) : « Mon évangile n’est pas selon l’homme, car je ne l’ai ni reçu ni ap|)ris d’un homme, mais par révélation de Jésus-Christ. » Son évangile, celui qu’il exposa à l’assemblée de Jérusalem pour montrer qu’il n’avait pas fait fausse route (Gal., 11, 2 ; cf. II, 7), c’est le tour spécial que prend sa prédication quand il s’adresse aux Gentils ou qu’il défend leurs privilèges ; c’est l’annonce du Mystère. La vision du chemin de Damas fut la plus importante des révélations, mais ne fut pas la seule. Jésus avait promis à Paul (, -(c<, , xxvi, 16) que d’autres suivraient et elles suivirent en effet (II Cor., xii, i-^ ; Gal., 11, 2 ; I Thess., IV, 15, etc.). L’illumination divine guide ses pas comme ses paroles (.ici., xvi, 6-7, 9-10 ; xviii, 9 ; XX, 22-28 ; XXIII, 16). Non pas qu’un événement providentiel ne favorisât l’éclosion de la révélation ou que la raison n’intervint à son tour pour la féconder. L’esprit de Paul n’était ni passif ni inerte. La condescendance exagérée de Pierre lui fit comprendre le danger du maintien de la Loi dans les églises mixtes ; les prétentions des judaïsants lui firentsaisir, mieux et plus tôt qu’aux autres, le principe et les conséquences de l’égalité chrétienne ; la négation et le doute étaient souvent le choc d’où jaillissait la lumière surnaturelle. C’est quand il revendique la compréhension des mystères (Eph., iii, l)ou qu’il affirme avoir l’Esprit de Dieu (I Cor., VD, 40), qu’il exprime parle mol le plus juste le caractère de son inspiration.

N. B. Les principaux ouvrages qui se rapportent à notre sujet, ayant été signalés au cours de cet article ou à la fin des sections, il n’a point paru nécessaire d’ajouter ici une liste bibliograpliique. Qui désirerait plus d’indications les trouvera dans notre Théologie de saint Paul, t. II, p. 659-672. La 6" édition contiendra une liste raisonnée et méthodique, allégée des non-valeurs et des travaux surannés. Dans sa Geschickte der l’aulinischen Forschung’on der Heformation bis aiif die Gegennart, Tubingue, 1911, Albkrt Schweitzbr énumère et critique les auteurs de langue allemande (les catholiques exceptés, bien entendu) qui ont écrit sur saint Paul. Sa critique est généralement sévère et quelquefois partiale, mais souvent juste et jamais ennuyeuse. Pour les ouvrages anglais, on pourra consulter J. Stalker, article Puni dans le Dictionary of ihe Apostolic C/(Mrc/), Edimbourg, ig18, édité par Hab TINGS.

F. Prat, s. J.