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PAUL (SAINT) ET LE PAULINISME

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L’économie de la rédemption se déroule ainsi, dans le passé, dans le présent et dans l’avenir, en un tableau (grandiose dont les perspectives ne manquent pas d’harmonie. On pourrait, couiræ le font la plupart des auteurs, donner à cet exposé la l’orme antithétique : Adam et le Christ, le siècle présent et le siècle futur, la cliair et l’esprit, le péché et la g-ràce, la promesse et l’Evangile, la Loi et la foi, etc. Mais la forme constructive est préférable ; car elle évite de forcer les contrastes et elle laisse à l’idée centrale sa place d’honneur.

Une théologie de saint Paul offrirait donc le schéma suivant :

L Préhistoire de la rédemption.

I. L’humanité sans le Christ. — 2. L’initiative du Père.

IL Le fait db la bkdbmption.

I. La personne du ItéJein pleur.

a) Le Christ préexistant. — b) Jésus-Christ, a. L’œut’re de ta rédemption.

a) La mission rédemptrice. — t) La mort rédemptrice. — c) La réconciliation. 3. L’instrument de la rédemption.

a) La foi. — b) Les sacrements — c) L’Eglise. III. Les fruits de la rédemption.

i. La vie chrétienne. — 2. Les fins dernières.

IL

Paul et Jésus

I. Paul opposé à Jésus. —Dès 1869, Kenan écrivait (Saint Paul, p. 569-670) : « Après avoir été depuis trois cents ans le docteur chrétien par excellence, Paul voit de nos jours linir son règne ; Jésus, au contraire, est plus vivant que jamais. Ce n’est plus l’Epîlre aux Rouiains qui est le résumé du christianisme, c’est le Discours sur la montagne. Le vrai christianisme, qui durera éternellement, vient des Evangiles, non des Epilres de Paul. Les écrits de Paul ont été un danger et un écueil, la cause des principaux défauts de la théologie chrétienne ; Paul est le père du subtil Augustin, de l’aride Thomas d’Aquin, du sombre calviniste, de l’acariâtre janséniste, de la théologie féroce qui damne et prédestine à la damnation. Jésus est le père de tous ceux qui cherchent dans les rêves de l’idéal le repos de leurs âmes. » La thèse du prétendu antagonisme entre Paul et Jésus n’a pas cessé d’être un dogme dans certaines écoles rationalistes. Pour beaucoup de critiques, Paul reste le créateur de la théologie, le fondateur de l’Eglise, le propagateur de l’ascétisme, le promoteur des sacrements, l’adversaire résolu de tout ce qu’il y a de libre, de spontané, de vivant et de viviliant dans la religion individuelle, qui serait la véritable religion de Jésus.

De ce chef, Nietzsche le surhomme, Paul de Lagarde le critique mystique et ce pauvre abbé Loisv, ont voué à Paul une sorte de haine personnelle. L’Allemand Bokttichiîr, qui se faisait appeler Paul de La ;  ;  ; arde, traite l’.Apôlre de fanatique, d’halluciné, d’esprit mal fait, qui « nous a gratiliés de l’exégèse pharisaïque » et dont l’inlluence néfaste a ruiné l’Evangile autant que cela était possible (Deutsche Schriften, Gœtlingue, 1886, p. 70). Nietzsche (Morgenrothe’, Leipzig, 1887, p. 64 68) appelle Paul un ambitieux et un intrigant, un roué et un superstitieux, qui aurait détruit le christianisme depuis longtemps, si on l’avait compris ou si seulement on l’avait lu d’un esprit libre et honnête. Selon M. Loisv, Paul voit faux et résonne faux : u Ce qu’il dit n’est consistant que pour lui (l.’Epitre aux Galatea, Paris, 191 6, p. i^O ; toute sa discussion n’est que mirage fantastiijue et jeux de mots (p. 142). Il a

poussé jusqu’aux dernières limites le génie du contresens (p. 45) ; il invente la philosophie et la psychologie qui conviennent aux besoins de sa thèse (p. 15y). » Pour comprendre ce phénomène d’aberration intellectuelle, il faut se souvenir que « la mentalité de Paul n’est pas celle de l’homme cultivé ; c’est celle du primitif dominé par ses impressions qui prend pour des réalités les images qui se heurtent dans son cerveau (p. 161) ».

D’autres critiques contemporains, par ailleurs assez modérés, sont franchement hostiles à Paul. Cette hostilité plus ou moins ouverte a provoqué, en Allemagne et en Angleterre, un mouvement religieux qui se traduit par le mot de passe : /.aisio/fs-/ ;  ; l’aul, revenons à Jésus ! ou autres formules semblables. En Angleterre la formule abrégée Back lit Christ ! marque moins clairement l’hostilité contre Paul.

La question des rapports entre Paul et Jésus est supprimée par deux catégories de critiques radicaux : ceux qui rejettent l’authenticité de toutes les épîtres de Paul et ceux qui nient l’existence historique de Jésus.

Personne, à notre connaissance, n’a relégué dans le domaine des fables l’existence de Paul ; mais l’école hollandaise, comme nous l’avons dit plus haut, soutient que nous ne savons à peu près rien de son histoire et absolument rien de sa doctrine, parce que toutes les lettres qui portent son nom lui sont étrangères et datent d’une époque beaucoup plus récente. En revanche, un certain nombre d’amateurs ne voient en Jésus qu’un être lictif, la personnification d’une idée ou d’un mythe. Cette thèse paradoxale, émise successivement par Bruno Bauer, Kalthoff, Conybeare, W. B. Smith, J. Robertson et l’orientaliste Jensen, qui fait de Jésus une transposition du héros babylonien Gilgamesh, commence, parait-il, à émouvoir les esprits, dans la docle Allemagne, depuis l’apparition du livre populaire de Drkws : Hat Jésus geleht ? lieden gehalten auf dem Berliner Heligiansgespràck des deutschen Monistenhundes iiher die Christusmythe. Berlin, 19 10 (traduit en français). VoirFiLLioN, les étapes du rationalisme dans ses attaques contre les Evangiles et ta vie de J. C. Paris. 191 1, et cinq articles du même auteur intitulés Paul ou Jésus ? dans la lievue du Clergé français, jgi 2. Pour l’honneur de l’esprit humain, il nous est impossible d’accorder la moindre attention à ces rêveries de cerveaux malades.

3. Attitude de Paul â l’égard de l’histoire évangélique. — Posons d’abord la question préjudicielle. Est-il possil)le, est-il concevable que Paul ait ignoré les principales circonstances de la vie terrestre de Jésus ? Converti presque au lendemain de la résurrection, au moment où le souvenir du Maître était si vivant, il n’aurait rien appris, rien demandé sur un sujet de Cette importance ! Ananie et les chrétiens de Damns, avec lesquels il vécut à deux reprises, avant et après son voyage en Arabie {Ad., IX, 10. 2^), ne lui auraient rien dit ? De quoi put il donc s’entretenir avec Pierre et Jacques, chez lesquels il passa quinze jours, trois ans après sa conversion (Gal., i, 18-19) ? P>>"’demeura continuellement en contact avec les disciples immédiats de Jésus. Barnabe fut son collaborateur à Antioche {Act., XI. 26), àChypre et en Asie Mineure (.-(c^, xiii, 4-xv, 3g). Silas l’accompagna pendant la seconde mission, qui ne dura pas moins de trois ans (Act., XV, 40). Philippe fut son hôte à Césarés, probablement plus d’une fois (Act., xxi, 8). L’ApÔlre passa une grande partie de sa vie dans l’intimité des historiens de Jésus. Marc fut l’associé de ses premières courses apostoliques (Act., xiii, 5), le compagnon de sa captivité (Co/., IV, u) et peut-être le témoin de ses