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PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME

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que lorsqu’il n’a point d’ordre du Seigneur (1 Cor., VII, 33 : /lei’irffinibus præceptunt Domini non lialieo). Partout ailleurs il en appelle à la loi du Glirist qu’il suppose connue de ses néophytes (Gal., vr, a : Aller allerias uriera portate et sic aitimptehitis legem Christi ; cf. Mat., xx, 26-38, etc.), loi qui l’oblige lui-même aussi bien que les simples Udèles (1 Cor., ix, ai :

iToû). La règle morale qu’il inculque aux catéehumènesn’esl pasde lui, maisde Jésus-Christ (I Thess., IV, 1-2 : Scitts quæ præcepta dederim vobis per Dominum Jesitm, o.-à-d. au nom du Seigneur Jésus et par son autorité). Y contrevenir serait manquer aux ordres du Maître (1 Tint., vi, 3 ; I Cor., iv, l’j, etc.). Ceci nous donne la clef de deux locutions énigraatiques apprendre le Christ el enseigner le Christ (Eph., IV, 20-21 ; Col., ii, 6-7). Les lidèles, attentifs à la prédication morale desapôtres, apprennent le Christ, non seulement dans ce qu’il a fait, mais dans ce qu’il enseigne et dans ce qu’il ordi>nne.

Pour contrôler et compléter cette revue rapide, il faudrait prendre quelques termes de comparaison, par exemple le Sermon sur la Montagne (l/at., vvii )oule Discours eschalologique(.V/rt/., xxiv ; il/arc, XIV ; Lac, xxi). Ici les nombreuses similitudes de fond et de forme sautent aux yeux et remontent évidemment à la même source. Le fait est si palpable qu’aucun critique sensé ne le contestera. Cf. pour l’eschatologie, notre Théologie de saint Paul, t. I, 1920, p. 87-88, 94.

Mais il est d’autant plus inutile de poursuivre notre enquête qu’elle n’a point de raison d’être. Le reproche fait à saint Paul d’utiliser si peu les actes et les paroles de Jésus porte à faux. S il était fondé, il atteindrait au même titre et encore à un degré supérieur tous les autres écrivains du Nouveau Testament, en dehors des évangélistes qui ont précisément pour but de raconter la vie du Sauveur. Proportions gardées, il n’y a pas dans ces auteurs plus d’allusions à l’existence terrestre de Jésus ; on peut même affirmer qu’il y en a moins. La question change donc complètement d’aspect. S’il reste une diUlculté, ce n’est pas saint Paul qu’elle concerne en particulier ; elle réclame une réponse générale. _ DIra-t-on que l’auteur des Actes qui, sans conteste, est aussi l’auteur du troisième Evangile, ne connaissait pas la vie de Jésus ? Cependant il est très sobre d’allusions, sauf dans le premier chapitre qui n’est qu’une continuation de l’Evangile. Il rapporte une seule parole de Jésus et, chose remarquable, il la met dans la bouche de Paul(^cf., xx, 35). Comme l’a dit très bien Harnack (.Veue Untersnchungen zur Apostelgeschichte, etc., 191 1, p. 81) : « Si nous ne connaissions de cet auteur que les Actes et pas l’Evangile, nous porterions sans doute sur lui le jugement suivant : cet homme ne sait rien de l’histoire évanjélique ; surtout il ignore absolument la tradition synoptique, puisque le seul mot de Jésus qu’il ait onservé ne se trouve pas dans cette source. » Conîlusion absurde ; maisraisonnement identique à celui jjue nous réfutons.

. Encore un évangéliste, le quatrième. Que ce soit iaint Jean ou non, peu importe pour le moment. Il îst certainement l’auteur de l’Epilre qui sert comme le préface à l’Evangile ; et il s’y donne expressément

! 0 ! ume témoin oculaire et auriculaire (I Joan., 1, i-5).

3r, que nous apprend-il sur Jésus ? Il mentionne en lassant son incarnation (iv, a), sa sainteté (m, 3), ion amour (m, 16), ses préceptes (m, 22). Il fait leut-être allusion au baptême (n, 27). Et c’est tout. ^’Apocalypse n’est pas plus riche en détails précis, i part l’allusion aux douze apôtres (.//)0c., xxi, ll^), îlle signale seulement la descendance du sang de

Tome III.

JudætdeDavid(v, 5 ; xxii, 6), le cruciflement à Jérusalem (xi. 8), la mort et la résurrection.

La Prima Pelri et l’Epitre aux Hébreux peuvent soutenir le parallèle avec les lettres paulinleunes pour l’intérêt porté à la vie du Christ. Nous remarquons dans la dernière la prédilection pour le nom de Jésus (neuf fois sans article) ; mais ni l’une ni l’autre ne nous donnent, proportions gardées, plus de renseignements que Paul. Quant à l’Epitre de Jude et à celle de Jacques, frère du Seigneur, ce sont justement les plus pauvres sur le point qui nous occupe. Celle-ci ne contient rien, celle-là presque rien sur la vie terrestre de Jésus.

Prenez maintenant les Pères apostoliques. Examinez VEpître à Dingnète, les Epitres de Clément, de Barnabe, d’Ignace et de Polyearpe, le Pasteur d’Hermas, la Doctrine des apôtres. Ces écrits mis ensemble dépassent en longueur les lettres de saint Paul. Ils contiennent cependant beaucoup moins d’allusions expresses au passage de Jésus surla terre. On n’en attendait peut-être pas beaucoup du Pasteur d’HBRMAS, mais il y en a moins encore qu’on n’en attendait. Si saint Ignace a constamment sous la plume le nom de Jésus-Christ, c’est presque uniquement dansles formules/n Jesu Chrislo, in nomineJe » u, et quand il représente le Christ comme un principe d’unité(J</ Stnyrn., viii, 2 : C’bi fuerit Christas Jésus, ihi catholica est ecclesia). L’Epitre à Diognéte ne nomme même pas Jésus-Christ. Saint Clément ne mentionne guère que l’humilité de Jésus (xin, 2 ; XVI, a), son rôle de pontife (xxxvi, i) et de rédempteur du monde (xxi, 6 ; XLix, 6, etc.) avec sa résurrection glorieuse (xxiv, i). Quant à l’Epitre de Barnabe, elle se home k indiquer comment Jésus, auteur de la nouvelle alliance (11, 6 ; iv, 7) vérilie les types de l’Ancien Testament (xi, 7-8 ; xir, 5-6, etc.). Il n’y a, dans tous les Pères apostoliques, aucun détail plus précis que celui-ci : « Nous célébrons dans l’allégresse le huitième jour, parce que Jésus est ressuscité des morts et qu’après être apparu, il est monté aux deux. » (Barnabe, xv, 9). Et c’est peu, à côté de ce que saint Paul nous apprend. L’explication la plus naturelle de ce fait, pour saint Paul comme pour les autres, c’est qu’ils s’adressent à des chrétiens déjà instruits de la vie de Jésus et que leurs ouvrages supposent la catéchèse, mais ne sont pas une catéchèse.

4. Diaérences doctrinales entre Paul et Jésus.

— « Quand, après avoir lu les évangiles synoptiques, on aborde l’étude de quelqu’une des épîtres de saint Paul, de l’épître aux Romains par exemple, on se sent tout dépaysé. Il semble qu’enpassant de Jésus à son apôtre, on ait été transporté sur un autre terrain. La prédication de Jésus est extrêmement simple, complètement étrangère à toutes les subtilités de la théologie. Chez Paul, au contraire, on se sent en présence d’un système théologique parfaitement ordonné. » Ces paroles de Goguel (L’apôtre Paul et Jésus-Christ, Paris, 1904, p. i) forcent assurément le contraste, mais elles ne rendent pas trop mal l’impression du lecteurordinaire ; en tout cas, elles posent nettement le problème. Jusqu’où vont ces divergences ? S’arrêtent elles à la surface, ou touchent-elles au fond de la doctrine ? Sont-elles dans les idées ou seulement dans l’expression ? Quelle en est l’explication la plus vraisemblable ?

Voici quelques-unes des différences les plus saillantes : a) Les noms de Messie, de Fils de Dieu, de Seigneur sontrelativementraresdanslesSynoptiques et Jésus a coutume de se designer par le nom de Fil » de l’homme ; au contraire, ce dernier titre ne parait jamais dans saint Paul, pas plus d’ailleurs que dans le reste du Nouveau Testament en dehors de saint