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PAUL (SAINT) ET LE PAULLMSME

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miracle ne repousseraient pas avec moins de décision le témoignage du Livre des Actes. Comme Zeller (Apustelgescliiclite, p. lyj) l’avoue franchement, leur négation lient à une conception pliilosopUique des choses dont la discussion ne rentre pas dans le cadre des recherches historiques. »

Les différences signalées ne sont nullement inconciliables. Il y en a quatre : A) D’après un récit, les compagnons de Saul entendent la voix ; d’après un autre, ils ne l’entendent pas. Mais l’expression employée dans les deux cas n’a pas le même sens : àxoùojriiTrii fcûjfii (génitif. Jet., IX, 7) veut dire ils perçurent le son de la voix (sans la comprendre) » ; rr, v ^wv/jv ovx r, K0u7Kv roû XoiXou-jToe, fi-OL (accusatif, Act.y xxiT.g) signifie « ils ne comprirent pas la voix de celui (]ui me parlait (tout en en percevant le son) ».

— B) Ici, ils ne voient personne (Act., ix, 9) ; là, ils voient une lumière (Act., xxii, 9). Où est la contradiction ? Une lumière est-elle donc une personne ?

— C) D’un côté, ils restent debout (Act., ix, 7) ; de l’autre, ils tombent à terre (Act., xxvi, 14). Mais EtïT/iKêtTav £vv£ot uc vcut pas dire nécessairement a ils étaient dehout, frappés de stupeur ; on peut traduire « ils étaient, ils restaient hors d’eux-mêmes î, comme en latin steterunt en pareil cas. Il sulUl pour s’en convaincre d’ouvrir le premier lexique grec venu. — D) Enûn on prétend que les paroles de Jésus sont différentes dans les trois récits. Littéralement, oui ; pour le sens, non. La principale divergence consiste en ce que l’auteur, selon un usage reçu à cette époque, unit en un seul discours (AcL, XXVI, 15-18) des paroles prononcées par Jésus en deux occasions distinctes (Act., xxii, 8 et 21) ; peutêtre aussi des paroles que Jésus lui fait dire par Ananie (Act., xxii, i^-iS).

I Explications naturalistes delaconversion. — Au fait, tous les critiques se rendentcompte qu'.i un moment donné un changement radical, équivalant à une transformation intellectuelle et morale, s’est produit dans l'àme de Saul, que ce changement est attribué par lui à l’apparition de Jésus ressuscité, qu’il est sûr d’avoin » leGhrist aussi réellement que les autres apôtres (I Cor., ix, 1 : Non sum Aposlolus ? Nonne Christum…vioif xv, 8 : Not’issime omnium… visus EST et mihi). Orce fait, s’il n’estpas miraculeux, appelle évidemment une explication. Les tentatives d’explication n’ont pas manqué. Signalons brièvement les trois principales.

i. Système de l’hallucination. — Rbnan, dans un long chapitre consacré à ce sujet (Les apôtres, 1866, p. 163-190), dissimule de son mieux sous les grâces du style l’indigence du raisonnement. Il nous dépeint Saul, aux approches de Damas, rongé par l’inquiétude, torturé par le doute, bourrelé de remords.

« L’exaltation de son cerveau était à son comble ; il

était par moments troublé, ébranlé. » Voici donc les maisons des victimes I « Cette pensée l’obsède, ralentit son pas. Il voudrait ne pas avancer ; il s’imagine résister à un aiguillon qui le presse. i> Qu’arriva-t-il alors ? On ne saurait le dire ; « Peut-être le brusque passage de la plaine dévorée par le soleil aux frais ombrages des jnrdins détermina-t-il un accès dans l’organisation maladive et gravement ébranlée du voyageur fanatique… Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’un coup terrible enleva en un instant à Paul ce qui lui restait de conscience distincte, et le renversa par terre privé du sentiment. » Peut-être cependant, j' eut-il autre chose : « Il n’est pas invraisemblable qu’un orage ait éclaté tout à coup. » Mais, au gré de Renan, ces circonstances matérielles ont très peu d’intérêt : u Qu’un délire ûévreux, amené par un coup de soleil ou une ophthalmie, se soit tout à coup emparé de lui ; qu’un éclair ait amené un long

éblouissement ; qu’un éclat de la foudre l’aitrenvers et ait produit une commotion cérébrale, qui oblitér : pour un temps le sens de la vue, peu importe. »

Si Kenan a pu croire que ses lecteurs seraien assez simples pour prendre aux sérieux ses sophis mes, il avait trop d’esprit pour s’y laisser prendr lui-même. Où veut-il en veniravec son roman ? Aren drevraisemblableune insolation, un transport au cet veau.Sousle climat de Syrie, cet accident n’est pas trè : rare ; mais un cou|) de soleil n’est point une conver sion ; ce serait plutôt le contraire. L’insolation gravi produit le coma, parfois suivi du délire. Lorsqu’elli n’a pas un dénouement fatal, elle entraîne en gêné rai un alTaiblissement temporaire ou durable dei facultés intellectuelles, souvent même la paralysi( ou le ramollissement du cerveau. L’insolation béni gne— et c’est sans doute de celle-là qu’on parle, puis que Saul put entrer à Damas avec l’aide de ses compagnons — guérit sans laisserde traces sensibles mais il est inouï qu’il en soit résulté une améliora tion physique ou morale. Dans un cas comme dant l’autre, la conscience du patient est inerte et il n garde aucun souvenir de ce qui s’est passé dans 1 ; crise. Une insolation du genre de celle qu’imagim Uenan pour le besoin de sa thèse serait un prodige aussi merveilleux que le miracle des Actes.

2. Procédé dialeclitjue. — Pi’lbidkhbr, dans soi Paulinismas, s'évertue à montrer que Saul persécu leur s’acheminait graduellement vers les idées chré tiennes. Convaincu que le Messie allaitvenir, pourvi que les Juifs fussent préparés à le recevoir, sacban d’autre part que les chrétiens allirmaient énergique ment la résurrection et le second avènement de Jésus avec la valeur expiatoire de sa mort, il se disait i< Jésus ne serait-il pas, après tout, le Messie atleiidi elsa mort n’aurait-elle pas la vertu rédemptrice qules chrétiens lui assignent ? » Mais c’est Holstkn qui dans tous ses écrits jusqu'à l’ouvrage posthume inti tulé Das Ei’angelium des Pauliis (1898), a échafaud le système avec le plus d’acharnement. Selon lui Saul persécutait les chrétiens parce qu’il regardai Jésus comme un faux Messie. Un criminel, condamn par l’autorité légitime à un supplice ignominieux pour avoir attaqué la Loi de Moïse, ne pouvait pa être l’envoyé de Dieu. Saul en était tellement con vaincu qu’il cherchait à désabuser les chrétiens. El discutant avec eux, il apprit que Jésus était ressus cité. Contre ce fait, il n’avait à élever aucune ohjec tion de principe ; car, en bon pharisien, il croyai à la résurrection des morts. Restait le scandale d la croix ; mais saint Pierre en donnait une explica tion plausible lorsqu’il attribuait à la mort du Chris une valeur rédemptrice. Cet ordre d idées n'était pa pour étonner Paul, qui admettait la réversibilit des mérites et la valeur expiatoire des souffrances La seule question était de savoir si Jésus était réel leinent ressuscité. Mais le nombre et la qualité de témoins, leur accord, leur évidente bonne foi, leu constance, ne pouvaient laisser aucun doute. Ici importe d’entendre Holsten lui-même : « On com prend que, dans ces circonstances, une tempête d pensées tumultueuses agitât l’esprit du persêcuteu et lui inspirât un désir intense de vériûer par lui même le fait de la résurrection de Jésus… Un pareille surexcitation, jointe à cette idée fixe, le pré parait psychologiquement à une vision… Il ne fau pas s'étonner que la visionse soit produite. »

C’est tout ; et c’est vraiment trop peu. L’argumen lation de Holsten fourmille de paralogismes. a) Sau croj’ait à la résurrection, inaisc'était à larésurreclio : des justes, soit à la fin des temps, soit à l’avènemeD du Messie ; il ne croyait pas à la résurrection di Messie lui-même, dont aucun Juif authentique n’ad