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PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME

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sous l’empire, il est le plus souvent administré pour le salut de l’empereur, ou par suite d’un vœu, ou par ordre de la déesse. Tous ces faits prouvent que ce n’était pas un rite d’initiation ; car un tel rite ne passe pas aisément d’une religion à l’autre et son effet n’est pas transmissible. C’était donc un sacriiice comme les autres, mais plus coûteux et par là même réservé aux personnages jiublics ou aux communautés. — Plus tard, le taurobole devint personnel et fut considéré comme un puissant moyen de purilication. Le taiirobolié était censé lavé de ses fautes ; mais l’effet n’en durait que vingt ans. Ce temps écoulé, le sujet devait recevoir le sang d’un nouveau taurobole. D’assez nombreuses inscriptions latines mentionnent cette répétition, soil à une époque indéterminée (Corp. Inscr. Lai., t. VI, 502 et t. X, l5y6), soit après un laps de vingt années (Ilnd., t. VI, 50^, 512). Une seule fois (Corpus, t. VI, )i<S)e taurobolié est présenté comme in aeternum reiiatus ; mais il s’agit d’un vieillard qui ne pouvait guère espérer vivre plus de vingt ans. Cf. Lagrangb, Atlis el le Christianisme dans la Jieviie biblique, 1919, p. 4 « 9480.

Mais l’anachronisme le plus choquant est de prouver la dépendance de Paul à l’égard des religions orientales par les Litres hermétiques et les Papyrus mugiques, comme le fait notamment Ubitzbnstein {Poimandres, Studien zur griechisch-ngypt’schen uiid friihckristlichen Literiilur, Leipzig, 1904). Les papyrus magiques ne sont pas antérieurs au troisième et au quatrième siècle de notre ère, quoiqu’ils puissent contenir et contiennent sans doute des documents plus anciens. Voir Tu. Schermann, Griechische Zauberpapyri und das Gemeinde-und-Dankgebet im I Klemensbriefe, Leipzig, 1909, p. 2. Quant aux livres hermétiques, ils sont aussi, dans leur étal actuel, du quatrième, tout au plus de la fin du troisième siècle. Cf. L. Ménard, Hermès Trismégiste-, Paris, 1867 (traduction précédée d’une étude sur l’origine des livres hermétiques) ; J. Kroll, Die Lehren des Hermès Trismegistos, Miinster-en-W., igi^. Stock, Hermès Trismegistus (dans Kncycl. of Religion and Ethics.l. VI, I913)pense qu’ils furent composés entre 313 el 330, car Lactance est le premier qui les cite ; il en donne cette appréciation (p. 6a0) : « Prenez Platon, les Stoïciens, Philon, le christianisme, le gnosticisme, le néo-platonisme, le néo-pythagorisme ; amalgamez tout cela, en y ajoutant une forte dose d’idées égyptiennes, et vous aurez quelque chose de semblableà Hermès Trismégiste telquenous le possédons. » II est vrai que Reitzenstein se fait fort de retrouver les parties anciennes, à force de gratter le vernis moderne ; mais il ne peut se dissimuler ce que ses intuitions ont d’hypothétique el ses déductions de précaire. Est-ce d’une bonne méthode que de chercher dans des compositions hybrides, de date et de provenance incertaines, la source de la pensée de Paul et n’est-ce pas vouer une thèse au ridicule que de l’élayer de pareils arguments ? Cf. Mange-NOT, La langue de saint Paul et celle des mystères païens (dans la Ret’ue du clergé français, igiS, t. LXXV, p. I2ç)-161).

m. La judaïsme et le paulinisme. — Sous le nom de judaïsme on entend soit le rabbinisme cristallisé dans le Talmud, soit l’ensemble des idées religieuses dont les écrits palestiniens, à peu près contemporains de l’âge apostolique, nous renvoient l’écho.

I. Le rabbinisme et le paulinisme. — Autrefois ScHŒTTGEN, LiGHTFooT ct d’autrcs savants qu’énumère Vollmbr (Die alttestam. Zitate bei Paulus, 1895, p. 80-81) tentèrent d’illustrer le texte de saint Paul par des passages tirés du Talmud. Le

succès fut médiocre. Fbanz Delitzsch (Paulus’Brief an die Humer in das Hebraische tibersetzt und aus Talmud und Midrasch erlàutert, 1870) a renouvelé l’entreprise sans beaucoup plus de succès. Il fallait s’y attendre. Le rabbinisme du temps de saint Paul nous est inconnu. Ce que nous nommons ainsi est le produit artificiel d’une école isolée, qui se constitua après la ruine du Temple et fut successivement transplantée à lamnia, à Lydda, à Séphoris, à Tibériade. La source la moins trouble du rabbinisme, la Misclina, remonte seulement à la fin du second siècle. Selon la comparaison saisissante et juste de ScHWBiTZER (Paulin. Forschung, p. 38), le rabbinisme du Talmud « ressemble à une prairie calcinée par un soleil torride. Il fut un temps où cette herbe jaunie et poussiéreuse était verdoyante et fleurie. Quel était alors l’aspect de la prairie ? » Nous ne le savons pas ; et dans cette ignorance, nos rapprochements sont bien précaires. L’ouvrage classique « le Wkber (Jiidische Théologie auf Grand des Talmud und vertvandter Schriften-, Leipzig, 1897) a la sagessede les éviter. Saint Paul n’y est cité que deux fois ; et c’est encore une fois de trop (II Cor., xii, 4). L’emploi du sens typique est commun à Paul et au rabbinisme, mais ce n’est pas au rabbinisme que Paul le doit. Certains procédés de citation et d’argumentation, par exemple Gal., iv, 22-31 ; I Cor., 11, 9-10 ; Rom., X, 5-8, voilà tout ce que l’Apôtre a retenu des habitudes de l’école fréquentée par lui dans sa jeunesse. Voir dans I Cor., x, 4 (Bibebant de spiritali, conséquente eos, petra : petra autem erat Christus) une allusion à la pierre qui suivait partout les Israélites dans le désert, selon la fable ridicule du Talmud, serait travestir grossièrement sa pensée. Cf. sur ce texte, le commentaire de Cornbly et, sur la question en général, la Théologie de saint Paul’, 1920, l 1, p. 22-28.

2. Le judaïsme apocalyptique et le paulinisme.

— C’est J. Wbiss qui inventa le messianisme eschatologique (Die Predigt Jesu vom Reiche Gottes, Gcettingue, 1892 ; 2e édition très augmentée en 1900) ; LoisY Ut chorus dans l’Evangile et l’Eglise. Schwei-TZBR prête à l’opinion nouvelle l’appui de son réel talent cl de son ardente polémique (Von Reimarus zu Wrede, Tubingue, 1906 ; 2 » édition augmentée sous ce titre Geschichte der Leben-Jesu-Forschung, Tubingue, igiS). Voici, variante » à part, le fond du système. Jésus croyait à l’apparition soudaine, imminente et catastrophique du Messie. Comment arrivat-il à se persuader qu’il était lui-même ce Messie, la nouvelle école ne l’explique pas clairement. Toujours est-il qu’ayant en vain caressé l’espoir de l’être de son vivant, il comprit qu’il ne remplirait ce rôle qu’après sa mort. Il se résigna donc à mourir. Mais, dans son attente, la parousie devait suivre la mort de si près qu’il ne songea pas à fonder une Eglise. A quoi bon, pour si peu de temps ? Cf. Lagbange, Le sens du christianisme. Paris, 1918, p. 230-a68.

Kabisch (Die Eschatologie des Paulus in ihren Zusammenhangen mit dem Gesamtbegriff des Paulinismus, 1893) avait attribué le même système à l’Apôtre. ScHWHiTZER s’est fait l’héritier de ces théories qu’il défend avec fougue dans sa Geschichte der paulinischen Forschung, Tubingue, 191 1. Paul, lui aussi, attendait le retour du Christ à brève échéance. C’est ce qui explique le caractère provisoire de sa morale. Toutes ses pensées sont tournées vers l’avenir. Il n’aspire qu’à une chose : échapper à la destruction. Or ce sera le privilège de tous les croyants, au moment où le Christ inaugurera son règne. Les conditions pour y être admis sont la foi et les sacrements (baptême et eucharistie), qui nous unissent mystiquement au Christ. La justification, la réconci-