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PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME

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aux études bibliques et ne procèdent, dans leurs comparaisons des textes, qu'à coups de concordance. Il en résulte les malentendus les plus extraordinaires. Ainsi Heitzhnstbin, qui s’excuse de s’immiscer, lui philologue, dans les matières théologiques (Die helUnisttschen Mrslerienrelifioiien. Leipzig, 1910, p. i), n’hésite pas à trancher les questions du ton le plus doctoral. Il révoque en doutccetle assertion deHAnNACK dictée par le bon seDs(Militia Chiisti, p. 122) que « la désignation des chrétiens comme soldats du Christ n’est due en aucune façon à l’influence des religions étrangères ». Au même endroit (note sur TTc-KTiûrai ôèoû, xà-Toyot, oéafjtot^ p. 66-83), il prétend que saint Paul s’est appelé prisonnier du Christ. (fcyKio ; X/sioToâ I>j70û, Pliilem., 1 et g ; Eph., iii, 1) à l’imitation desz « T « ;  ; oi, enfermés dans le Sérapéumde Memphis. Il assure (p. 80) que les xdroy/^i ou &171j.tii de Sérapis ou d’Isis étaient « des novices servant dans le temple, dans l’espoir d’une initiation, qui se faisait attendre des années, parfois toute la vie «.Mais les autres érudits ne partagent pas sa belle assurance. Pour Prbuschen (yî/o « c/i/um « nrf Serupishdt'^, Giessen, 1908) les xàroyoi sont des possédés, non des prisonniers. Wilcken (Papyruskunde, 1. I. 2" partie, p. 1 30-2) est du même avis : « Der Gott hait ihn fest, nimmt Besilz von ihm (xy.Tiyet), so dass er ein vom Gott Ergriffener, Besessener ist. » Et quand le mot xv.Toyci signifierait prisonnier, qu’aurail-il à faire avec le SsT/ito ; de l’Apôtre ?

a. Anachronismes et im’raisemblances. — Fait constant mais trop oublié : à part le culte d’Attis et de Cybèle, qui se prèle peu aux rapprochements avec saint Paul, les diverses religions orientales répandues dans le monde gréco-romain au premier siècle de notre ère ne nous sont connues que par des documents très postérieurs à l’Apôtre. Nous ignorons par conséquent sous quelle forme elles se présentaient vers le milieu du premier siècle. Pour les mystères isiaques. notre source principale et presque unique, en dehors des Pères de l’Eglise, est VAne d’or d’Apulée, ce roman satirique et licencieux écrit dans la seconde moitié du deuxième siècle. Curieux et superstitieux comme il l'était, Apulée a pu fort bien rechercher l’initiation d’Isis ; mais, dans ce récit grotesque, il est malaisé de faire le départ entre la vérité et la fantaisie, entre la piélé sincère et le persiflage. Quoi qu’il en soit, nous sommes loin de 1 Eglise naissante, et le rapport de dépendance, si tant est qu’il existe, peut se tourner en sens contraire.

Pour qu’une forme religieuse influe sur une autre, il faut que la première soit antérieure à la seconde ou tout au moins qu’elles soient contemporaines. Or un contact entre le christianisme naissant et le mithriacisme, par exemple, est tellement improbable a priori qu’on peut l'écarter sans balancer. Ce eulle était encore inexistant, pour ainsi dire, dans le monde romain. Stb abon XV, iii, 1 3) et Qdintb-Curce {Alex., IV, XIII, 48) parlent de Mithra comme d’un dieu perse ; Stacb (Theb., 1719-20), comme d’un étran r ; LuciKN (Dec, coric, 9 ; Jiip. tra^.), comme d’un dieu barbare. Selon Plutarqde (Vita Pompei, ii.xiv), l » s Romains en doivent la connaissance aux pirates lyciens vaincus par le grand Pompée. Aucun écrivain iu siècle d’Auguste n’en dit un mot. La religion de

itbra ne commença à se répandre dans l’empire m’après l’annexion du Pont, de la Cappadoce, de 'Arménie et de la Commagène (à partir de Vespaiien). Les missionnaires du mithriacisme furent les soldats, les marchands et les esclaves. Voilà pourjnci nous n’en trouvons guère de traces que dans es grandes villes cosmopolites, les principaux ports le mer et les stations militaires placées le long des

frontières. Le monde grec fut particulièrement réfractaire à une religion restée troj) orientale. Si l’on consulte la carte jointe à l’ouvrage de Gumont sur les Mystères de Mithra^, Varis, igoa, on verra qu’aucun monument mithriaque n’est mentionné en Macédoine et en Grèce (à l’exception du Pirée), aucun dans les provinces de Bithynie, de Galatie, de Pamphylie, de Lycie, de Paphlagonie, un seul (Amorium) ilans la province' d’Asie, un autre (Tarse) en Cilicie, deux respectivement en Cappadoce (Césarée et Tyane), en Syrie (Sidon et Sahin), en Egypte (.lexan(lrie et ^Iemphis). A part Rome et l’Italie centrale, les raithréums ne se trouvent plusqu'à l’extrême périphérie de l’empire, en Numidie, sur les bords du Rhin ou du Danube, ou dans les villes de garnison, surtout en Germanie, en Dacie et en Pannonie. En regard de cette distribution géographique, placez la carte de Deissmann (A’flH/H.ï, Tubingue, 1911), représentant le théâtre de l’apostolat de Paul, vous voirez que les deux domaines s’excluent mutuellement. Le Christ prêché par Paul prend d’abord possession du monde hellénique, du monde civilisé ; Mithra est encore relégué aux confins du monde barbare. Mithra ne dut sa fortune éphémère qu'à la protection de l’Etat. Favorisé par les Flaviens (70-96), il entra au panthéon romain sous Commode (180-192) qui se Ut initier aux mystères perses. Il vit son apogée au ni' siècle. Cependant, en 248, Origèhr (Contra Celsum, vi, a3) le traite comme une secte obscure et une valeur négligeable. Organisé en petits groupes autonomes, d’où les femmes étaient exclues et qui ne pouvaient compter tout au plus qu’une centaine de personnes, le mithriacisme ne semble jamais avoir visé à l’universalité. Toujours est-il qu’abandonné à lui-même il disparut bientôt dans l’indifférence et l’oubli. Du reste, au temps de saint Paul, <i les mystères mithriaques n’avaient aucune importance » ; il est donc invraisemblable que Paul les ait connus et tout à fait inadmissible qu’il leur ait rien emprunté. Tel est l’avis de Cumont (Les religions orientales, Paris, igo6, p. xv), de de Jong (Das antike Mysterienwesen, Leyde, 1909, p. 60), de Harnack (Mission und Ausbreitung des Christentums^, Leipzig, 1906, t. II, 278). de TocTAiN (Les cultes païens dans l’empire romain, t. II, Paris, 1911, p. iSo-iSg).

Ce serait un anachronisme encore plus intolérable ou, pour mieux dire, de la fantaisie pure, que d’interpréter le baptême chrétien par le rite du Taurobole, pratiqué en l’honneur de Cybèle et d'.ttis. Frudb.nce (Peristephanon, x, ioii-io50) nous a laissé une description détaillée de cette répugnante cérémonie. Le candidat, placé dans une fosse recouverte d’un plancher à claire-voie et le buste nu jusqu'à la ceinture, recevait le sang fumant du taureau immolé sur lui et en humectait avec délices les yeux, les oreilles, les narines, la langue et l’intérieur du palais.

Le rapport entre le myste d’Attis et le néophyte chrétien est-il bien frappant ? Mais il faut encore ajouter ceci, pour mieux marquer la différence : a) Le taurobole n’est pas un rite d’initiation et il n’est pas spécial au culte de Cybèle. i) Il n’est considéré ni comme une nouvelle naissance ni comme un gage de vie éternelle, c) Il est de date relativement récente et, loin d’avoir influencé Paul ou les premiers écrivains chrétiens, il peut fort bien avoir subi lui-même l’influence du christianisme.

On offrait des tauroboles à la déesse Ma, la Bellone de Comane en Cappadoce ; le premier taurobole connu par une inscription datée (en 134 après J.-C.) fut réclamé par la Vénus Céleste. M. Cumont pense qu’il ne devint propre au culte delà Mère des dieux qu'à partir du deuxième siècle de notre ère. Même